
Le médecin du travail salarié engage-t-il sa responsabilité civile s'il agit dans les limites de sa mission?
Publié le :
15/02/2022
15
février
févr.
02
2022
En principe, un employeur est responsable du fait de ses préposés (C. civ., art. 1242).
Aux termes d'une jurisprudence constante, un salarié ne peut être tenu personnellement responsable du dommage qu'il cause à autrui si celui-ci a agi sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie (1).
Toute demande indemnitaire doit donc être formée à l'encontre de l'employeur en sa qualité de commettant.
Néanmoins, un salarié peut voir sa responsabilité civile personnelle engagée en raison de fautes susceptibles de revêtir une qualification pénale ou lorsque le salarié avait une intention de nuire (2).
L'activité du médecin du travail pouvant avoir des incidences importantes sur la santé des personnes, la Cour de cassation a appliqué cette règle aux médecins salariés, en affirmant que le médecin salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l’établissement de santé privé n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient (3).
En l'espèce, un employé avait intenté une action en responsabilité contre son employeur et contre le médecin du travail, lui-même salarié de l'employeur.
Il reprochait au médecin du travail d'avoir commis plusieurs fautes qui peuvent être classées en deux catégories : celles susceptibles de revêtir une qualification pénale (violation du secret médical et harcèlement moral) et celles qui constituaient selon le demandeur une faute intentionnelle (compérage avec l'employeur, omission d'apprécier l'aptitude à reprendre le travail, manquement à son obligation de prendre soins, refus d'établir des certificats médicaux d'aptitude ou d'inaptitude (4) ).La Cour d'appel de Metz avait estimé que le médecin du travail ne pouvait voir sa responsabilité civile personnelle engagée à l'exception des griefs de violation du secret médical et d'harcèlement moral.
Le salarié avait alors formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt estimant que ses demandes d'indemnisation formées à l'encontre du médecin du travail pour des faits autres que ceux de harcèlement moral et d'atteinte aux secret professionnel auraient dues être déclarées recevables par les juges du fond.
La Cour de cassation a ici rejeté le pourvoi en confirmant "que le médecin du travail, salarié de l'employeur, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie n'engage pas sa responsabilité civile personnelle." et que "le médecin du travail devait bénéficier d'une immunité sauf en ce qui concerne le grief de harcèlement moral et celui de violation du secret professionnel.".
Ainsi, le médecin du travail salarié n'engage pas sa responsabilité civile tant qu'il agit dans les limites de sa mission, à l'exception des fautes susceptibles de retenir une qualification pénale telles que le harcèlement moral ou la violation du secret professionnel.
Cass. Soc., 26 janv. 2022, n°20-10.610 FS-B
Index :
1- Cass. Ass. Plén., 25 févr. 2000, n°97-17.378.
2- Cass. Ass. Plén. , 14 déc. 2001, n°00-82.066
3- 1re Civ.,9 novembre 2004, pourvoi n°01-17.908
4- Article R.4127-76 du Code de la santé publique
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

VUCHER-BONDET Aurélie
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
Historique
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