Les diffamations et les injures

Les diffamations et les injures

Publié le : 26/11/2013 26 novembre nov. 11 2013

La loi du 29 juillet 1881 régit les infractions ayant trait à la liberté d’expression. Il convient de distinguer entre la diffamation et l’injure.

1. De la définitionL’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse dispose :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation. »

Ce même article définit, par ailleurs, l’injure :

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure »

Il ressort à la lecture de cet article qu’il convient de distinguer entre la diffamation et l’injure.

Des propos injurieux se veulent insultants, grossiers, indélicats.

C.A. RIOM, 2 oct.2008, n°08/00296.

Des propos diffamants ne sont pas nécessairement injurieux, au terme de l’article 29 précité.

Il s’agit d’un fait, avéré ou non, qu’on impute à une personne et qui porte atteinte à son honneur.

C.A. Aix-en-Provence, 11 janvier 2008, n°07/746;

C.A. Montpellier, 31 oct.2001, n°01/01342.

Bien que l’injure et la diffamation puissent apparaître comme deux notions proches, il importera à la présumée victime de faire un choix.

En l’absence d’un tel choix, sa requête introductive d’instance sera frappée de nullité.

CA Nouméa, 13 mai 2013, no 12/00172;

CA Paris, 15 février 2011, no 10/09473.

Il sera toutefois observé que le juge ne fait aucune distinction et notamment lorsqu’il rejette la requête de la présumée victime.

CA Paris, 1er mars 2011, no 09/23980.


2. Des peines et de la distinction entre diffamation publique et diffamation non-publique
La loi distingue entre la diffamation publique et celle non-publique.

L’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 condamne ainsi la diffamation publique d’une peine d’amende de 12.000 €.

L’article R 621-1 du code pénal punit la diffamation non-publique d’une amende de première classe.

La publicité de la diffamation doit résulter d’un acte volontaire de la personne poursuivie.

Ainsi, l’auteur d’une note de caractère technique dont la publication ne résulte pas de sa volonté n’encourt qu’une peine pour injure non-publique.

(Voir, Crim. 26 oct.1982, Bull. Crim. n° 640)

La même règle s’applique concernant l’injure.

Publique ou non, elle est punie des peines identiques.





3. Des propos tenus et des écrits produits devant les tribunaux et cours
L’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, en son troisième alinéa précise :

« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ».

Les deux derniers alinéas proposent, néanmoins une exception :

« Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers. »
Ainsi, les propos et écrits produits devant un juge ne peuvent être poursuivis que sous l’unique condition que le juge qui en a connu relève l’infraction.

Dans le cas contraire, toute action ne pourrait pas aboutir.

C.A. Montpellier, 31 oct.2001, n°01/01343.

Les propos ou écrits peuvent être tenus à l’égard d’un magistrat ou de la partie adverse.

Dans ce dernier cas, il lui appartient d’attirer l’attention du tribunal sur les propos ou écrits diffamants ou injurieux et demander à ce qu’il soit fait application de l’avant-dernier aliéna de l’article 41 de la loi de 1881.

Le tribunal va alors rechercher si les propos ou écrits diffamants ou injurieux participent à la rhétorique du débat judiciaire et sont nécessaires à la défense des intérêts.

CA Bastia, 6 mars 2013, no 11/00827;

CA Agen, 14 octobre 2008, no 07/01388.

Si les propos ou écrits dépassent ce qui peut être légitimement soutenu pour la défense des intérêts, il n’y a pas alors lieu à faire application de l’immunité de l’article 41.

CA Rennes, 9 mai 2012, no 11/04277.

Les propos ou écrits peuvent parfaitement être acerbes et heurter la sensibilité et participer à la joute oratoire devant le tribunal.

L’immunité de l’article 41 est alors appliquée par les juges dès lors que les propos ou écrits ne dépassent pas les limites des droits de la défense.

CA Grenoble, 8 septembre 2008, no 06/04128;

CA Angers, 26 mars 2008, no 07/01392.

A la lecture des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881, nous pouvons nous demander si ces dispositions visent toutes écritures produites devant une juridiction ou seulement les conclusions et assignations.

Autrement dit, est-ce que l’auteur d’une attestation respectant les prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, bénéficie de l’immunité de l’article 41 ?

Le texte de l’article 41 n’établit aucune distinction quant aux différents écrits dès lors qu’ils sont produits devant une juridiction.

Les auteurs d’attestations bénéficieraient donc de l’immunité de l’article 41.

Il est toutefois certains qu’une attestation n’a pas la même publicité que des conclusions.

Le juge pourra alors estimer que la personne n’a pas été touchée par les propos injurieux ou diffamants dès lors qu’ils n’ont pas été tenus publiquement.

La Cour d’appel de VERSAILLES a eu à connaître d’une telle affaire et a rendu un arrêt atypique.

CA Versailles, 11 mars 2003, no 2002-218:

En première instance, le tribunal d’instance de RAMBOUILLET avait retenu la responsabilité de l’auteur d’une attestation outrageante et diffamante et avait prononcé la suppression des passages en question.

Le tribunal n’avait pas indiqué le fondement juridique sur lequel il se fondait.

L’appelante a alors soutenu que le tribunal s’était fondé sur l’article 1382 du code civil et non sur la loi du 29 juillet 1881.

En réponse à ce moyen, l’arrêt de la Cour a précisé :

« Considérant que sur le fondement possible de l'article 1382 du Code Civil , il appartenait à Monsieur X... de rapporter la preuve qui lui incombe d'une faute commise par l'auteur de cet écrit, puis le lien du causalité certain et direct devant exister entre cette faute et le préjudice invoqué ; Considérant, à cet égard, qu'il doit être souligné que cette attestation n'a figuré que dans un dossier de divorce, plaidé en chambre du conseil, et que rien ne démontre qu'elle aurait reçu une quelconque publicité ; Que de plus, le jugement de divorce qui est passé maintenant en force de chose jugée ne dit rien de particulier au sujet de cette attestation dont la teneur et la sincérité n'ont fait l'objet d'aucune motivation et dont il n'est pas établi qu'elle ait pu, d'une quelconque manière, être prise en compte par le Tribunal pour statuer sur les torts des époux X...-HASSINE , et même nuire aux intérêts du mari ; Considérant que cet écrit n'a donc causé aucun préjudice, même moral, à Monsieur X... »

La Cour s’est donc basée sur l’article 1382 du code civil pour rechercher si l’attestation diffamante ou outrageante avait causé un préjudice à la présumée victime.

Trois ans plus tôt, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que les délits de presse, tels que les diffamations non-publiques ne peuvent donner lieu à réparation qu’en application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, à l’exclusion notamment, de l’article 1382 du Code Civil.

Cass. Ass. Plén. 12 juillet 2000, n°98-10160.

La Cour d’appel de Versailles aurait donc dû tirer toutes les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation et tout simplement ne pas rechercher une faute, un dommage et un lien de causalité sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Au-delà de cette erreur, la Cour nous apporte néanmoins une réponse puisqu’elle précise que les dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 s’appliquent dans le cas d’une attestation.

Enfin, en dehors de cette possibilité que nous venons d’exposer, une éventuelle action pénale n’est pas ouverte.


Medhi HAMDI





Cet article n'engage que son auteur.

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DROUINEAU 1927
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