Vente maison

Peut-on acheter en viager à une personne très malade ?

Publié le : 10/05/2023 10 mai mai 05 2023

La Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation a rejeté la demande en nullité de la vente des héritiers du vendeur dans un arrêt rendu le 18 janvier 2023 et a donc confirmé que l’achat en viager à une personne gravement malade était possible quand bien même l’acquéreur était au courant de la situation et que le crédirentier était décédé quelques semaines après la vente.  
Il est important de rappeler que l’article 1975 du Code Civil prévoit que le contrat de rente viagère ne produit aucun effet si « la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les 20 jours de la date de ce contrat ». 

Cependant, la question s’est posée de savoir si le décès du crédirentier au-delà du délai de 20 jours après la conclusion du contrat pouvait entrainer la nullité de la vente. 

La position de la Haute Juridiction est celle de considérer que les dispositions de l’article 1975 du Code susvisé n’interdisent pas de constater la nullité d’une vente en viager quand bien même le décès serait survenu plus de 20 jours après la conclusion du contrat (Cass., 1ère Civ., 2 mars 1977 n°75-14.556 ; Cass. 3ème Civ, 2 décembre 1992, n°90-19.032 ; Cass. 1ère Civ., 16 avril 1996, n°93-19.661 ; Cass. 3ème civ. , 2 février 2000, n°98-10.714). 

L’arrêt du 18 janvier 2023 rendu par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 18 janvier 2023, 21-24.862) vient apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles le contrat de rente viagère peut être annulé lorsque le crédirentier décède dans un bref délai. 

Une femme de 78 ans, souffrant de diabète, d’hypertension artérielle et d’insuffisance rénale chronique devenue terminale et justifiant une dialyse quatre fois par jour au domicile, vendait sa maison d’habitation en viager à un proche

Trois mois plus tard elle décédait d’une chute

Ses héritiers poursuivaient l’acheteur en nullité de la vente pour défaut d’aléa. 

La Cour d’Appel d’Orléans constatait l’existence d’un aléa et rejetait l’appel formé par les héritiers malgré les liens de proximité de l’acquéreur avec la venderesse aux motifs que celui-ci n’avait pas de connaissances médicales et ne pouvait connaître au jour de la vente l’imminence du décès (qui plus est sans lien avec la maladie). 

Les héritiers formaient alors un pourvoi en cassation en soutenant que le débirentier avait connaissance de l’état de santé de la crédirentière et de ce qu’une issue fatale serait à redouter à bref délai. 

Ils invoquaient également le fait qu’en versant un bouquet ne représentant qu’un cinquième de la valeur du bien il aurait fallu treize ans de rentes pour que le prix versé corresponde à la valeur totale ce qui rendait le prix totalement illusoire et la vente viagère dépourvue d’aléa. 

La Cour de Cassation n’a pas fait droit à ces arguments et a confirmé la décision rendue par la Cour d’Appel en considérant que la vente n’était pas dépourvue d’aléa

Ainsi, après avoir rappelé que la crédirentière était décédée des suites d’une chute sans lien avec sa maladie la Haute Juridiction retenait que le vendeur «ne disposait de connaissances médicales et savait que l’état de santé de la venderesse compromettait son espérance de vie de manière irrémédiable au jours de la vente viagère en dépit de leur lien de proximité ». 

Au surplus, la Cour de Cassation a considéré que la Cour d’appel qui avait constaté l’existence d’un aléa n’était pas tenue de répondre au moyen soulevé par les héritiers portant sur la durée nécessaire pour atteindre un paiement intégral du prix.

Cette décision fait écho à un arrêt plus ancien rendu par la première chambre civile le 16 avril 1996 au terme duquel la Cour de Cassation a retenu que la nullité du contrat de rente viagère lequel était dépourvu de tout aléa et se trouvait privé de cause aux motifs que le débirentier qui était depuis plus de six ans le médecin traitant de la crédirentière, malade d’un cancer du pancréas, n’avait pu que constater l’état de déficience extrême de la malade dont il avait suivi l’évolution, et avait donc été en mesure de prévoir l’imminence de son décès (Cass. 1ère Civ., 6 avril 1996, 93-19.661). 

Le défaut d’aléa lorsque le décès survient après le délai de 20 jours est donc apprécié de manière subjective. 

Cette situation peut entrainer une insécurité des relations contractuelle dans la mesure où les solutions retenues vont varier selon les cas d’espèces et l’appréciation souveraine des juges. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

SACHON Meghane
Avocate
DROUINEAU 1927 - Poitiers
POITIERS (86)
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