La vérification de la situation sociale du sous-traitant étranger nécessite la remise par ce dernier du certificat A1 (ancien E101)
Publié le :
04/01/2016
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Dans deux arrêts d’Assemblée Plénière du 6 novembre 2015 la Cour de cassation est venue préciser quel document le donneur d’ordre doit se faire remettre par son sous-traitant afin de remplir son obligation dite « de vigilance ».1- Le cadre légal
Afin de lutter contre le travail dissimulé, l’article L.8222-1 du code du travail impose au donneur d’ordre une obligation de vérification de la régularité de la situation de ses sous-traitants au regard de la législation sociale lorsque l’opération porte sur un montant d’au moins 5.000€ hors taxes (article R.8222-1 du code du travail, modifié par le décret n°2015-364 du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal ; auparavant le montant était fixé à 3.000€).
En cas de non-respect de cette obligation la sanction peut-être lourde puisque si le sous-traitant fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, le donneur d’ordre sera tenu solidairement avec son sous-traitant « au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale » (article L.8222-2 du code du travail).
Lorsque le sous-traitant est établi à l’étranger, le donneur d’ordre est considéré comme ayant procédé aux vérifications imposées s’il se fait remettre, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, un certain nombre de documents listés par l’article D.8222-7 du code du travail.
Au rang des documents qui doivent être remis en toute hypothèse figure au 1°), b) « Un document attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 (…) ».
Il sera rappelé qu’un salarié travaillant habituellement dans un Etat membre de l’Union Européenne ou dans un Etat membre de l’Espace économique européen ou en Suisse, et détaché dans l’un de ces Etats, reste soumis à la législation sociale du pays dans lequel il travaille habituellement si le détachement n’excède pas 24 mois. Le formulaire A1 (ancien E101), qui doit être demandé par l’employeur ou le travailleur, atteste de la législation applicable à un travailleur et confirme qu’il n’est pas soumis à la législation du pays dans lequel il travaille.
Le renvoi fait par l’article D.8222-7 à « un document », sans autre précision, était source d’insécurité juridique dans la mesure où il pouvait donner lieu à des interprétations divergentes.
Par deux arrêts d’Assemblée Plénière du 6 novembre 2015, la Cour de cassation est venue préciser comment devait s’entendre cette notion.
2- Les arrêts du 6 novembre 2015
Dans l’affaire ayant donné lieu aux arrêts du 6 novembre 2015, une société de droit français (ci-après « la société ») avait confié une partie de son activité viticole à une entreprise de droit portugais (ci-après « le sous-traitant »). Cette dernière avait fait l’objet de procès-verbaux pour travail dissimulé.
Considérant que la société ne s’était pas assurée de la régularité de la situation sociale de son sous-traitant, la MSA avait réclamé à la société le paiement des cotisations sociales non payées par le sous-traitant, en application des règles relatives à la solidarité financière du donneur d’ordre.
Contestant cette solidarité, la société a formulé une réclamation devant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. L’affaire a ensuite été portée devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) puis devant la Cour d’appel, qui ont donné raison à la société.
La MSA considérait qu’il y avait violation des dispositions de l’article D.8222-7, 1°), b) puisque la société ne produisait pas de formulaire A1/E101 pour chacun des salariés détachés, seule pièce susceptible, selon elle, d’attester de la régularité de la situation sociale du sous-traitant et dont la société aurait dû exiger la communication.
Cette analyse n’a pas été retenue par le TASS ni pas la Cour d’appel. Les juges du fond ont en effet considéré que le formulaire A1/E101 n’était exigé qu’à défaut de tout autre document attestant de la régularité de la situation du cocontractant au regard du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971. En l’occurrence, les juges, qui avaient relevé un certain nombre de documents produits par la société sur la situation sociale du sous-traitant et de ses salariés, avaient considéré que cette production était suffisante.
