Antennes-relais: la loi ABEILLE pour une meilleure information de la population

Antennes-relais: la loi ABEILLE pour une meilleure information de la population

Publié le : 10/11/2016 10 novembre nov. 11 2016

Déclinaisons d’une nouvelle gouvernance de l’information en matière d’exposition du public aux ondes électromagnétiques : transparence et prémisses de concertation préalable à l’implantation des antennes relais.

 

La Loi n°2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dite loi « Abeille »[1] , première Loi instituant une démarche de tempérance de l’exposition du public aux radiofréquences générées par les antennes relais, a emporté création de plusieurs outils destinés à promouvoir l’information et le dialogue quant à l’implantation ou la modification substantielle d’une installation radioélectrique (soumise à l’accord ou l’avis de l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR)) sur un territoire donné.

Intervenant en suite des rapports du comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile qui avaient notamment identifié de nouvelles procédures de concertation et d’information locales pour accompagner les projets d’implantations d’antennes relais, grâce aux expérimentations mises en œuvre sur neuf villes pilotes jusqu’en décembre 2012, cette Loi poursuit l’objectif de tendre vers un équilibre entre le principe de sobriété de l’exposition au public nouvellement créé, et les exigences accrues de qualité et de couverture du numérique.

Soucieuse de prévenir les nombreux contentieux que cette matière pouvait susciter, sont instaurées de nouvelles obligations incombant aux exploitants en matière d’information préalable des Collectivités et des outils de concertation prévoyant la possibilité d’une consultation du public ou l’institution d’un organisme de médiation à l’échelle départementale.

Entrée en vigueur depuis le 8 août 2015, certains des mécanismes institués ont été déclinés par deux décrets d’application des 11 août et 9 septembre 2016, traitant respectivement de la composition et des modalités de fonctionnement de l’instance de concertation départementale (Décret n°2016-1106 du 11 août 2016), et de l’information locale en matière d’exposition du public aux champs électromagnétiques et du comité national de dialogue de l’ANFR (Décret n°2016-1211 du 9 septembre 2016).

« Une instance de concertation départementale réunie pour une médiation concernant une installation radioélectrique existante ou projetée »

Lorsqu’il estime qu’une médiation est requise concernant une telle installation, le Préfet réunit, le cas échéant à la demande du Maire ou du Président de l’EPCI compétent, une instance de concertation dont il convenait de préciser la composition ainsi que les modalités de fonctionnement (L. 34-9-1 II E du Code des postes et des communications électroniques).

Celle-ci sera donc formée d’un nombre égal de de représentants des acteurs intéressés[2] avec pour mission de mener une médiation entre ces différents protagonistes en établissant un état des lieux commun à partir d’une synthèse des différentes observations et propositions d’action concernant les installations concernées ; ce en vue de favoriser la résolution à l’amiable d’un différend relatif à ces dernières.

Cette instance devra alors prendre en compte tout à la fois l’insertion de l’installation dans son environnement, l’état des connaissances sanitaires sur les radiofréquences, les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques, les mesures de niveau de ces champs, les informations publiques relatif à ces niveaux d’expositions rendues par le comité national de dialogue et, le cas échéant, le recensement des points atypiques du territoire de l’ANFR ainsi que les informations transmises au Maire ou au Président de l’EPCI dans le cadre de la concertation locale instituée par l’article L. 34-9-1 II B du Code des postes et des communications électroniques[3].

Cette instance départementale offre un pendant local au comité national de dialogue créé par la Loi du 9 février 2015 au sein de l’ANFR, associant les parties prenantes sur tout sujet relatif aux niveaux d’exposition du public aux ondes électromagnétiques.

 

Une transparence accrue et préalable à toute recherche d’implantation

Auparavant cantonné à son rôle d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme éventuellement déposées, sans pouvoir, ni exiger du pétitionnaire quelconque transmission d’une estimation de niveaux d’émission (Voir en ce sens, Conseil d’Etat, 21-10-2013, Société Orange France, n°360481) ni prétendre s’opposer à l’implantation d’une antenne relai sur le fondement du principe de précaution sans excéder son champ de compétence (Voir en ce sens, Conseil d’Etat, 26-12-2012, Commune de Saint-Pierre d’Irube, n°352117), le Maire recouvre des possibilités d’intervention en amont et le long du processus d’implantation ou de modification substantielle d’une installation radioélectrique ; bien que le champ matériel de ces nouveaux outils soit limité aux stations dont l’implantation est subordonnée à l’accord ou (en matière audiovisuelle) à l’avis de l’ANFR[4].

