Vie privée et vie professionnelle
Publié le :
07/12/2011
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Des propos privés à caractère sexuel et des attitudes déplacées d’un superviseur à l’égard de salariées ne relèvent pas de sa vie personnelle et justifient le licenciement pour faute grave.Licenciement du salarié justiifié
Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2011, n° 09-72.672, SNGT c/ Hurbin.
A l’heure des réseaux sociaux sur Internet, la ligne de démarcation entre vie personnelle et vie professionnelle s’estompe.
La Cour de cassation ne peut l’ignorer et sanctionne les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié, même lorsqu’ils ont eu lieu en dehors du temps de travail.
Pourtant, au nom du respect de la vie privée, la jurisprudence désapprouve les licenciements prononcés pour des fautes commises par un salarié dans le cadre de sa « vie personnelle ».
Par exception, il arrive que la Cour de cassation admette un licenciement pour cause réelle et sérieuse, et non disciplinaire, en raison des troubles objectifs dans l’entreprise causés par la « vie personnelle » du salarié.
Plus rarement, la jurisprudence estime que des faits, bien que commis en dehors du temps et du lieu de travail, ne relèvent pas de la vie personnelle mais de sa vie professionnelle et justifient un licenciement.
C’est dans cette dernière hypothèse que se situe l’arrêt du 19 octobre 2011 de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
La Cour de cassation censure la Cour d’appel de Versailles et valide le licenciement pour faute grave d’un salarié, superviseur d’une équipe de standardistes.
En l’espèce, le licenciement reposait sur 2 séries de faits.
Certains des faits relevaient a priori de la vie personnelle, les autres relevaient de la vie professionnelle :
- La 1ère série de fautes avait été commise hors du temps de travail : le superviseur avait tenu des propos vulgaires et fait des avances de nature sexuelles à 2 de ses collègues féminines lors de soirées organisées après le travail ou lors de l’envoi de messages électroniques (MSN).
La Cour d’appel de Versailles avait retenu que ces attitudes, certes déplacées, n’avaient pas eu lieu pendant les heures de travail. En conséquence, la Cour avait retenu qu’il s’agissait de la vie personnelle du salarié, laquelle ne pouvait constituer une faute dans l’exécution du contrat de travail. Il s’agit là de la jurisprudence classique de la Cour de cassation.
- La 2nde série de faits s’était déroulée sur le lieu de travail : le superviseur avait fixé intensément du regard une salariée lorsqu’elle était sur son lieu de travail ; il lui avait fait des réflexions déplacées sur son physique ; une fois, le superviseur avait été jusqu’à suivre cette salariée dans les toilettes.
La Cour d’appel avait retenu que ces faits ne suffisaient pas à caractériser des agissements de harcèlement sexuel, ni même une faute grave.
La Cour de cassation censure clairement la Cour d’appel de Versailles en retenant que « les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées du salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie personnelle ».
Fort heureusement, le salarié licencié ne peut donc pas se retrancher derrière sa « vie personnelle » pour faire des avances déplacées à ses collaboratrices et leur tenir des propos vulgaires.
En d’autres termes, dès lors qu’il est « en contact en raison de son travail » avec d’autres collaborateurs, le salarié doit avoir un comportement « normal » tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.
Cette décision semble constituer un retour au pragmatisme de la Cour de cassation dont les décisions passées ont parfois été clémentes envers les salariés.
A titre de comparaison, la Cour avait « disculpé » en 2005 un chef d’agence licencié pour faute grave suite à des avances sexuelles faites à plusieurs de ses collaboratrices dans le cadre de sa vie personnelle (1).
Le chef d’agence avait été relaxé suite à la plainte déposée par ses collaboratrices pour harcèlement sexuel et agression sexuelle.
On aurait pourtant pu penser que la plainte pénale des salariées démontrait l’existence d’un trouble dans l’agence.
Toutefois, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait estimé que les gestes à caractère sexuel du chef d’agence relevaient de la vie personnelle du salarié et que le licenciement n’était pas fondé à défaut de trouble objectif dans l’entreprise.
L’arrêt du 19 octobre 2011 s’explique probablement par l’existence de fautes commises en partie pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.
De plus, la Cour a retenu que les victimes étaient des personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail.
Cette notion factuelle de « contact en raison du travail » laisse perplexe.
La Cour de cassation a vraisemblablement retenu que les victimes n’avaient pas de lien particulier avec le salarié fautif si ce n’est le travail.
La solution aurait-elle été différente si les victimes et le salarié licencié se connaissaient avant de travailler ensemble ?
Quelque soit la réponse, il convient de saluer la position pragmatique de la Cour de cassation qui a refusé de laisser un employeur démuni face à des fautes commises, a priori, dans le cadre de la vie personnelle.
Index:
(1) Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2005, n°04-41206 LE TALLEC / Société OUEST FRANCE.
L'auteur de cet article: VANHOUTTE Thierry, avocat à Lille.
Cet article n'engage que son auteur.
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