L'intérêt à agir du vendeur d'immeuble affecté de vice
Publié le :
19/08/2015
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Bien avant la loi du 3 janvier 1978, il était acquis en jurisprudence que l’action en garantie décennale du propriétaire d’un immeuble se transmettait aux acquéreurs successifs du bien, comme étant l’accessoire de l’ouvrage.Le principe n’a jamais eu de cesse d’être repris, l’article 1792 du Code civil indiquant au-demeurant expressément que : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage. »
La jurisprudence a confirmé que le principe de transmission à l’acquéreur de l’ouvrage des actions des constructeurs trouvait également à s’appliquer en ce qui concerne les actions fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass, 3ème civ, 28 février 1996, n° 94-15.136 ; Cass, 3ème civ, 8 octobre 1997, n° 96-11.155 ; Cass, 3ème civ, 27 mars 2013, n° 12-13.840) :
« L’acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose contre les locateurs d’ouvrage d’une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations. »
Il a alors été tout naturellement reconnu qu’au même titre qu’un acquéreur, un Syndicat des copropriétaires devait bénéficier de la transmission des droits à son profit, s’agissant des parties communes, y compris s’agissant des actions fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun (Cass, 3ème civ, 29 mars 2006, n° 05-12.736).
Le principe étant désormais bien acquis, il restait à traiter le sort du vendeur qui, ayant eu à subir un préjudice personnel avant la cession du bien, entendait légitimement en solliciter l’indemnisation auprès du locateur d’ouvrage ou de son assureur.
La difficulté trouve en définitive une double réponse.
Pour la toute première fois, dans un arrêt rendu le 23 septembre 2009 (Cass, 3ème civ, 23 septembre 2009, n° 08-13.470) la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a indiqué que le transfert des droits, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, devait s’opérer y compris pour les dommages apparus avant la régularisation de la vente.
Avec la même logique qui a toujours conduit la jurisprudence de la Cour de cassation depuis de très nombreuses années, il était ainsi indiqué que l’action en garantie décennale était transmise aux acquéreurs successifs en tant qu’accessoire, et ce nonobstant la connaissance par les acquéreurs des vices lors de la régularisation de la vente et de l’absence de clause leur réservant le bénéfice du recours, « à moins que le vendeur ne puisse invoquer un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir. »
Le principe sera très rapidement confirmé s’agissant de la transmission des actions fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun par un arrêt du 10 juillet 2013 (Cass, 3ème civ, 10 juillet 2013, n° 12-21.910) :
« Sauf clause contraire, les acquéreurs successifs d’un immeuble ont qualité à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente et ce nonobstant l’action en réparation intentée par le vendeur avant cette vente, contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire. »
La particularité de cette décision tenait au fait que le vendeur avait déjà engagé son action au jour de la régularisation de la vente, mais qu’en l’absence de toute clause particulière à l’acte lui conférant la conservation de ses droits, ils se trouvaient nécessairement transmis au profit de l’acquéreur, lui faisant perdre ainsi tout intérêt à agir.
C’est d’ailleurs ce que n’a pas manqué de rappeler la 3ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 novembre 2013 (Cass, 3ème civ, 5 novembre 2013, n° 12-13.923) :
« Le vendeur d’un immeuble ne conserve un intérêt à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, et nonobstant l’action en réparation qu’il a intentée avant cette vente sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, que si l’acte de vente prévoit expressément que ce vendeur s’est réservé le droit d’agir. »
La formulation « que si » laissait assez normalement entrevoir qu’à défaut de « clause contraire », il n’y avait pas de salut pour le vendeur.
Il apparaît qu’en réalité la chose n’est pas exacte, puisque dans un arrêt rendu le 4 mars 2014 (Cass, 3ème civ, 4 mars 2014, n° 13-12.468), la Cour de cassation a relativisé les conséquences dommageables de l’absence de clause, en rappelant qu’elle n’avait manifestement pas abandonné la réserve qu’elle avait déjà posée dans son arrêt du 23 septembre 2009 (Cass, 3ème civ, 23 septembre 2009, n° 08-13.470), à savoir que nonobstant l’absence de clause particulière, le vendeur ne puisse invoquer un « préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir. » :
« Pour rejeter la fin de non recevoir soulevée par le vendeur initial, l’arrêt avait retenu que l’ancien propriétaire conservait un intérêt à agir malgré la vente lorsqu’il s’agit d’obtenir la réparation de dommages apparus avant celle-ci au motif qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’acquéreur – vendeur justifiait d’un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir après la vente de la maison, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Bien que la formule ne soit malheureusement pas reprise dans l’arrêt du 9 juillet 2014 (Cass, 3ème civ, 9 juillet 2014, n° 13-15.923), il serait douteux de penser que la jurisprudence s’infléchisse sur ce point, devant être alors considéré que le vendeur conserve un intérêt à agir pour les dommages survenus antérieurement à la vente :
- En cas de clause particulière dans l’acte de vente, lui réservant la possibilité de recourir en indemnisation, tant sur le fondement des garanties légales des constructeurs, que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
- A défaut, en justifiant de l’existence d’un préjudice personnel, caractérisant un intérêt direct et certain à agir, ce qui est notamment le cas lorsqu’une moins-value a été consentie sur le prix de vente (Cour d’appel de Versailles, 3 mars 1989, n° 5619/86 et 5874/86).
Cet article n'engage que son auteur.
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