Ce nouveau régime impose donc aux opérateurs ou exploitants d’informer, par écrit, le maire ou le Président de l’Intercommunalité et ce dès la phase de recherche du futur site d’implantation du projet, et de lui transmettre un dossier d’information deux mois avant le dépôt de la demande de permis de construire ou de déclaration préalable (avant le début des travaux pour toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante susceptible d’avoir un impact sur le niveau des champs émis et nécessitant nouvel accord de l’ANFR)[5].

Le contenu de ce dossier d’information vient d’être précisé par Arrêté du 12 octobre 2016 relatif au contenu et aux modalités de transmission des dossiers d’information et des dossiers établissant l’état des lieux des installations radioélectriques soumises à avis ou accord de l’ANFR, publié au Journal Officiel du 15 suivant (NOR : ECFI1609979A) ; étant précisé que la Loi prévoyait déjà la possibilité, pour le Maire, d’exiger qu’il comprenne une simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques générés par l’installation, en sus de l’état des lieux des installations éventuellement existantes qu’il pouvait déjà solliciter (L. 34-9-1 II A du Code des postes et des communications électroniques).

A compter de la réception de ce dossier,  le Décret n°2016-1211 du 9 septembre 2016 instaure un second niveau de transparence, précisant que l’exécutif local dispose alors d’un délai de huit jours pour solliciter cette simulation d’exposition du public aux ondes qui seraient générées par la future installation, et qu’il doit mettre l’ensemble des informations transmises à disposition du public concerné (habitants de la Commune ou de l’Intercommunalité sur le territoire de laquelle est prévue ou située l’installation) dans un délai de dix jours après réception du dossier ou de la simulation[6].

Il n’est cependant institué qu’une simple faculté pour l’exécutif de requérir de la population la formulation d’observations sur les informations mises à sa disposition, qu’il doit alors informer en précisant les moyens fournis à cet effet. Cette concertation a proprement parlé ne pourra également qu’être menée pendant une durée limitée à trois semaines à compter de la mise à disposition du public du dossier d’information.

Aussi est-il possible de s’interroger sur la portée effective des mécanismes de concertation déclinés sur la mise en œuvre effective d’une nouvelle implantation ou d’une modification substantielle d’installation radioélectrique dans la mesure où le recueil des remarques de la population est tout à fait optionnel - étant librement mobilisable par l’exécutif local -  et, qu’en tout état de cause, il est uniquement prévu que son bilan soit communiqué à l’instance de médiation départementale ci-avant décrite[7] lorsqu’elle est convoquée par le Préfet, sans que ne soit aucunement réglementairement envisagé quelconque impact potentiel sur l’accord de l’ANFR en l’absence de toute transmission à cette Agence.

 

Aussi louables soient les intentions poursuivies et aussi tangible soit l’information désormais communiquée, il est à espérer que ces dispositions soient envisagées comme une étape du développement de démocratie participative qui se diffuse progressivement et actuellement dans la mise en œuvre de l’ensemble des projets d’aménagement de notre territoire et qu’il conviendra de poursuivre.

 

[1] Du nom de Laurence Abeille, députée écologiste du Val de Marne, co-auteure (avec  Éric ALAUZET, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Denis BAUPIN, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, François-Michel LAMBERT, Noël MAMÈRE, Véronique MASSONNEAU, Paul MOLAC, Barbara POMPILI, Jean-Louis ROUMEGAS, François de RUGY et Eva SAS) de la proposition de Loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 11 décembre 2013 relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

[2] services déconcentrés de l’Etat, ARS, ANFR, Collectivités territoriales ou leurs groupements intéréssé(e)s), exploitants, Associations agréées de protection de l’Environnement ou ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé ou d’usagers du système de santé, Fédération d’associations familiales, Association de bailleurs et propriétaires, syndicats mixtes des PNR

[3] (Article D. 102 II et IV du Code des postes et des communications électroniques créé par le Décret n°2016-1106 du 11 août 2016, article 1er).

[4] (Article L. 43-1 du Code des postes et des communications électroniques).

[5] (Article L. 34-9-1 II B et C du Code des postes et des communications électroniques).

[6] (Articles L. 34-9-1 II B et C et R. 20-13-1 I et II du Code des postes et des communications électroniques).

[7] (Article R. 20-13-1 III du Code des postes et des communications électroniques).

 

Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

VINCENT Julie

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