
La faute de l’agent immobilier rédacteur d’acte : révision de sa rémunération et responsabilité délictuelle
Publié le :
28/04/2016
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La 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation a rendu, le 14 janvier 2016, un arrêt particulièrement intéressant quant à la responsabilité des agents immobiliers vis-à-vis des acquéreurs.Conformément aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et des articles 1984 et suivants du Code Civil, l’agent immobilier agissait en tant que mandataire du vendeur, le mandant, et ce, sur la base impérative d’un contrat écrit comprenant l’ensemble des clauses obligatoires légales.
Ce lien contractuel permet au vendeur d’engager la responsabilité de l’agent immobilier si des incidents surviennent durant la durée de leur contrat.
Or, dans le cas d’espèce sur lequel la Cour devait se pencher, la demande en responsabilité émanait de l’acquéreur, personne avec qui l’agent immobilier n’a aucun lien contractuel.
En effet, le contrat de vente portait sur un terrain sur lequel était édifiée une maison et qui devait permettre d’en construire une nouvelle.
Or, les acquéreurs se sont rapidement rendu compte qu’une servitude conventionnelle grevant le bien interdisait toute nouvelle construction.
Indépendamment de toute procédure à l’encontre des vendeurs, les époux acquéreurs engagent la responsabilité de l’agence immobilière pour défaut de conseil sur le fondement délictuel et sollicite la restitution de la commission versée à l’agence, ainsi que de conséquents dommages et intérêts.
La Cour d’Appel avait rejeté l’intégralité des demandes des acquéreurs, invoquant l’absence de lien contractuel entre les demandeurs et l’agence immobilière, qui, de ce fait, empêche toute diminution ou restitution de la commission versée, cette solution légale n’étant applicable qu’aux rapports enter mandant et mandataire, selon l’article 1999 du Code Civil.
De même, la Cour avait refusé d’octroyer aux demandeurs leur réparation en dommages et intérêts, considérant que, le mandat étant souscrit entre le vendeur et l’agence, il ne pouvait y avoir manquement contractuel, et, les acquéreurs n’ayant pas inséré de condition suspensive relative à la possibilité de construire, aucun manquement délictuel ne pouvait être relevé.
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel en précisant que l’intermédiaire professionnel qui prête son concours à la rédaction d’un acte s’engage à assurer l’efficacité juridique de la convention à l’égard de son mandant mais aussi à l’égard de l’autre partie.
De même, la Cour considère que l’agence immobilière devait vérifier l’existence de charges réelles, dont notamment la servitude conventionnelle soulevée, et si cette charge éventuelle était de nature à affecter l’usage normal attendu.
Il ressortait du dossier que les époux avaient démontré que leur achat était conditionné par la possibilité de construire, et donc, en conséquence, la Cour considère que la faute de l’agence est caractérisée et a entraîné un préjudice certain, permettant d’engager la responsabilité délictuelle de l’agence à leur profit.
La Cour de Cassation consacre donc plusieurs obligations pour les agences immobilières, étendues à l’égard non seulement de son mandant, « mais également à l’égard de toutes les parties à l’opération conclue par son entremise, » dont « la méconnaissance peut par conséquent être invoquée par l’acquéreur du bien immobilier, si même il n’a pas été partie au mandat de vente qui a été conclu » à savoir :
- Un devoir de conseil et de diligences;
- Une obligation de procéder à toutes vérifications utiles et notamment l’examen des titres de propriété du vendeur, à l’effet de vérifier que le bien est conforme à l’usage auquel l’acquéreur le destine;
- Vérifier la conformité du descriptif du bien immobilier qu’il est chargé de vendre à la réalité ainsi que s’abstenir de fournir des renseignements inexacts ou susceptibles d’induire en erreur les futurs acquéreurs, et notamment au niveau des annonces immobilières publiées.
Sur l’évaluation du préjudice, la Cour sanctionne également durement le mandataire puisqu’elle expose que les manquements commis font subir un préjudice certain à l’acquéreur, qui peut ainsi cumulativement prétendre à la réduction du montant de la commission due et d’autre part l’octroi de dommages et intérêts à l’exacte mesure du préjudice subi, la Cour précisant que la révision du prix du mandat ne constitue pas une mesure de réparation et a un objet distinct de la demande indemnitaire.
En conclusion, même si l’on considère que cet arrêt peut constituer une sorte de cas d’école d’erreurs commises par une agence immobilière, il ne faut pas en négliger la portée sur l’activité professionnelle de mandataire en transactions immobilières.
♦ Voir l'arrêt de la cour de cassation du 14 janvier 2016.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
BROGINI Benoît
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