
Le soutien public financier à la production d'électricité : les apports de l'arrêt du conseil d'État du 30 septembre 2022
Publié le :
13/10/2022
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Dans un arrêt du 30 septembre 2022 sous le numéro 459 176, le Conseil d'État a jugé légal l'article 13 de l'arrêté interministériel du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations, implantations, bâtiments, hangars ou ombrières utilisant l'énergie solaire photovoltaïque d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kWh en tant que le second alinéa de cet article interdit aux producteurs de cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévus à l'article 8 de cet arrêté avec un autre soutien public financier à la production d'électricité.La requête avait été élevée sur le visa des articles du code de l'énergie et plus particulièrement de l'article L314 – 1 qui institue un régime de soutien à la production d'énergie renouvelable prenant la forme d'une obligation et d'un tarif d'achat de l'électricité produite par certaines installations.
Plus particulièrement, afin d'atteindre les objectifs de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie, il a été convenu de prévoir des obligations d'achat et des tarifs spécifiques.
Le décret du 6 octobre 2021 a introduit à l'article D314 – 15 du code de l'énergie une extension du bénéfice de ce régime de soutien aux installations utilisant l'énergie solaire photovoltaïques, implantation des bâtiments hangars ou ombrières dont la puissance crête installée est inférieure ou égale à 500 kW.
Par un arrêté du 6 octobre 2021, les ministres chargés de l'énergie de l'économie ont fixé les conditions d'achat de l'électricité produite par ces installations.
Ils ont notamment introduit un article 13 qui dispose sous la rubrique obligations du producteur : "le producteur ne peut pas cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévues à l'article 8 avec un autre soutien public financier à la production d'électricité provenant d'un régime d'aide local régional national ou de l'union européenne."
L'article 8 définit quant à lui sous la rubrique "tarifs et critères d'implantation" les modalités selon lesquelles tel ou tel type d'installation peut bénéficier de tarifs spécifiques ou de primes particulières.
Il s'agit en réalité de la structure des tarifs et de la rémunération du producteur.
Autrement dit, s'il existe une obligation d'achat au titre des caractéristiques de l'installation, celle-ci ne peut pas être cumulée avec des modalités d'aides publiques qui prendraient une autre forme.
C'est pour obtenir l'annulation de ce critère de non-cumul que les requérants s'étaient présentés devant le Conseil d'État, lequel rejette leur requête.
Dans son considérant numéro 6, la Conseil d'État estime qu'en subordonnant le bénéfice de l'obligation d'achat au non-cumul d'aides financières publiques à la production d'électricité, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie se sont bornés à fixer d'une part les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de production d'énergie d'origine photovoltaïque, sans que cette obligation qui pèse sur les seuls producteurs d'électricité, ait pour effet d'interdire aux personnes publiques, et notamment aux collectivités territoriales, d'accorder à ces producteurs un soutien d'une autre nature en poursuivant un autre objet que la production d'électricité.
Ce considérant, particulièrement intéressant, vient rappeler qu'il est parfaitement possible aux collectivités territorial d'aider à l'installation d'une centrale photovoltaïque sur leur territoire, mais par d'autres biais qu'un soutien poursuivant l'objet de la production d'électricité.
Ainsi, si l'objectif de l'aide apportée par une collectivité territoriale est la production d'électricité, alors il y aura effectivement difficulté au titre de l'article 13 puisque l'obligation d'achat sera méconnue et menacée.
En revanche, s'il s'agit de flécher une aide sur la construction d'un bâtiment, sur la base par exemple de l'article L 1511 – 3 du code général des collectivités territoriales, alors il n'y a pas de caractère spécifique à la production d'électricité et le cumul des aides est parfaitement autorisé dans le respect des autres règles issues des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.
Le Conseil d'État rappelle que ce critère de non-cumul n'interdit pas aux collectivités de participer sur le fondement des articles L 2253 – 1, L 3231 – 6, et L 4211 – 1 du code général des collectivité territoriale au capital de sociétés dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables.
Une collectivité territoriale peut parfaitement être au capital d'une société de projet portant un objet de production d'énergie électrique par l'énergie radiative du soleil sans pour autant entrer dans le risque du cumul d'aides publiques.
L'obligation d'achat sera donc parfaitement reconnue.
Enfin, sur les taux de rentabilité interne des projets d'énergie solaire garantis aux producteurs d'électricité en fonction des primes et tarifs prévus à l'article 8, le Conseil d'État rappelle que le critère de non-cumul n'est pas de nature à être entaché d'illégalité dès lors qu'aucun texte et notamment par l'article L 314 – 4 du code énergie n'impose que le respect de la limite tenant à ce que la rémunération des bénéficiaires demeure raisonnable, fasse l'objet d'un examen particulier pour chaque projet.
En subordonnant le bénéfice de l'obligation d'achat à l'absence de cumul avec un autre soutien public financier à la production d'électricité, afin de garantir que la rémunération des capitaux immobilisés n'excédera pas une rémunération raisonnable, le second alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 6 octobre 2021, qui répond à l'exigence fixée par l'article L 314 – 4 du code de l'énergie, ne met pas à la charge des producteurs d'électricité une obligation manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs du régime de soutien tarifaire institué par le législateur.
La lecture de cet arrêt est particulièrement instructive dans le respect de la ligne construite par le Conseil d'État, entre investissement privé, soutien public à la production d'électricité, et rémunération raisonnable des capitaux immobilisés.
Ces, de manière lointaine, un écho au décret de décembre 2010, le fameux décret moratoire qui avait tant secoué la filière photovoltaïque.
C'est un encouragement au développement des énergies renouvelables par l'énergie radiative du soleil avec un appel aux investisseurs à la raison.
L'investissement doit être rémunéré certes, mais de manière raisonnable.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
Saint-Benoît (86)
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