Défaut d’entretien normal et présence d’un massif de fleurs sur l’accotement d’une route départementale altérant la visibilité
Publié le :
11/05/2016
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Un conducteur circulait sur une route départementale et a percuté, à un carrefour, un motard de la gendarmerie circulant sur la voie départementale transversale, qui est décédé des suites de ses blessures.Sur instructions du Procureur de la République, une mission d’expertise a été ordonnée qui hiérarchise les causes de l’accident comme suit :
- la présence d’un massif de fleurs, entretenu par la Commune, sur l’accotement départemental, constituant une gêne à la visibilité des conducteurs ;
- la géométrie particulière de la route accentuant la perte de visibilité ;
- les conditions météorologiques (temps couvert, pluie et vent en rafale) dégradant les conditions de visibilité.
En outre, le rapport précise que la vitesse n’est pas la cause de l’accident et qualifie le démarrage du conducteur de « prudent ».
Le conducteur a été poursuivi pour homicide involontaire par imprudence, inattention, négligence, ou manquement à une obligation de sécurité imposée par la loi ou les règlements, en l’espèce avoir traversé une voie à caractère prioritaire sans s’assurer qu’elle pouvait le faire sans danger.
Le Tribunal Correctionnel, confirmé en appel, a renvoyé le conducteur des fins de la poursuite mais l’a condamné, solidairement avec sa compagnie d’assurance, à réparer les préjudices résultant de l’accident.
Le conducteur et son assureur ont formé une réclamation indemnitaire préalable auprès du maire de la Commune et auprès du Département, pour défaut d’entretien normal, au titre du massif de fleurs, cause alléguée du dommage.
Par Jugement n°0905786 du 29 août 2013, le Tribunal Administratif de RENNES avait condamné la Commune exclusivement à verser à l’assureur du conducteur une partie des sommes demandées, le préjudice étant pour l’essentiel considéré comme non justifié au regard des règles spécifiques du droit administratif (l’assureur s’étant contenté pour l’essentiel de demander le paiement des condamnations mises à sa charge par le juge pénal alors que le Juge administratif évalue le préjudice à l’aune de ses propres critères).
L’assureur a fait appel de la décision et la Commune a formé un appel incident.
C’est dans cet état que la Cour Administrative d’Appel de NANTES a été saisie et s’est prononcée dans un arrêt du 19 février 2015 (n°13NT02983):
I- Sur la responsabilité communale :
Le litige posait la question de la responsabilité communale pour défaut d’entretien d’un massif de fleurs situé sur une voie départementale, mais figurant au plan de fleurissement de la Commune.
La Cour retient que, s’il est constant que la Commune procédait périodiquement à l’entretien de ce massif, ces plantations étaient implantées sur l’accotement de la voirie départementale, dont l’entretien incombait à cette seule collectivité en vertu de l’article L. 131-3 du code de la voirie routière et de l’article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales.
Elle annule en conséquence le Jugement rendu par le Tribunal Administratif de RENNES qui avait estimé que la responsabilité de la commune était engagée à raison de la survenance de l’accident.
II- Sur la responsabilité du Département :
Eu égard à l’effet dévolutif de l’appel, la Cour devait se prononcer sur la responsabilité du Département pour défaut d’entretien normal de son domaine public routier.
La Cour Administrative d’Appel retient que, s’il appartenait au Département de veiller à l’entretien normal de son domaine routier, et en particulier de l’accotement sur lequel était implanté le massif de plantes litigieux, le massif, même s’il exigeait des conducteurs une vigilance accrue, ne pouvait pas, eu égard à sa taille, être regardé comme caractérisant un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public constitué de la route départementale et de ses accotements, alors au surplus que la vitesse était sur cette voie réduite à 70 km/h.
Dès lors, en l’absence de tout défaut d’entretien normal de l’ouvrage, elle rejette la demande de l’assureur du conducteur.
Une position similaire avait été retenue par la Cour Administrative d’Appel de MARSEILLE dans un arrêt n°09MA04488 du 14 décembre 2011, validé par le Conseil d’Etat (CE, 23 septembre 2013, n° 356943).
En conclusion :
- un massif de fleurs ne constitue pas un ouvrage public indépendant de la voie sur laquelle il est implanté et sa présence engage en conséquence, le cas échéant, la responsabilité de la personne publique à laquelle l’entretien de la voie incombe ;
- la circonstance selon laquelle le massif exigeait des conducteurs une vigilance accrue ne suffit pas à caractériser un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public (en l’espèce eu égard à sa taille) ;
- L’attention du lecteur sera enfin attirée sur le rappel effectué par le Tribunal Administratif dans son Jugement censuré par la Cour, à savoir que la Juridiction administrative n’est pas liée par l’évaluation faite par le Juge judiciaire dans un litige dans lequel la personne publique n’était pas partie, le préjudice étant déterminé par le Juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public (dans le même sens CAA NANTES, 27 février 2014, n°12NT01026 ; CE 29 décembre 2006, n°264720)
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © tommy630greg - Fotolia.com
Auteur
FAGUER Marie
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