Accident du travail et faute inexcusable de l’employeur (non respect des consignes de sécurité par le salarié)
Publié le :
09/02/2009
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Dans un arrêt récent , la Cour de cassation, a refusé de condamner un employeur pour faute inexcusable au motif qu’il avait donné des consignes, non respectées par le salarié, pour empêcher le risque d’accident du travail survenu.
Absence de faute inexcusable de l’employeur et information de l’employeur par la CPAMDans ce même arrêt (1), la Cour s’est prononcée sur le contenu de l’information que doit adresser la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) à l’employeur avant de statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.
Dans un premier temps, nous étudierons comment la Haute juridiction disculpe l’employeur en rejetant la demande du salarié invoquant une faute inexcusable.
A. Le rempart de la consigne de sécurité contre la condamnation pour faute inexcusable
Rappelons que l’employeur est soumis à une obligation de sécurité en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés.
Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
La faute inexcusable n'est pas définie par la loi mais par la jurisprudence de la façon suivante : l’employeur qui avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger et qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver le salarié commet une faute inexcusable et doit donc verser au salarié une indemnisation complémentaire à celle versée forfaitairement par le régime d’assurance maladie.
Dans notre cas d’espèce, l’employeur avait donné des consignes pour que les salariés portent à deux les poubelles lourdes. Cette consigne faisait suite à des observations du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).
Le salarié n’a pas respecté les consignes de son employeur et a ressenti une douleur en soulevant seul une poubelle.
Malgré le non respect des directives de sécurité par le salarié, la Cour de cassation vérifie également que l’employeur a tenu compte de l’état de santé « connu » de son salarié.
En effet, un mois avant l’accident du travail, le salarié s’était plaint à plusieurs reprises de maux de dos auprès de l’infirmière du site où il travaillait.
Ces douleurs dorsales ayant été attribuées à des coliques néphrétiques, la Cour retient que l’attention de l’employeur n’a pas été spécialement attirée sur les problèmes de son salarié.
A contrario, si les douleurs antérieures du salarié n’avaient pas une cause identifiée et momentanée, la Cour aurait probablement condamné l’employeur pour ne pas avoir pris les mesures pour éviter le danger.
Il convient donc d’être vigilant sur les informations données par les salariés concernant leur état de santé.
A défaut d’en tenir compte, l’employeur est susceptible de commettre une faute inexcusable pour ne pas avoir pris de mesure permettant la prévention du danger dont il était pourtant conscient.
Il est utile de comparer cet arrêt à une autre décision de la Cour de cassation rendue le même jour concernant un salarié de la société EDF-GDF (2).
Dans cette affaire, l'accident avait pour cause, selon la Cour d’appel, le comportement de la victime qui avait outrepassé, certes dans un but de plus grande efficacité, sa mission, et avait neutralisé les dispositifs de sécurité par une manoeuvre que l'employeur n'avait pas la possibilité d'empêcher.
La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel et applique de façon stricte l’obligation de sécurité : la société EDF – GDF avait nécessairement conscience du danger auquel le salarié était exposé, et aurait du prendre les mesures d'organisation et d'information nécessaires pour le protéger.
L’information et les consignes données aux salariés, même si elles ne font que rappeler l’évidence, ont donc toute leur importance pour écarter le risque de condamnation pour faute inexcusable.
B. L’information « allégée » de l’employeur d’avoir à prendre connaissance du dossier de la CPAM
De façon particulièrement restrictive, la Cour de cassation s’est également prononcée sur le contenu de l’information que la CPAM doit adresser à l’employeur concernant la clôture du dossier d’instruction.
Cette information est cruciale car elle avertit l’employeur qui souhaite se défendre contre une éventuelle reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
Rappelons que les accidents du travail augmentent le taux de cotisation « accidents du travail » de l'employeur qui a donc un intérêt direct à contester le caractère professionnel de l’accident.
D’ores et déjà, l’employeur peut formuler des réserves sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. Ces réserves peuvent être émises dans la déclaration d'accident et au cours de la procédure d'instruction du dossier de la CPAM.
La loi impose à la CPAM d'informer l’employeur et la victime sur l’état d’achèvement de l'instruction « et sur les points susceptibles de leur faire grief » (3).
Si la CPAM ne respecte cette obligation d’information, l’employeur peut demander que la décision de la CPAM lui soit déclarée inopposable (4). Une telle inopposabilité paralyse la majoration du taux de cotisation accidents du travail.
Dans l’affaire commentée, la Cour d’appel a sanctionné la CPAM car elle n’établit pas « qu’elle ait informé l’employeur des points susceptibles de lui faire grief ne serait-ce que l’existence de témoins mentionnés dans le questionnaire rempli par l’assuré […] ou les certificats médicaux produits par le salarié».
On aurait pu penser qu’il s’agissait de l’application pure et simple de la loi (5).
Tout au contraire, selon la Cour de cassation, la loi impose seulement d’inviter l’employeur à consulter le dossier :
« la caisse avait avisé la société, par courrier du 16 octobre 2003 de la clôture de l’instruction et de la possibilité de venir consulter le dossier pendant un délai de dix jours à compter de la date d’établissement de ce courrier, la mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations préalablement à sa décision, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Compte tenu du délai d’acheminement postal, le délai de 10 jours, à compter de l’établissement du courrier de la CPAM, est beaucoup trop court pour venir consulter le dossier sur place et émettre des réserves.
Par cette décision, la Cour de cassation vide cette obligation de son contenu et, au passage, simplifie grandement la tâche administrative de la CPAM.
Sans attendre que la CPAM le notifie, il appartient donc à l’employeur d’être vigilant et d’aller consulter le dossier d’instruction à la CPAM jusqu’à l’issue de l’instruction pour émettre des réserves sur les éventuels témoignages ou certificats de dernière minute…
L'employeur peut toujours exercer un recours devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale après que la caisse ait rendu sa décision de prise en charge de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.
Index:
Cour de cassation 2ème chambre civile, 13 novembre 2008, n°07-16753
Cour de cassation 2ème chambre civile, 13 novembre 2008 n°07-15967
Article R441-11 du Code de la Sécurité Sociale
Cour de cassation 2ème chambre civile, 16 octobre 2008 n° 07-21.037
Cet article n'engage que son auteur.
Historique
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