L'octroi des congés payés en cas d'arrêt maladie non professionnel : une évolution significative à l'aune du droit européen
Publié le :
29/12/2023
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Nonobstant la lettre contraire du Code du travail, et dans la mesure où la suspension du contrat de travail est dans une telle hypothèse à la fois imprévisible et indépendante de la volonté du salarié, tous les arrêts de travail en raison de l’état de santé, quelle qu’en soit l’origine ou la durée, donnent droit à l’acquisition de congés payés.
Sur la portée du revirement opéré par la Cour de cassation :
Par principe, et selon l’article L.3141-3 du Code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.Du reste, l’arrêt-maladie en tant que tel n’est pas intégré au sein de la définition du temps de travail effectif, l’article L.3141-5 dudit code listant expressément et limitativement ces périodes pour la détermination du droit au congé.
Néanmoins, la chambre sociale, en formation plénière, de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, en contradiction avec la lettre du Code du travail, concernant l’octroi de congé pendant les arrêts-maladies des salariés, afin que le droit français soit conforme au droit européen notamment à l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européen.[1]
Effectivement, selon la jurisprudence européenne, lorsque le salarié ne pouvait pas travailler en raison de son état de santé, son absence ne devait pas avoir d'impact sur le calcul de ses droits à congé payé.
Désormais, tous les arrêts de travail en raison de l’état de santé, quelle qu’en soit l’origine ou la durée, donnent droit à l’acquisition de congés payés.
Sur l’effet rétroactif des quatre arrêts de la Cour de cassation :
Il sied de rappeler que la jurisprudence a un caractère rétroactif. Toutefois, les arrêts de septembre dernier, dont le principe est limpide, ne définissent pas avec précision leur application pratique.Afin de déterminer la période de rétroactivité de l’acquisition des congés payés, il convient de se référer à la prescription d’une telle action devant les juridictions prud’hommales.
L’article D.3141-7 du Code du travail dispose à cet égard que le paiement des indemnités dues pour les congés payés est soumis aux règles déterminées pour le paiement des salaires, se prescrivant, selon les dispositions de l’article L.3245-1 du même code, par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Néanmoins, la perte du droit au congé payé ne peut intervenir qu’à la condition que l’employeur ait mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit en temps utile[2].
La prescription triennale ne peut donc commencer à courir que si l’employeur apporte la preuve qu’il a mis le salarié en mesure de pouvoir prendre de façon effective ses congés payés.
La demande de régularisation peut donc porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du 13 septembre 2023 (date des arrêts) ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.
Il serait donc nécessaire désormais d’octroyer à l’ensemble des salariés, qui ont fait l’objet d’arrêts-maladies au cours des trois dernières années, le bénéfice des congés payés acquis durant la période de suspension de leur contrat et dès à présent, de ne pas arrêter le compteur des congés en cas d’arrêt-maladie.
Sur les suites de ce revirement et leur impact sur les entreprises françaises :
Il est indispensable d’ajuster les outils de gestion des congés lorsque que les salariés sont en arrêt-maladie d’origine professionnelle ou non ; la distinction n’ayant plus aucun effet.Aussi, la Première ministre a-t-elle été interrogée concernant la portée de ces arrêts et l’éventuelle nécessité d’intervention du législateur puisque ce revirement bouleverse le quotidien des entreprises et risque de provoquer des déséquilibres financiers, n’ayant pas anticipé ce type de dépense.
Le 30 novembre 2023, elle a indiqué que le droit français sera mis en conformité « au premier trimestre 2024 », sans indiquer la voie législative qui serait empruntée, mais en précisant qu’« il n’y aura pas de surtransposition ».
Surtout, elle « souhaite réduire au maximum l’impact de ces décisions sur les entreprises ».
Telles sont les éléments portés à notre connaissance qui ne manqueront pas d’être ajustés et précisés par le législateur, espérons-le !
Cet article a été rédigé par Camille Talon, juriste au sein du cabinet Drouineau 1927. Il n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU 1927
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