Délai et forme imposés à l’intimé pour réaliser un appel provoqué
Publié le :
16/07/2019
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Il s’agit là d’une question historique puisque le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a modifié l’article 909 du CPC.
En effet la version initiale de celui-ci née de la réforme dite « Magendie » de la procédure d’appel encadrant sévèrement les délais laissés aux parties pour s’exprimer par écrit avait par maladresse envisagé seulement la question de l’appel incident.
Sans doute comme une certaine doctrine le prétend non sans raison l’appel provoqué par un autre appel principal ou incident est aussi un appel incident mais pas pour tout le monde car l’appel incident concerne des parties déjà présentes à la procédure d’appel alors que l’appel provoqué concerne des parties qui étaient ou non présentes en première instance mais non appelées.
Reste que la question de la forme de cet appel provoqué n’a pas plus été réglée par le nouveau texte.
I – Sur le délai :
L’appel d’une partie contre un tiers non encore présent en cause d’appel – et cette partie sera un intimé sur appel principal ou sur appel incident – doit-il être enfermé dans le délai d’appel, dans le délai pour conclure de l’article 909 du CPC (deux mois avant le décret précité) ou dans tout autre délai.
La cour de cassation vient de trancher à nouveau dans le sens de l’application du délai imposé à l’intimé pour conclure : par un arrêt du 6 juin 2019, n° de pourvoi 18-14901, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé :
« Qu’en application de l’article 909 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois (NLR : aujourd’hui 3 mois) à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 du même code, pour conclure et former, le cas échéant, appel incident … »
Le principe est fixé : c’est le délai donné à l’intimé pour conclure à partir des conclusions de l’appelant. L’appel provoqué est donc bien un appel incident.
Rien de nouveau sous les plafonds de la 2° Chambre puisque celle-ci avait déjà adopté la même position dans un arrêt qui jugeait qu’appeler devant la Cour d’appel une partie de première instance non encore présente en appel était un appel provoqué soumis au délai de deux mois (Civ. 2e, 27 sept. 2018, n° 17-13.835) :
« Ayant constaté que le transporteur était intimé et formait un recours contre une partie de première instance jusque là non attraite en cause d’appel, la cour d’appel, qui en a déduit exactement que l’appel qu’elle formait s’analysait nécessairement en un appel provoqué qui ne pouvait être régularisé que par voie d’assignation valant conclusions dans les deux mois de l’appel qui l’avait provoqué. La cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision au regard des articles 546, 549,550 et 910 du code de procédure civile. «
Un arrêt précédent du 9 janvier 2014 (12-27.043) de la même Deuxième Chambre de la Cour de cassation dispose que la mise en cause d’une partie non encore appelée par une autre partie présente en appel est un appel provoqué soumis au délai de deux mois de l’article 8909 CPC dans sa version d’alors.
Le fait que l’article 20 décret du mai 2017 précité ait inclus les mots « appel provoqué « après appel incident dans le texte de l’article 909 résout la question, tout en portant le délai à 3 mois. Ce qui rétablit l’équilibre entre les parties puisque l’appelant avait rois mois pour conclure.
Ce texte ne résout pas la question de la forme.
II – Sur la forme :
Outre le délai de l’appel provoqué quelques interrogations pouvaient surgir quant à sa forme.
Après tout c’est un appel donc l’on peut penser à une déclaration au Greffe comme pour un appel principal avec lequel il a souvent été confondu ce qui a amené des réactions de la Haute Juridiction.
Et puis pour faire convoquer une partie devant une juridiction il y a la possibilité d’une convocation par le Greffe mais c’est en matière de représentation non obligatoire.
Alors malgré quelques errements devant les juridictions de fond la Cour de Cassation a bien tranché et il suffit de reprendre les arrêts ci-dessus :
- le plus récent le confirme : l’appel provoqué doit être fait par assignation :
« qu’il résulte des articles 55, 68 et 551 du même code que l’appel incident provoqué, qui est dirigé contre une personne non encore partie à l’instance d’appel, est formé par une assignation citant cette personne à comparaître devant la cour d’appel ; qu’il découle de la combinaison de ces textes que l’intimé dispose d’un délai de deux mois (aujourd’hui 3 mois) pour signifier une telle assignation en appel provoqué, sans que ce délai ne puisse être prorogé dans les conditions prévues par l’article 911 du même code, régissant la signification de conclusions à une personne déjà attraite dans la procédure d’appel ; »
- celui de 2018 le disait déjà :
« la cour d’appel, qui en a déduit exactement que l’appel qu’elle formait s’analysait nécessairement en un appel provoqué qui ne pouvait être régularisé que par voie d’assignation valant conclusions dans les deux mois de l’appel qui l’avait provoqué. »
- celui de 2014 précité le justifiait ainsi :
« les prescriptions des articles 910 et 68 du code de procédure civile, de la combinaison desquelles il résulte que l’appel provoqué contre un tiers doit être formé par assignation, valant conclusions.. »
La question est réglée si l’on rajoute que les délais de distance de l’article 643 du CPC sont applicables de droit commun à toute assignation.
Sauf que, contrairement au délai le texte de l’article 909 du CPC n’a pas été modifié en ce sens par le décret précité du 6 mai 2017.
Pour autant est-ce que quelqu’un osera encore essayer une autre forme de saisine de la Cour ? Sans doute oui soit par ignorance, soit pour faire changer la jurisprudence.
Ne soyons pas caustique et remarquons que la complexité assumée des procédures d’appel – encore augmentée – et leurs délais de façade (puisque seuls les avocats et parties ont des délais impératifs sous peine de caducité à respecter) peut entrainer des hésitations que la cour régulatrice doit trancher alors qu’elle a mieux à faire que pallier les insuffisances ou chicaneries législatives et règlementaires.
Au bonheur des AAA : Avocats Anciens Avoués qui ont la spécialité de la procédure d’appel d’office eux…
Bon ceci n’est que « provocatio » dont chacun sait que cela veut dire « appel » en latin, la notion étant reprise en droit romain pour permettre aux patriciens de faire appel au peuple.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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