Recevabilité de l’action dirigée contre un seul indivisaire
Publié le :
09/07/2013
09
juillet
juil.
07
2013
Il est des situations où un indivisaire peut agir seul en demande, d'autres où une majorité des indivisaires décide d'agir, en demande également. La Cour de cassation ici statue sur une situation où, en défense, un seul indivisaire a été actionné.
Indivision: régularisation à n'importe quel moment de l'oubli d'assigner un ou plusieurs indivisaires(Civ. 1re, 12 juin 2013, FS-P+B+I, n° 11-23.137)
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 9 novembre 1992, Mme X... a assigné son voisin, M. Y..., pour obtenir la dépose d'une clôture et la démolition d'une véranda de l'immeuble qu'il habite ; que le tribunal ayant accueilli ces demandes et l'ayant condamné à des dommages-intérêts, M. Y... a prétendu pour la première fois devant la cour d'appel que l'action engagée contre lui seul était irrecevable puisqu'il était propriétaire de l'immeuble en indivision avec son épouse ; que Mme X... a alors assigné en intervention forcée celle-ci et Mme Z... à laquelle les époux Y... avaient revendu leur immeuble après le jugement ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de Mme X..., après avoir constaté que le bien objet de l'action avait été acquis en indivision par les époux Y... avant leur mariage et que ceux-ci étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, l'arrêt énonce que l'action portant atteinte aux droits indivis de Mme Y... est irrecevable en l'absence de cette dernière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Il est des situations où un indivisaire peut agir seul en demande (urgence), d'autres où une majorité des indivisaires décide d'agir, en demande également. La Cour de cassation ici statue sur une situation où, en défense, un seul indivisaire a été actionné.
Devant la Cour de cassation, Mme X, demanderesse en première instance et auteure du pourvoi, a fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de juger que l'action dirigée contre un seul propriétaire d'un immeuble indivis est irrecevable ; qu'en l'espèce, pour décider que l'action engagée par elle contre un seul des époux co-indivisaires (M. Y), était irrecevable, la cour d'appel a retenu que cette action portait atteinte aux droits indivis de l'autre indivisaire (Mme Y), et qu'elle était irrecevable en l'absence aux débats de cette dernière ; en statuant ainsi et selon elle, la cour d'appel a violé les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, Mme X a soutenu que l'intervention en appel de l'indivisaire qui n'était pas partie en première instance permet de régulariser l'action ; qu'en l'espèce, elle a appelé en cause Mme Y co-indivisaire devant la cour d'appel ; qu'en décidant néanmoins que son action était irrecevable, ladite cour d'appel a violé les articles 126, 331 et 555 du code précité.
L'action portée devant la cour d'appel tendait à la suppression d'une véranda et au déplacement d'une partie de la clôture, dépendant d'une propriété acquise indivisément par les époux Y séparés de biens.
Ce n'est qu'en cause d'appel que Mme Y l'indivisaire de la propriété a été assignée en intervention forcée. Les époux, propriétaires indivis, ont soutenu que "cette initiative" n'apparaissait pas de nature à régulariser la procédure au regard des dispositions de l'article 555 du Code de procédure civile. On sait que cet article permet l'appel en cause, même devant la Cour, des personnes ni parties ni représentées en première instance, mais subordonne cette possibilité à une évolution du litige impliquant leur mise en cause.
Pour les époux propriétaires de la véranda et de la clôture litigieuses, si M. s'est abstenu en première instance de révéler sa qualité d'indivisaire de la propriété, cette situation existait depuis l'acquisition du bien, soit avant l'introduction de l'instance. Cette situation ne constitue donc pas un élément nouveau et la demanderesse en démolition avait toute latitude pour vérifier lors de l'introduction de l'instance la propriété du bien en cause, par la consultation du fichier immobilier au bureau des hypothèques compétent, qui aurait indiqué l'existence d'une indivision sur le bien.
La réponse de la Cour de cassation est nette et porte sur deux points :
- Le premier est que l'action dirigée contre un seul indivisaire est recevable, la Haute juridiction rappelant que la décision rendue est inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci. Ce n'est pas nouveau mais une décision rendue dans ces conditions sera d'une portée très limitée dès lors qu'elle ne pourra être exécutée qu'à l'encontre du seul indivisaire actionné.
- Le second, le plus important, est que la régularisation par l'appel dans la cause de l'indivisaire non présent à l'instance est susceptible d'intervenir à tout moment et en particulier en cause d'appel, la Cour de cassation faisant sauter le verrou de la condition d'une évolution du litige impliquant la mise en cause de l'indivisaire absent.
En fait, la Cour de cassation autorise le demandeur dans une instance concernant un bien indivis à réparer son oubli d'assigner tous les membres de l'indivision.
Ou, de façon plus prosaïque, la Cour de cassation a fait fi de quelques principes dont celui que nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes pour permettre la régularisation, en considérant que l'évolution du litige est caractérisée par la demande en appel d'irrecevabilité de la demande initiale, tenant la présence d'un indivisaire non actionné.
Compte tenu de la publicité que la Cour de cassation a voulu donner à son arrêt du 12 juin 2013, il faut voir dans cette décision la permission de régulariser à n'importe quel moment l'oubli d'assigner un ou plusieurs indivisaires.
Cet article a été rédigé par l’Office Notarial de Baillargues
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © viktor88 - Fotolia.com
Historique
-
Les arrhes selon le système juridique espagnol
Publié le : 08/04/2014 08 avril avr. 04 2014Particuliers / Patrimoine / GestionNous pouvons définir les arrhes comme un « acompte » qui se remet en argent dans les contrats de vente, autant de biens meubles qu’immeubles. Dans notre syst...
-
La surenchère du 10ème en matière de vente d’immeuble aux enchères : un exercice coûteux
Publié le : 26/02/2014 26 février févr. 02 2014Particuliers / Patrimoine / GestionOn sait qu’à l’intérieur d’un délai de 10 jours de l’adjudication sur 1ère vente, tout intéressé peut former une surenchère d’au moins un 10ème du prix attei...
-
Conditions dans lesquelles un indivisaire peut signer seul un acte
Publié le : 10/01/2014 10 janvier janv. 01 2014Particuliers / Patrimoine / GestionLa grande difficulté de l’indivision réside dans la nécessité d’un accord de tous les indivisaires pour accomplir les actes relatifs à celle-ci.Arrêt Cassati...
-
Commission de l’agent immobilier : en l’absence de vente, la commission n’est pas due
Publié le : 30/12/2013 30 décembre déc. 12 2013Particuliers / Patrimoine / GestionEn cas de non-réalisation de la vente, la règle est que l'agent immobilier ne peut prétendre au paiement d'une somme quelconque à titre de rémunération de so...
-
Recevabilité de l’action dirigée contre un seul indivisaire
Publié le : 09/07/2013 09 juillet juil. 07 2013Particuliers / Patrimoine / GestionIl est des situations où un indivisaire peut agir seul en demande, d'autres où une majorité des indivisaires décide d'agir, en demande également. La Cour de...
-
La procédure d'injonction de payer
Publié le : 05/10/2012 05 octobre oct. 10 2012Particuliers / Patrimoine / GestionLa procédure d’injonction de payer est une procédure rapide de recouvrement d’une créance ou d’une somme d’argent due par un débiteur lorsque toute tentative...
-
Les agents de la vente publique de meubles
Publié le : 09/05/2012 09 mai mai 05 2012Particuliers / Patrimoine / GestionJusqu’à récemment la vente publique était le quasi-monopole – du moins en matière civile – des commissaires-priseurs. Mais seulement là où existait une charg...