La MSA a alors formé un pourvoi en cassation. La question posée à la Haute juridiction portait sur le point de savoir si le formulaire A1/E101 est le seul document susceptible d’attester la régularité de la situation sociale du cocontractant établi à l’étranger ou si d’autres documents, notamment des documents émanant de l’autorité compétente de l’Etat membre dont la législation reste applicable, peuvent attester de la régularité de la situation sociale.
La Cour de cassation, prenant en compte le fait que l’Etat membre dont la législation reste applicable en cas de détachement, délivre à la demande du salarié ou de son employeur, un certificat attestant que le salarié demeure soumis à sa législation et jusqu’à quelle date, considère que « le certificat E 101 délivré conformément à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 574/ 72 est le seul document susceptible d'attester la régularité de la situation sociale du cocontractant établi ou domicilié à l'étranger au regard du règlement n° 1408/ 71 ».
Cette décision n’allait pas de soi.
En effet, l’article D.8222-7 fait référence au règlement CEE n°1408/71 qui concerne le régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs détachés. Seulement, ce règlement contient près de cent articles.
Par ailleurs, la référence faite par l’article D.8222-7 à ce même règlement est ambiguë dans la mesure où le premier vise un document attestant de la régularité de la situation sociale du sous-traitant, tandis que le second vise à coordonner les régimes nationaux de sécurité sociale, et non à les harmoniser.
La Cour de cassation a apporté des explications complémentaires dans une note explicative.
Procédant à une interprétation « utile » de l’article D.8222-7 au regard du règlement n°1408/71, et non à une interprétation « purement littérale », elle a considéré que l’examen de la régularité de la situation sociale du sous-traitant visée à l’article D.8222-7 suppose que soit préalablement déterminée la loi nationale de sécurité sociale qui lui est applicable, conformément aux règles de conflit de lois fixées par le titre II du règlement n°1408/71.
Or, en l’espèce, la preuve de la soumission à la loi nationale de son Etat membre d’origine passait par l’obtention, par le sous-traitant, du certificat A1/E101 en application du règlement CEE n°574/72 du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement n°1408/71.
Le certificat A1/E101 constitue donc le document visé par l’article D.8222-7, 1°), b), et non, comme l’avaient retenu les juges du fond, tout document pertinent sur la régularité de la situation sociale du sous-traitant dans son pays d’origine.
Si cette solution peut sembler disproportionnée au but recherché dès lors que la preuve du paiement de cotisations dans le pays d’origine peut être obtenue par d’autres moyens, plusieurs arguments peuvent cependant la justifier :
- les documents retenus par les juges du fond ne permettent pas de prouver que le régime social appliqué est bien celui désigné conformément aux règles prévues par le règlement n°1408/71 ;
- le législateur européen a souhaité que le certificat A1/E101 ait une forme standardisée pour l’ensemble du territoire de l’Union Européenne afin d’éviter que les juges nationaux ne soient confrontés à une diversité des documents administratifs et des langues utilisées. Il lui a en outre attribué une force probatoire qui lui est propre afin de limiter sa remise en cause ;
- après l’entrée en vigueur des règlements qui ont succédé aux règlements n°1408/71 et 574/72, à l’obligation de produire le document « de la régularité de la situation sociale du cocontractant » a été ajoutée l’obligation de produire un autre document « lorsque la législation du pays de domiciliation le prévoit, [qui émane] de l'organisme gérant le régime social obligatoire et mentionnant que le cocontractant est à jour de ses déclarations sociales et du paiement des cotisations afférentes, ou un document équivalent ». Produire un document complémentaire attestant de la régularité de l’affiliation au régime de sécurité sociale d’origine et du paiement des cotisations correspondantes suppose qu’au préalable soit identifié le régime applicable.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Frédéric Massard - Fotolia.com
Auteurs
MICHEL François-Xavier
Avocat Associé
CORNET, VINCENT, SEGUREL RENNES
RENNES (35)
MOUSSET Gaëlle
Historique
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