Quelle protection pour les calendriers des rencontres d'un championnat de football ?

Quelle protection pour les calendriers des rencontres d'un championnat de football ?

Publié le : 20/03/2012 20 mars mars 03 2012

La Cour de Justice dans son arrêt du 1er mars 2012 juge qu'aucun autre critère que celui de l'originalité n'est applicable afin d'apprécier l'éligibilité d'une base de données à la protection par le droit d'auteur prévue à l'article 3 de la directive.

Sport / Médias: protection d'une base de donnée par le droit d'auteurLa Cour de justice devait se prononcer sur la protection par le droit d'auteur d'un calendrier des rencontres de Football. Plus particulièrement, une société estimait que le calendrier des championnats de Football anglais et écossais étaient protégés à titre de base de données.

La Cour de justice répondant à une question préjudicielle posée par la Court of Appeal of England and Wales (Civil Division), répond qu'aucun autre critère que celui de l'originalité n'est applicable afin d'apprécier l'éligibilité d'une base de données à la protection par le droit d'auteur.


Cour de Justice de l'Union Européenne, arrêt du 1er mars 2012. Affaire C-604/10 FOOTBALL DATACO E.A. Football Association Premier League Ltd, Football League Ltd, Scottish Premier League Ltd, Scottish Football League, PA Sport UK Ltd contre Yahoo! UK Ltd, Stan James (Abingdon) Ltd, Stan James plc, Enetpulse ApS,

Les bases de données dans l'Union Européenne peuvent être protégées par le droit d'auteur (article 3 de la directive 96/9). Les bases de données qui constituent une création originale sont protégées par le droit d'auteur. Sous ce régime la base de données est protégée car elle est originale. Le contenu de la base de données n'est en revanche pas protégé.

Les bases de données peuvent encore être protégées par un régime de protection spécifique dit « sui generis ». Cette protection prévue à l'article 7 de la directive 96/9 couvre le contenu de la base de données. Une telle protection est applicable lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.


La Société YAHOO UK ainsi que diverses autres Sociétés ont utilisés les calendriers de football anglais et écossais sans rémunérer la Société FOOTBALL DATACO, société chargée de protéger les droits sur les matchs de ces ligues, ou les autres demanderesses.

La Société FOOTBALL DATACO invoquait notamment la protection des bases de données protection définie au niveau européen par la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 (Directive concernant la protection des bases de données).

La Société FOOTBALL DATACO considérait que l'élaboration d'un calendrier des rencontres d'un championnat de football répondait à un travail et un savoir-faire significatif. La fixation d'un calendrier obéit à certaines règles qui rendent parfois complexe la définition du calendrier notamment :

  • aucun club ne doit jouer trois rencontres consécutives à domicile ou à l'extérieur;
  • aucun club ne peut jouer quatre rencontres à domicile ou quatre rencontres à l'extérieur dans une série de cinq rencontres consécutives;
  • dans la mesure du possible, chaque club devrait avoir joué un nombre équivalent de matchs à domicile et de matchs à l'extérieur à tout moment de la saison, et
  • tous les clubs devraient, dans la mesure du possible, disputer un même nombre de matchs à domicile et de matchs à l'extérieur en ce qui concerne les rencontres programmées en semaine.

Ce travail et ce savoir-faire mis en oeuvre pour fixer le calendrier d'un championnat pouvait donc être soumis à la protection conférée aux bases de données selon les sociétés demanderesses.

Les défendeurs et notamment YAHOO estimaient quant à eux que l'utilisation des calendriers des championnats était libre de tout droit. Pour YAHOO il ne s'agissait pas d'oeuvres protégeables par les dispositions de la directive 96/9.

La procédure est initiée en Angleterre.


En première instance, il est jugé que le calendrier est protégé par le droit d'auteur (article 3 de la directive 96/9) mais non par la protection sui generis des bases de données (article 7 de la directive 96/9).


En appel, la Court of Appeal (Civil Division) confirme que le calendrier d'un championnat de football n'est pas éligible à la protection sui generis au titre de l'article 7 de la directive 96/9, à savoir la protection des bases de données. Cette position avait déjà été jugée par la Cour de Justice dans plusieurs décisions du 9 novembre 2004 (CJUE 9/11/2004 Fixtures marketing C46/02, C338/02, C444-02).


En revanche la Cour d'appel s'interroge sur les autres régimes de protection. Une question préjudicielle est donc posée à la Cour de Justice.


La question ne portait donc ici que sur la protection par le droit d'auteur des bases de données.

La décision de la Cour de Justice,


La Cour de Justice de l'Union Européenne rappelle tout d'abord qu'un calendrier de championnat constituait une base de données. (Arrêt du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, C-444/02).

La Cour de Justice rappelle encore que le fait que la base de données n'était pas protégée par le régime spécifique dit sui generis n'excluait pas sa protection par le droit d'auteur.

La Cour de Justice dans son arrêt du 1er mars 2012 juge qu'aucun autre critère que celui de l'originalité n'est applicable afin d'apprécier l'éligibilité d'une base de données à la protection par le droit d'auteur prévue à l'article 3 de la directive.

Pour la Cour de Justice, "le critère de l'originalité est rempli lorsque, à travers le choix ou la disposition des données qu'elle contient, son auteur exprime sa capacité créative de manière originale en effectuant des choix libres et créatifs et imprime ainsi sa "touche personnelle" ".

En revanche, le critère d'originalité " n'est pas rempli lorsque la constitution de la base de données est dictée par des considérations techniques, des règles ou des contraintes qui ne laissent pas de place pour une liberté créative ".

Peu importe donc pour la Cour que la constitution de la base de données ait requis un travail et un savoir-faire significatifs de son auteur, si ce travail et ce savoir-faire n'expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition desdites données.

" Les modalités d'établissement desdits calendriers, telles que décrites par la juridiction de renvoi, si elles ne sont pas complétées par des éléments traduisant une originalité dans le choix ou la disposition des données renfermées dans ces calendriers, ne sauraient suffire pour que la base de données en question puisse être protégée par le droit d'auteur prévu à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9. "


Par conséquent:

  • les efforts intellectuels et le savoir-faire consacrés à la création desdites données ne sont pas pertinents pour déterminer l'éligibilité de ladite base à la protection par ce droit ;
  • il est indifférent, à cette fin, que le choix ou la disposition de ces données comporte ou non un ajout significatif à celles-ci, et
  • le travail et le savoir-faire significatifs requis pour la constitution de cette base ne sauraient, comme tels, justifier une telle protection s'ils n'expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contient.

Un calendrier d'un championnat de football ne peut être protégé par le droit d'auteur que si une place est laissée à une liberté créative. Le travail et le savoir-faire nécessaire à la constitution du calendrier d'un championnat ne peuvent justifier la protection par le droit d'auteur.


La Civil Division de la Court of Appeal devra donc s'interroger sur l'originalité du calendrier pour se prononcer sur son éventuelle protection par le droit d'auteur. Cette preuve sera sans doute difficile à apporter.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © creativedoxfoto - Fotolia.com

Auteur

VIBERT Olivier
Avocat Associé
Olivier VIBERT
PARIS (75)
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