Application restrictive de la qualité d'hébergeur
Publié le :
15/03/2010
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La Cour de cassation vient de se prononcer très clairement en faveur de l’exclusion de la qualification d’hébergeur, dès lors que les services fournis excèdent de « simples fonctions techniques de stockage » de contenus en ligne.
Arrêt Tiscali: 1ère chambre civile, 14 janvier 2010La première chambre civile de la Cour de cassation vient de se prononcer très clairement en faveur de l’exclusion de la qualification d’hébergeur, dès lors que les services fournis excèdent de « simples fonctions techniques de stockage » de contenus en ligne. Ce faisant, elle entérine un courant jurisprudentiel favorable à une plus large application du régime de responsabilité de droit commun aux prestataires de services de stockage en ligne.
A l’époque où les faits de l’espèce soumis à la Cour de cassation ont été constatés, la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 1er août 2000, prévoyait déjà un régime de responsabilité des hébergeurs identique à celui qui figure aujourd’hui dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN).
Conformément à ces textes, les hébergeurs ne peuvent être tenus responsables des données dont ils assurent le stockage, que s’il est démontré qu’ils ont eu connaissance de leur caractère illicite et qu’il n’ont pas agi promptement pour en empêcher l’accès. Au contraire, les éditeurs de contenus sont quant à eux susceptibles d’être déclarés responsables des données mises en ligne selon les règles du droit commun.
De façon logique, eu égard aux différences fondamentales qui séparent ces deux régimes de responsabilité, la détermination des qualifications d’hébergeur et d’éditeur constitue un enjeu crucial pour les prestataires de services de stockage en ligne. A ce titre, sont visés comme hébergeurs par l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 - reprise en substance par l’article 6-I, 2 de la LCEN - « les personnes physiques ou morales qui assurent, à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services ».
Or, si cette définition semble a priori signifier que dès lors qu’un service de stockage de données est offert par le prestataire, celui-ci bénéficie de la qualification d’hébergeur, certaines décisions viennent néanmoins considérer que la fourniture de services annexes est de nature à écarter cette qualification, et ce faisant à justifier l’exclusion du régime de responsabilité aménagée qui en découle. L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans ce dernier courant.
En l’espèce, la société Tiscali média assurait le stockage d’un site sur lequel avaient été intégralement reproduites, en violation des droits de deux sociétés d’édition, deux bandes dessinées (« Les aventures de Blake et Mortimer : Le secret de l’espadon » et « Lucky Luke : le Daily star »). Cependant la société Tiscali média ne se contentait pas d’assurer un simple service de stockage de données en ligne : elle proposait en outre à des annonceurs de mettre en place, directement sur les pages personnelles crées, des espaces publicitaires payants dont elles assurait elle-même la gestion.
Alors que la société Tiscali média invoquait l’absence de toute « fonction éditoriale d’auteur des pages personnelles litigieuses dont elle ne concevait ni ne contrôlait le contenu », la Cour de cassation, confirmant en cela la position précédemment adoptée par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 7 juin 2006, vient au contraire retenir que les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage, dès lors qu’étaient proposés à des annonceurs la mise en place d’espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion sur les pages personnelles hébergées.
En conséquence, la Cour de cassation admet que c’est à bon droit que la Cour d’appel a reconnu la société Tiscali média responsable des actes de contrefaçon relevés sur le site dont elle assure le stockage, au regard de sa qualité d’éditeur.
La Cour de cassation vient ainsi s’inscrire, par cette décision, dans le courant jurisprudentiel qui tend à limiter l’application du régime d’hébergeur aux seuls prestataires qui se bornent à assurer un service de stockage de données en ligne, à l’exclusion de toute immixtion à un titre quelconque dans le contenu hébergé.
Outre l’arrêt objet du pourvoi, émanant de la Cour d’appel de Paris du 7 juin 2006, le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 22 juin 2007, était également venu considérer qu’un prestataire ne pouvait revendiquer à son bénéfice la qualité d’hébergeur en raison de la présence de publicités dont elle tirait profit dans les données stockées, ainsi que d’une structure de présentation imposée.
Ce raisonnement peut toutefois paraître contestable du strict point de vue juridique dans la mesure où le texte définissant la notion d’hébergeur ne semble pas faire de distinction selon que le service de stockage est assorti de services annexes ou non. De plus, la présence de publicités gérées par le prestataire dans le contenu hébergé ne saurait être regardée comme induisant une nécessaire connaissance de ce contenu, dès lors que l’intégration des publicités relève d’une opération automatique d’ordre purement technique.
En adoptant cette solution radicale envers les prestataires de services de stockage, la Cour de cassation paraît avant tout faire prévaloir une appréciation d’opportunité relativement à un régime de responsabilité applicable aux hébergeurs qui ne lui paraît pas adapté.
Reste à savoir si la jurisprudence appliquant de façon plus orthodoxe la qualification d’hébergeur, au regard du seul service de stockage de données, se trouvera infléchie par la position adoptée par la Cour de cassation dans cet arrêt.
Auteurs :
Christine CHARBONNIER Elève-Avocat,
Master Propriété Intellectuelle
Gilles MATON , Avocat Associé
Cet article n'engage que son auteur.
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