
Exploitations agricoles et lignes THT: l'impossible réparation?
Publié le :
17/05/2010
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La Cour d'Appel de Limoges vient de préciser le régime de l’action en réparation engagée par l’éleveur se prétendant victime des effets de l'exposition de ses installations d'élevage au champ électromagnétique induit par une ligne à Très Haute Tension.
Ligne à Très Haute Tension et action en réparation des exploitants agricoles
La Cour d'Appel de Limoges, dans un arrêt en date du 1er mars 2010, vient de préciser le régime de l’action en réparation engagée par l’éleveur se prétendant victime des effets de l'exposition de ses installations d'élevage au champ électromagnétique induit par une ligne à Très Haute Tension (THT).
Le Tribunal de Grande Instance de TULLE, dans une décision du 28 octobre 2008, avait innové en faisant une application entre personnes privées du principe de précaution, retenant à l'encontre du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité une présomption de dangerosité de l'ouvrage, à défaut pour lui de rapporter la preuve de son innocuité.
Ce faisant, le Tribunal a condamné le Réseau de Transport d'Electricité (R.T.E.) à verser à un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC) une indemnité afin de compenser le préjudice subi par l'exploitation du fait de l’exposition de ses installations d'élevage au champ électromagnétique induit par la ligne THT.
Si on connaissait les vicissitudes jurisprudentielles en matière d'exposition de riverains ou d'usagers aux ondes émises par les antennes relais de téléphonie mobile, la solution retenue par le Tribunal de Grande Instance de TULLE méritait, en matière agricole, une certaine attention.
Le renversement de la charge de la preuve, au bénéfice de l'exploitant plaignant, n'a cependant pas été validé par les juges de la Cour d’appel de LIMOGES.
Rappelant à titre liminaire le strict principe prévalant en matière de droit de la preuve, et en vertu duquel celui qui prétend obtenir l'indemnisation d'un préjudice doit rapporter la preuve d'un dommage, d’un préjudice, et d’un lien de causalité entre le dommage qu'il invoque et l’installation ou l’ouvrage géré ou mis en place par le défendeur, la Cour en a légitimement conclu que c'était donc à l'éleveur d'établir avec certitude que le préjudice allégué était bien directement induit par le passage d'une ligne THT au dessus de son exploitation.
A défaut pour l'éleveur d'avoir mis en évidence, de manière certaine, l'existence d’un lien de causalité suffisamment caractérisé entre les désordres rencontrés par l'exploitant et les installations de réseaux de transport d’électricité, la Cour n'a pu que réformer le jugement déféré et débouter le GAEC de sa demande indemnitaire.
Cette décision est en définitive conforme à la position de la Cour de Cassation qui a rejeté, à plusieurs reprises, le principe d'une présomption de responsabilité du maître ou gestionnaire d’un ouvrage dont l’innocuité est mise en cause, dès lors qu'il n'existe aucune certitude scientifique quant à sa dangerosité.
Ainsi, confronté au strict refus du Juge de tirer les conséquences de l'existence des indices pourtant nombreux et concordants constatés en pareille hypothèse, et en l'absence d'avancées scientifiques suffisantes lui permettant de fonder son action, il paraît difficile, voire impossible, pour un exploitant d’obtenir la réparation des préjudices qu'il peut subir du fait de la proximité d'une ligne THT.
Si telle est la position de la Cour de Cassation aujourd'hui, on ne peut que souhaiter, devant la multiplication des cas, que la juridiction suprême revienne à plus de souplesse au bénéfice des exploitants agricoles, dont les élevages sont situés à proximité de champs ou dont les élevages sont exposés à des champs électromagnétiques.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Moreno Novello
Auteur
DERVILLERS Julien
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