La décision de résiliation dun contrat est désormais susceptible de recours
Publié le :
31/03/2011
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Par un arrêt du 21 mars 2011, le Conseil d’Etat admet que la décision de résiliation d’un contrat est désormais susceptible de faire l’objet d’un recours de la part du co-contractant de l’administration.
L’arrêt Commune de Béziers II
Par un arrêt du 21 mars 2011 (Section du Contentieux n°308806, commune de BEZIERS), le Conseil d’Etat admet que la décision de résiliation d’un contrat est désormais susceptible de faire l’objet d’un recours de la part du co-contractant de l’administration.
Auparavant, le co-contractant de l’administration ne pouvait engager qu’une requête indemnitaire à l’encontre de la décision de résiliation unilatérale du contrat et ce parce qu’il était considéré que le juge ne peut imposer à l’administration de poursuivre des relations contractuelles.
Seule une indemnisation était donc possible.
Cet arrêt commune de Béziers, qui se situe dans la ligne des désormais célèbres arrêts du Conseil d’Etat du 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux et du 28 décembre 2009 Commune de Béziers (déjà), institue un nouveau recours de plein contentieux :
« le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu’elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; que de telles conclusions peuvent être assorties d’une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises ».
Un recours de plein contentieux à exercer dans le délai de deux mois est donc désormais possible pour contester la mesure de résiliation et obtenir la reprise des relations contractuelles.
Le Conseil d’Etat poursuit cet arrêt en précisant l’office du juge saisi d’un tel recours :
« que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu’elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; que de telles conclusions peuvent être assorties d’une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises ».
Il ressort de ce considérant que le juge administratif, après avoir constaté l’illégalité de la mesure de résiliation contestée, pourra soit :
- faire droit à la reprise des relations contractuelles à compter d’une date qu’il fixera
- rejeter le recours si les vices constatés sont seulement susceptibles de permettre une indemnité
Dans le second cas, il semble qu’il faudra saisir à nouveau le juge d’une requête indemnitaire, qui classiquement était réalisée jusqu’à cet arrêt.
Le Conseil d’Etat ne s’arrête pas là et expose dans quels cas, et au regard de quelle irrégularité, l’administration peut se voir imposer la reprise des relations contractuelles :
« il incombe au juge du contrat d’apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse ; »
Le juge devra donc tenir compte :
- de la gravité des irrégularités constatées,
- du comportement du requérant,
- des motifs de la résiliation,
- classiquement de l’atteinte excessive qui pourrait être portée à l’intérêt général
- mais également, ce qui paraît davantage novateur, de l’atteinte portée aux droits du titulaire du contrat conclu à la suite de la décision de résiliation attaquée.
Enfin, après avoir mentionné la possibilité de réaliser un référé suspension pour obtenir la reprise des relations contractuelles dans l’attente que la juridiction statue au fond (L 521-1 du code de justice administrative), le Conseil d’Etat n’hésite pas à expliciter l’office qui devra être celui du juge du contrat saisi en référé.
Classiquement, le Conseil d’Etat reprend les deux conditions devant être réunies pour obtenir la suspension :
a) Sur la condition d’urgence à suspendre les effets de la décision, le juge devra apprécier :
« après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, (…) d’une part les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation »
Le juge devra donc mettre en balance les atteintes que la résiliation cause aux droits du requérant et l’intérêt général qui impose la résiliation dudit contrat.
Cette incision fait naturellement penser au droit de l’urbanisme où le juge saisi d’un référé suspension à l’encontre d’une autorisation de construire peut faire échec, dans des conditions toutefois strictes, à la condition d’urgence si l’intérêt général nécessite la poursuite des travaux (CE 9 février 2011 n°338831 Chastenet).
La prise en compte de l’intérêt du tiers au contrat, mais titulaire du contrat rendu nécessaire par la résiliation attaquée, est également assez novatrice.
Il reste à savoir si le juge appréciera strictement ces conditions.
b) Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision, le juge devra vérifier : « si, en l’état de l’instruction, les vices invoqués paraissent d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles et non à la seule indemnisation du préjudice résultant, pour le requérant, de la résiliation ; »
Seules les irrégularités les plus graves pourront donc permettre la reprise des relations contractuelles.
Il n’y aura donc pas d’automaticité, ce qui semble s’inscrire dans la ligne de la jurisprudence, déjà initiée par la même commune (CE 28 décembre 2009 n°304802 Commune de Béziers précité, et ses arrêts d’applications CE 12 janvier 2011 n°332136, n°334320, n°338551) où toute méconnaissance dans les règles de passation d’un contrat n’engendre pas l’illégalité de celui-ci et notamment en raison des circonstances dans lesquelles ce vice a été commis.
Il s’agit donc d’un arrêt fondateur de nouveaux recours.
Comme il est très souvent coutume dans ces arrêts, malheureusement pour le requérant, la commune de Bêziers voit sa requête rejetées au motif que celle-ci a été enregistrée au greffe de la juridiction plus de deux mois après la date où elle a été informée de la mesure de résiliation attaquée….. le Conseil d’Etat décidant par la même que l’absence de voies et délais de recours ne peut être opposée dans ce nouveau type de contentieux :
« que la COMMUNE DE BEZIERS ne peut sérieusement contester avoir eu connaissance de cette mesure au plus tard par la lettre du 22 mars 1996, reçue le 25 mars suivant, par laquelle le maire de la commune de Villeneuve-lès-Béziers a informé son maire de la résiliation de la convention à compter du 1er septembre 1996 ; qu’aucun principe ni aucune disposition, notamment pas les dispositions de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, qui ne sont pas applicables à un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles, n’imposent qu’une mesure de résiliation soit notifiée avec mention des voies et délais de recours ; que, dès lors, la demande présentée par la COMMUNE DE BEZIERS devant le tribunal administratif de Montpellier était tardive et, par suite, irrecevable ; »
MEUNIER Anne
Cet article n'engage que son auteur.
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