Licenciement économique et reclassement
Publié le :
08/06/2010
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La Loi du 18 mai 2010 visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement est l’occasion de faire un état des lieux du droit au reclassement.
Obligations de l'employeur en matière de reclassement en cas de licenciement économique
La Loi n°2010-499 du 18 mai 2010, publiée au JO du 19 mai 2010, « visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement » est l’occasion de faire un état des lieux du droit au reclassement ; droit inhérent au droit du licenciement pour motif d’ordre économique.
Il s’agit là d’un des pans du droit du travail très délicat à mettre en oeuvre pour les chefs d’entreprises, et les professionnels du droit, eu égard aux enjeux économiques en cas d’échec dans sa mise en oeuvre.
Cette Loi intervient après de médiatiques échos concernant des restructurations au cours desquelles les directions de société, du fait de l’évolution de la jurisprudence sur le sujet, ont proposé à leurs salariés des offres de reclassement à l’étranger, accompagnées de faibles salaires, qualifiées d’indécentes.
- L’obligation de recherche de reclassement préalable à tout licenciement a été, dans un premier temps, consacrée par la jurisprudence (Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634 ; Cass. soc., 1er avril 1992, n° 89-43.494), qui a affirmé qu’avant de procéder à un licenciement économique d’un salarié, l’employeur était tenu d’examiner toutes les possibilités de reclassement envisageables et de les lui proposer en mettant en oeuvre, le cas échéant, des moyens d’adaptation pour lui permettre d’exercer l’emploi considéré.
- Cette solution a été reprise par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, codifiée à l’article L. 321-1 du Code du travail qui disposait :
« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement adressées au salarié doivent être écrites et précises ».
Sa recodification à l’article L. 1233-4 n’a pas apporté de modification notable à cette disposition.
Au fil des années, la jurisprudence est venue préciser les contours du droit au reclassement.
- L’obligation de recherche de reclassement doit être accomplie avant la notification du licenciement. Elle se distingue complètement des offres intervenant a posteriori en exécution d’une priorité de réembauchage.
- Elle doit être mise en oeuvre de façon individualisée. L’employeur doit donc, pour respecter celle-ci, étudier au cas-par-cas la situation de chaque salarié dont il envisage le licenciement. Il ne peut pas déléguer la mise en oeuvre de cette obligation à un tiers.
Dès lors, le fait de faire état d’une liste de postes vacants insérée dans le plan, sans aucune proposition de reclassement, ni d’adaptation à l’un des postes disponibles (Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-40.898), de diffuser les offres de reclassement par voie d’affichage (Cass. soc., 12 mars 2003, n° 00-46.700) ou encore d’envoyer des lettres-circulaires aux sociétés relevant du groupe, accompagnées d’une liste de l’ensemble des postes de la société et de l’ensemble des catégories professionnelles concernées par le plan de licenciement, en les invitant à signaler les emplois éventuellement disponibles pour des reclassements (Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-44.984), ne permet pas à l’employeur de satisfaire à son obligation en la matière.
- Les propositions de reclassement se doivent donc d’être écrites, précises, concrètes et personnalisées (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-44.613) et doivent faire l’objet d’une information complète et exacte auprès du salarié (CE, 13 avril 2005, n° 258755) précisant la localisation, la description des tâches, le niveau de formation requis ou encore le niveau de rémunération.
Jusqu’à présent, la jurisprudence considérait que l’employeur ne pouvait pas restreindre ses recherches et propositions de reclassement en fonction des réponses fournies par ses salariés à un questionnaire préalable sur leurs voeux de mobilité géographique (Cass. soc., 4 mars 2009, n° 07-42.381).
Dans le même ordre, le fait qu’un de ses salariés refuse, avant toute proposition de poste, le moindre reclassement ne dispense pas l’employeur de formuler des propositions concrètes, précises et personnalisées (Cass.soc., 2 mars 2010, n° 08-42619).
- Conformément à l’alinéa 2 de l’article 1233-4 du Code du travail, l’employeur doit par ailleurs chercher à reclasser le salarié concerné sur un emploi de la même catégorie ou un emploi équivalent à celui qu’il occupe.
A défaut de poste disponible, de même catégorie, l’employeur est tenu de proposer, sous réserve de l’accord express de ce dernier, les possibilités de reclassement existantes sur un emploi de catégorie inférieure, qu’il soit par ailleurs à durée déterminée ou indéterminée, à temps partiel ou à temps complet.
Dans l’hypothèse où l’employeur propose des offres de reclassement au salarié, ce dernier reste libre de les refuser, et ce sans incidence sur ses droits (Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 00-46.322).
- En outre, l’employeur a une obligation de proposer une formation permettant au salarié de s’adapter au nouvel emploi qu’il entend occuper (Cass. soc., 6 juillet 1999, n°96-45.665).
Bien qu’il soit tenu d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut en revanche lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut (Cass. soc., 3 avril 2001, n° 99-42.188). A ce titre, l’employeur ne contrevient pas à son obligation de reclassement lorsqu’il ne propose pas à des salariés, des postes ne correspondant pas à leur qualification (Cass. soc., 21 avril 2010, n° 09-40.953).
