Obtention d'un crédit immobilier et conditions suspensives
Publié le :
19/05/2015
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La promesse synallagmatique de vente (plus communément appelée compromis de vente) constitue un véritable engagement des parties signataires. Les engagements sont définitifs à ceci près qu’il est fréquent de trouver dans le compromis de vente (d’immeuble) une condition suspensive d’obtention d’un financement.*** Cour de Cassation - 3ème Chambre Civile, 17 février 2015, pourvoi n° 13-17.201 ***
La promesse synallagmatique de vente (plus communément appelée compromis de vente) constitue un véritable engagement des parties signataires. D’un côté, le vendeur s’engage à vendre. De l’autre, l’acquéreur s’engage à acheter. Une rencontre des volontés est intervenue et le contrat s’en trouve formé. A tel point que l’article 1589 du Code civil précise que « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des parties, sur la chose et sur le prix ».
Les engagements sont définitifs à ceci près qu’il est fréquent de trouver dans le compromis de vente (d’immeuble) une condition suspensive d’obtention d’un financement. Ce n’est en effet qu’une fois que l’acheteur a jeté son dévolu sur un bien immobilier qu’il commence sérieusement à s’interroger sur ses capacités à en payer le prix et qu’il entreprend alors des démarches pour obtenir un financement.
Ainsi, au stade du compromis, l’acquéreur potentiel ne peut, le plus souvent, garantir le vendeur qu’il sera en mesure de payer le prix. Les deux parties trouvent donc un intérêt dans l’inclusion d’une condition suspensive d’obtention du prêt : l’acquéreur ne se trouvera pas contraint d’acheter si aucune banque n’accepte de le suivre, le vendeur ne sera plus contraint de vendre à une personne qui n’aura pas les fonds pour le régler.
Ceci étant, cette condition suspensive ne doit pas devenir une occasion pour l’acquéreur de se désengager à sa guise. La condition suspensive se transformerait alors en condition potestative (dépendant du bon vouloir d’une partie) prohibée par l’article 1174 du Code civil. La défaillance de la condition suspensive donne souvent lieu à une suspicion de la part du vendeur à l’égard du bénéficiaire de la condition suspensive. Le vendeur est convaincu que son cocontractant a fait en sorte de ne pas obtenir le prêt au motif qu’il ne souhaitait finalement plus acquérir.
C’est exactement d’une telle situation dont était saisie la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation à l’occasion d’un arrêt rendu le 17 février 2015 (pourvoi n°13-17201). En l’espèce, un compromis de vente était intervenu entre les Consorts Y… (vendeurs) et les époux A… (acquéreurs) sous condition suspensive d’obtention d’un prêt de 382.000 €.
Après signature du compromis de vente, les époux A… ont sollicité un établissement bancaire. Leur demande de financement allait toutefois au-delà de la simple acquisition de l’immeuble des Consorts Y…, les époux A… ayant demandé à leur banque un financement global en vue d’acquérir non seulement le bien immobilier des Consorts Y… mais aussi un autre bien à vocation professionnelle, étranger au compromis de vente. L’établissement bancaire refusera son financement.
Les vendeurs, considérant que les époux A… n’avaient pas entrepris des démarches conformes, les ont assignés aux fins d’obtenir leur condamnation au paiement de la clause pénale prévue au compromis, outre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice. La Cour d’Appel de Poitiers a fait droit à leurs prétentions au motif que la demande de financement allait au-delà du seul financement de l’immeuble objet de la promesse. La Cour de cassation a approuvé la Cour d’Appel et a rejeté le pourvoi des époux A…
A première vue, cet arrêt n’a rien de novateur et n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune publication au bulletin. Ceci étant, la lecture des moyens de cassation et surtout du premier moyen permet de constater que la situation de l’espèce posait de multiples difficultés. Cet arrêt est donc l’occasion de s’attarder sur l’importance de la teneur d’une condition suspensive et sur les démarches à entreprendre par le bénéficiaire de la condition.
I – CONDITION SUSPENSIVE : UN MANQUE DE PRECISIONS A PROSCRIRE
Il est essentiel d’avoir à l’esprit que les obligations du bénéficiaire de la condition suspensive sont délimitées par l’article 1178 du Code civil : « La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ».
Ainsi, l’acquéreur doit démontrer que la demande de prêt formulée était conforme aux caractéristiques du prêt prévues dans le compromis de vente. Le juge sera tenu de vérifier que le financement sollicité correspondait aux stipulations contractuelles (Cass. 3ème civ. 13 janvier 1999, pourvoi 97.14439 – Cass. 3ème civ. 17 mars 2010, pourvoi 09-13158).
Le compromis de vente se doit d’être très précis sur les caractéristiques du financement dont l’obtention est érigée en condition suspensive. On ne peut que recommander d’y faire figurer le montant, le taux maximum, la durée maximale et surtout toutes caractéristiques spécifiques du crédit.
