Bail commercial et défaut d'immatriculation : des conséquences graves!
Publié le :
04/07/2016
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L’immatriculation au RCS et au répertoire des métiers est l’une des conditions requises pour que le preneur soit éligible au renouvellement de son bail.Cour de Cassation Chambre Civile 3ème 14 avril 2016 n°15-14275
Pourtant, l’article L.145-8 du Code de Commerce n’évoque pas précisément cette situation.
L’article L145-8 ne vise pour obtenir le renouvellement de son bail , que la nécessité d’être propriétaire du fond exploité dans les lieux et en cas de fonds transformé, de l’avoir exploité de manière effective au cours des trois années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation.
Le défaut d’immatriculation à la date du renouvellement du bail emporte des conséquences d’une exceptionnelle dureté pour le preneur.
Il convient de rappeler que la jurisprudence considère que la condition d’immatriculation doit être appréciée au jour de la délivrance du congé (Cas. Civ. 3ème 10 juillet 2002). Elle exige également que le preneur soit immatriculé à la date d’expiration du bail (Cass. Com. 12 janvier 1999).
La Cour de Cassation vient de statuer sur l’hypothèse de locaux à usage de pharmacie dont le locataire titulaire est décédé. Les héritiers, dont aucun n’était pharmacien, ont, dans l’attente de la réalisation de la vente de l’officine au profit d’un cessionnaire, confié la gestion à un pharmacien salarié.
Les bailleurs ont fait délivrer aux héritiers un congé comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation à la date du renouvellement. Ils ont donc refusé le renouvellement sans indemnité.
La Cour d’Appel a annulé ce congé considérant que les bailleurs avaient fait preuve de mauvaise foi et avait agi de manière déloyale, profitant en quelque sorte de la situation de décès du titulaire de l’officine de pharmacie.
La Cour de Cassation ne s’embarrasse pas de ces considérations et casse l’arrêt . Elle rappelle que ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux le locataire qui ne justifie pas à la date de la délivrance du congé, de son immatriculation au registre de commerce et des sociétés.
Selon la Cour de Cassation, il s’agit d’une condition objective, qui en l’espèce n’était pas remplie dans l’hypothèse du décès du preneur et en l’absence d’immatriculation au registre du commerce de ses héritiers, peu importe la façon dont est exploité le fonds de commerce, avant la cession projeté, par un pharmacien salarié spécialement habilité.
Cette solution est bien évidemment rude pour les héritiers du propriétaire du fonds de commerce de l’officine de pharmacie, surtout lorsqu’on connait la valeur patrimoniale du fonds de commerce de pharmacie mais surtout de son droit au bail.
Cette situation n’est pas exceptionnelle, vu la pyramide d’âges des pharmaciens.
Il est probable qu’un certain nombre de pharmaciens titulaires poursuivent leur activité alors qu’ils ont dépassés l’âge de la retraite dans l’attente de céder leur officine.
Or, il est également fréquent que le bail des locaux se poursuit par tacite prolongation, de sorte qu’en cas d’accident de vie du pharmacien titulaire, il devient possible pour le bailleur par opportunisme de faire délivrer à tout moment dans le cadre de la tacite prolongation, un congé déniant le statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation.
Cette situation est extrêmement préjudiciable, de sorte qu’il convient de conseiller aux héritiers, dès lors qu’il n’existe aucune incompatibilité, de s’immatriculer immédiatement a registre du commerce, de même qu’il est conseillé de ne jamais laisser un bail se poursuivre en tacite prolongation afin de limiter la période de risque à la période de renouvellement qui intervient normalement à la neuvième année du bail.
Cette décision est d’une extrême dureté pour les preneurs.
La Cour d’Appel avait tenté de « sauver » le droit au bail en recourant à la notion de bonne foi et de loyauté. Cependant, la Cour de Cassation rappelle sèchement que la notion d’immatriculation est une notion objective qui ne doit laisser aux juridictions aucune appréciation souveraine ou subjective.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
MEDINA Jean-Luc
Avocat Associé
CDMF avocats , Membres du conseil d'administration
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