
L’autorité de la chose jugée d’une décision rendue dans la même instance
Publié le :
19/02/2021
19
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2021
Un arrêt de la Deuxième Chambre civile du 14 janvier 2021 (n° 19-758) vient apporter une pierre au véritable cairn que constitue l’édification de la jurisprudence sur la fin de non-recevoir qu’est l’autorité de la chose jugée.
En effet si la notion est très ancienne (droit romain) et inscrite depuis toujours dans le code civil (article 1351 puis 1355 depuis la réforme des obligations) la définition de sa nature, son étendue et son régime ont varié.
Sans refaire l’histoire de cette évolution on peut conclure que l’autorité de chose jugée de présomption de vérité est devenue un moyen d’assurer la paix sociale en arrêtant les procès à l’infini sous réserve des voies de recours. C’est désormais un attribut du jugement.
Cette fin de non-recevoir est toutefois d’intérêt privé sauf exceptions :
- S’il est statué dans une instance où les parties n’ont pas la disposition de leurs droits comme l’état des personnes
- S’il est statué dans une même instance sur les suites d’une précédente décision irrévocable (Civ. 1, 13.02.1996, n°93-19824 et plus récemment Civ 2°, 17.09.2020, n°19-17673).
Cela veut dire que celui qui en bénéficie peut y renoncer. Le bénéficiaire est celui qui a gagné et le débiteur est celui qui a perdu le procès. Encore faut-il identité de parties, d’objet et de cause pour que l’on puisse l’opposer.
Encore que l’autorité de chose jugée ne s’attache qu’au seul dispositif qui tranche une question litigieuse. Les tentatives de l’attacher aux moyens décisoires ou décisifs venant au soutien nécessaire du dispositif sont toujours réprimées par la Cour de cassation (Ass. Plén., 13.03.2009, n° 08-16033), sauf très rarement comme en matière de compétence pour les motifs de fond justifiant la décision (Civ. 1,12.07.2001, n° 99-18231).
La pierre du cairn apportée par l’arrêt précité in limine est la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée à une ordonnance du juge de la mise en état tranchant justement une question de compétence de tribunal saisi.
Une banque prononce la déchéance du terme d’un prêt et assigne le débiteur devant un Tribunal. Le débiteur saisit le Juge de la mise en état d’une exception d’incompétence et celui-ci rend une ordonnance rejetant l’exception.
Le Tribunal condamne le débiteur à payer les sommes dues et celui-ci fait appel. La Cour déclare le Tribunal saisi incompétent au profit de celui territorialement compétent d’après le débiteur et infirme la condamnation au paiement.
La Banque forme un pourvoi en cassation et la Cour de cassation casse l’arrêt en toutes ses dispositions et appliquant partiellement l’article L 411-3 du code de l’organisation judiciaire repris à l‘article 627 du code de procédure civile ne renvoie que sur la question de fond de la condamnation au paiement.
En effet d’une part le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure (art. 789 du code de procédure civile) mais ses ordonnances sont dans ce cas revêtues de l’autorité de la chose jugée par exception (art. 794 code précité).
En l’espèce le tort du débiteur (ou de son avocat) a été de négliger de faire appel de l’ordonnance du juge de la mise en état qui est donc passée en force de chose jugée ce qui interdisait à la juridiction de fond de statuer à nouveau sur l’incompétence comme l’avait fait la Cour d’appel.
Cet arrêt fait suite à une série d’arrêts prononcés en 2020 :
- Civ. 2., 09.01.2020, n° 18-21997 réaffirmant l’autorité de chose jugée d’une ordonnance du JME statuant sur une exception de procédure (nullité de l’habilitation d’un syndic à agir de copropriété).
- Civ. 2°, 17.09.2020 précité réaffirmant l’autorité de chose jugée d’une décision déclarant irrecevables des conclusions sollicitant un article 700 du CPC.
Une dernière précision qui a son importance est que les voies de recours exercées contre la décision définitive dont on soulève l’autorité de chose jugée empêchent le jeu de celle-ci.
En résumé l’autorité de chose jugée est un attribut du jugement qui interdit de remettre en cause le dispositif de celui-ci dans la mesure où il tranche une question litigieuse. Et les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure et désormais une fin de non-recevoir.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
PROVANSAL AVOCATS ASSOCIES
MARSEILLE (13)
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