En l’espèce, la condition suspensive insérée dans le compromis ne mentionnait pas les caractéristiques de l’emprunt, ce qui aurait pu s’avérer préjudiciable pour les acquéreurs en ce sens que la condition aurait été réalisée même par l’octroi d’un prêt à un taux ne répondant pas à leurs attentes, sauf pour eux à démontrer que la proposition de financement ne correspondait pas aux conditions ordinairement pratiquées sur le marché du crédit, ce qui légitimerait alors leur refus.
Sans doute, les caractéristiques du prêt importaient peu dans l’esprit des époux A… dès lors que leur maison actuelle était en vente pour un montant supérieur au prix d’achat de l’immeuble des consorts Y… Leur intention était de financer leur acquisition au moyen d’un crédit relais. Ils n’avaient donc visiblement aucun doute quant à l’octroi du financement et quant à leurs capacités à assumer le coût du crédit.
Il est toutefois regrettable qu’ils n’aient pas pris la peine de mentionner dans le compromis de vente qu’ils entendaient financer leur acquisition par le recours à un crédit relais et non pas à un crédit classique.
Peut-on considérer, en l’absence de précision sur les caractéristiques du prêt, que le bénéficiaire de la condition remplit son obligation en sollicitant uniquement un crédit relais ? Les vendeurs ne pourront-ils pas lui reprocher de ne pas avoir sollicité un financement « classique » et, en ne le faisant pas, d’être à l’origine de la défaillance de l’événement conditionnant la vente ?
La Cour d’Appel de POITIERS est allé en ce sens en considérant que « la nature particulière du prêt à 100% sollicité (prêt relais) » est notamment à l’origine du refus de la banque. A l’inverse, on aurait également pu considérer qu’en l’absence de précision dans le compromis rien n’interdisait de solliciter ce type de crédit.
A moins qu’il ne s’agisse d’une question relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, il aurait été intéressant d’avoir la position de la Cour de Cassation à une période où les établissements bancaires commencent à s’interroger sur l’opportunité d’octroyer des financements en crédit relais. Compte tenu de la crise immobilière, il n’est pas rare qu’au terme du crédit, l’immeuble ne soit pas vendu. Ainsi, une demande de financement en crédit relais devient de plus en plus une caractéristique défavorable qui permettrait de considérer que le bénéficiaire de la promesse est à l’origine de la défaillance de la condition en sollicitant, de sa propre initiative, un financement de la sorte.
D’où l’intérêt pour les acquéreurs, dès le stade du compromis, de délimiter les spécificités du crédit à solliciter.
II - DELIMITATION PAR LE COMPROMIS DES DEMARCHES A ENTREPRENDRE
Les démarches que le bénéficiaire de la condition suspensive doit entreprendre sont donc délimitées par le compromis de vente. L’acquéreur devra formuler une demande de prêt en adéquation avec le financement mentionné dans le compromis de vente.
On comprend aisément que l’acquéreur se montrerait fautif s’il sollicitait un crédit à des conditions déraisonnables. A titre d’exemple, s’il sollicite un crédit à un taux inférieur à celui mentionné dans la promesse de vente, et qui plus est à un taux largement inférieur au taux habituellement pratiqué par les établissements bancaires, il est indéniable qu’il fait en sorte de se voir opposer un refus et de voir défaillir la condition. La demande de financement doit correspondre à la réalité du marché du crédit en plus d’être en adéquation avec le compromis de vente.
En l’espèce, les époux A… ont sollicité un financement supérieur à l’objet de la promesse. Leur demande de financement était double : le financement de l’immeuble objet de la promesse mais aussi le financement d’un bâtiment à usage professionnel. Ainsi, le montant du financement sollicité était supérieur à la somme de 382.000 €, prix de vente de l’immeuble des Consorts Y…
Il est donc indiscutable que les époux A… ont sollicité un prêt allant au-delà des caractéristiques attendues. La Cour de cassation a donc naturellement approuvé la Cour d’Appel en ce qu’elle avait considéré que « l’ajout de cette demande de prêt professionnel sans apport personnel était à l’origine du refus du prêt faisant l’objet de la condition suspensive ».
La position de la Cour de cassation n’a rien de surprenant. Les acquéreurs sont responsables de la défaillance de la condition lorsqu’ils sollicitent un financement supérieur par son montant à celui envisagé (pour une demande de prêt trois fois supérieur à celui prévu : Cass. 3ème Civ. 24 juin 1998, pourvoi 96-1912).
Il sera fait observer que les époux A… ont tenté de rejeter la faute sur la banque en faisant valoir qu’elle ne leur avait pas remis l’attestation de refus du financement. La Cour d’Appel ne s’en était pas laissée conter : la non remise de l’attestation n’aurait rien changé à la responsabilité des époux A… qui, rappelons le, sont responsables de ne pas avoir sollicité un prêt conforme à l’objet de la condition suspensive.
Finalement, l’excès d’ambition des époux A… leur a été préjudiciable. Et dire qu’il aurait été si simple de solliciter indépendamment chacun des financements. Ainsi, ils auraient été à même de justifier d’une décision de refus de la banque de les suivre sur une demande de financement pour l’acquisition de l’immeuble litigieux.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Daiga - Fotolia.com
Auteur
PILLOT Antoine
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