L’obligation de recherche de reclassement en cas de licenciement économique doit donc être accordée avec celle plus générale de formation et d’adaptation aux postes de travail qui pèse sur l’employeur tout au long de la relation de travail. En matière de licenciement économique, cette dernière apparait limitée aux formations complémentaires, permettant au salarié d’acquérir rapidement une compétence afin de pourvoir une offre de reclassement.
- Concernant le périmètre de l’obligation, et conformément à la lettre de l’article L. 1233-4 du Code du travail, la recherche de reclassement doit s’effectuer dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; périmètre du « reclassement interne ».
A ce titre, l’employeur doit rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et à défaut, de justifier d’une impossibilité de reclassement (Cass. soc., 31 mars 2010, n° 09-65.134).
Toutefois, l’obligation de rechercher des solutions pour reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi répondant aux moyens du groupe n’incombe qu’à l’employeur, une autre société du groupe n’étant pas, en cette seule qualité, débitrice envers la société concernée par la baisse d’effectif (Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-15.776).
- En l’absence et en cas d’insuffisance des recherches, ou en cas de mise en oeuvre déloyale du droit au reclassement, la jurisprudence considère le licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Cette obligation est à distinguer de l’obligation pour l’employeur de doter le plan de sauvegarde de l’emploi de mesures de reclassement (articles L1233-61 et L.1233-62 du Code du travail) ; lesquelles peuvent consister en des mesures internes (nombre de postes disponibles) ou externes (allocations différentielles…). Dans ce domaine, l’inconsistance des mesures portées dans le plan peut avoir des conséquences sur la validité même d’un plan de sauvegarde de l’emploi. La nullité du PSE entraînant, pour sa part, celle du licenciement.
- La nouvelle n°2010-499 du 18 mai 2010, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement, vient en partie organiser les règles régissant les propositions de reclassement, qu’il s’agisse de postes situés en France ou à l’étranger, édictées au fil du temps par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Ainsi, celle-ci vient en premier lieu modifier l’alinéa 2 de l’article L. 1233-4 du Code du travail de la manière suivante :
« Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. »
Un parallèle peut être fait entre cette précision législative et l’instruction n° 2006-01 de la DGEFP du 26 janvier 2006 relative à l’appréciation de propositions de reclassement à l’étranger, qui soulignait que « la proposition d’une entreprise concernant des postes au sein du groupe, dans des unités de production à l’étranger, pour des salaires très inférieurs au SMIC ne sauraient répondre aux obligations inscrites dans les articles L. 321-1 et L. 321-4-1 du code du travail».
Dorénavant, pour apprécier la loyauté de la démarche de reclassement suivie par l’employeur, doit être prise en compte la rémunération afférente au poste, et pas uniquement l’équivalence de la catégorie ou de l’emploi avec celui occupé jusqu’alors par le salarié. L’équivalence de la rémunération deviendra un nouveau thème de débats.
En second lieu, cette loi créée un nouvel article L. 1233-4-1, quant à lui spécifique aux Groupes à implantations à l’étranger, qui dispose :
« Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse vaut refus.
Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu’au salarié ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions qu’il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n’est adressée est informé de l’absence d’offres correspondant à celles qu’il a accepté de recevoir ».
Ce nouveau texte s’inscrit dans une volonté de mettre un terme à l’insécurité juridique résultant de l’interprétation des textes et de la lecture de certaines décisions, conduisant dans les faits, l’employeur à proposer des offres de reclassement assorties de rémunérations parfois dérisoires (exemple : application du droit local) par crainte de se voir sanctionner pour non respect de ses obligations.
Depuis le 20 mai 2010, l’employeur doit donc de manière préalable demander au salarié, par la remise d’un questionnaire, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement à l’étranger, et quelles éventuelles restrictions quant aux caractéristiques de celles-ci souhaite-t-il, notamment en matière de rémunération et de localisation.
Cette demande faite au salarié doit être réalisée, selon la loi, préalablement au licenciement sans apporter plus de précision. Toutefois, le ministre du travail a indiqué que le questionnaire devrait être soumis au salarié après la première réunion du comité d’entreprise.
A compter de la réception de celui-ci, le salarié disposera d’un délai de six jours pour faire connaître ses choix, l’absence de réponse équivalent alors à un refus de recevoir de telles offres.
Le nouveau texte reprend aussi une solution adoptée par la jurisprudence à savoir que les offres de reclassement envoyées au salarié en fonction des choix qu’il aura émis, devront être écrites et précises.
Par ailleurs, en l’absence d’offre de reclassement correspondant au souhait du salarié, l’employeur devra en informer ce dernier.
Enfin, il convient de relever qu’une circulaire est annoncée afin de préciser les détails de la mise en oeuvre de ce texte, et notamment quelles procédures en cours seront concernées puisque cette loi est applicable depuis le 20 mai 2010. Il conviendra donc d’être attentif à la réponse de l’Administration sur cette question.
Il serait hâtif et dangereux de considérer que cette nouvelle loi pourrait exonérer l’employeur de procéder aux recherches de reclassement au sein des entités établies à l’étranger. Son objet est plus restreint ; faciliter la mise en oeuvre individuelle du droit au reclassement qui pourra différer d’un salarié à l’autre en fonction de sa réponse au nouveau questionnaire.
Certains regretteront que le questionnaire n’ait pas été étendu aux démarches de reclassement sur le territoire national.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Chlorophylle
Auteur
TARDIVEL Laurence
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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