Le nouvel office du juge suite à la résiliation d'un contrat par la personne publique
Publié le :
03/06/2011
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Cet arrêt intervient logiquement dans la lignée de l’évolution actuelle de la jurisprudence des contrats administratifs, tournée vers l’exigence de la stabilité contractuelle et vers plus de cohérence dans l’office du juge du contrat.
Arrêt du Conseil d’Etat du 21 mars 2011, commune de Béziers, n°304806
Cet arrêt est pour partie une conséquence de l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat, du 28 décembre 2009, commune de Béziers, n°304802 ayant affirmé l’exigence de stabilité et de loyauté contractuelle. Sa portée est toutefois moins générale.
Suite à une résiliation d’un contrat administratif par la personne publique, la jurisprudence antérieure datant de 1868 permettait uniquement d’obtenir des dommages et intérêts des conséquences dommageables de la résiliation irrégulière. Le juge administratif se refusait à obliger l’administration à demeurer dans un contrat dont elle ne voulait plus. Cette position jurisprudentielle était depuis longtemps critiquée au vu du nombre croissant d’exceptions à ce principe (exemples : concessions de service public, contrats d’occupation domaniales, contrats passés pour l’exécution d’un service public).
En raison du manque de cohérence et des nouveaux pouvoirs du juge du contrat issus des arrêts TROPIC TRAVAUX et COMMUNE DE BEZIERS (celui de 2009), l’arrêt du 21 mars 2011 vient donc mettre fin à ce principe.
Cet arrêt ne concerne a priori que la mesure de résiliation, les autres litiges relatifs à une mesure d’exécution d’un contrat étant toujours réglés par la voie de l’indemnisation. Ce recours de plein contentieux ouvert au cocontractant « résilié » permet de contester la validité de la résiliation du contrat et de demander la reprise des relations contractuelles au juge administratif.
Les nouveaux pouvoirs du juge du contrat consacrés par la jurisprudence BEZIERS 2009 sont confirmés dans cet arrêt de 2011 :
Le juge regarde si la mesure de résiliation est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien fondé.
Si c’est le cas, le juge doit déterminer s’il y a lieu de faire droit à la reprise des relations contractuelles à compter d’une date fixée par lui ou si les vices constatés sont seulement de nature à ouvrir droit à une indemnisation du cocontractant lésé.
Pour se déterminer, le juge doit prendre en compte la gravité des vices constatés, les manquements du requérant à ses obligations contractuelles, les motifs de la résiliation, l’intérêt général mais aussi les droits de l’éventuel titulaire d’un nouveau contrat passé suite à la résiliation.
Il n’est pas question pour le Conseil d’Etat de permettre la reprise des relations contractuelles à la moindre irrégularité.
L’arrêt précise que le recours au fond peut être assorti d’un référé suspension. Sans cette possibilité, l’intérêt de ce nouveau recours serait limité. En effet, les chances d’obtenir la reprise des relations contractuelles après une interruption de 2 ans (soit le temps moyen d’une procédure au fond) au vu des conditions posées par l’arrêt, seraient quasiment nulles. En revanche, la position du juge des référés devient déterminante et même prédominante sur la décision du juge du fond. Ce juge de l’urgence aura la lourde responsabilité de décider de la reprise ou non des relations contractuelles, certes à titre provisoire mais le juge du fond pouvant difficilement revenir sur ce choix initial plusieurs mois après.
Enfin, il convient de faire attention au délai de recours qui a été fixé à 2 mois à compter de la prise de connaissance par le cocontractant de la résiliation, sans qu’une notification ou que la mention des voies et délais de recours soient nécessaires pour faire courir le dit délai.
En conclusion, cet arrêt intervient logiquement dans la lignée de l’évolution actuelle de la jurisprudence des contrats administratifs, tournée vers l’exigence de la stabilité contractuelle et vers plus de cohérence dans l’office du juge du contrat. Son apport est à relativiser au regard des conditions posées pour la reprise des relations contractuelles, la voie de l’indemnisation du cocontractant résilié restera certainement la solution majoritaire. En l’absence de règles de mise en concurrence, la solution posée par cet arrêt sera intéressante pour les conventions d’occupation domaniales.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Bruce Shippee - Fotolia.com
Auteur
Jean-Philippe RUFFIE
Avocat Associé
Cabinet LEXIA
BORDEAUX (33)
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