La réponse adéquate des personnels médicaux aux demandes judiciaires
Publié le :
17/04/2014
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Par principe, le médecin est tenu de déférer à réquisition comme le précise l'article R. 642-1 du Code pénal « tout médecin est tenu de déférer aux réquisitions de l'autorité publique », sauf cas de force majeure.
L’article 226-13 du code pénal impose le secret professionnel à des personnes, soit en raison de leur statut, soit en raison de leur profession, soit dans le cadre des missions qu’elles exercent, dont font partie les personnels de santé, en vertu de l’article R.4127-4 du Code de la santé publique.
Toutefois, ce secret professionnel n’est en rien absolu et l’article 226-14 du Code pénal prescrit un certain nombre d’exceptions. Ainsi, entre autres dérogations, le secret professionnel s’efface devant la mise en application de certaines dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale.
Ainsi, par principe, le médecin est tenu de déférer à réquisition comme le précise l'article R. 642-1 du Code pénal « tout médecin est tenu de déférer aux réquisitions de l'autorité publique », sauf cas de force majeure (maladie, inaptitude physique, incompétence technique dans le domaine de la réquisition, soins urgents en cours auprès de patients…)
Et la violation de cette obligation est sanctionnée par l’article L.4163-7 du code de la santé publique qui prescrit que « Est puni de 3750 euros d'amende le fait […] pour un médecin, de ne pas déférer aux réquisitions de l'autorité publique ».
Il convient toutefois de distinguer l’objet de la réquisition, lequel peut faire varier ce principe.
LES REQUISITIONS AUX FINS D’EXAMEN – CONSTATATIONS :
Les textes :
Article 77-1 CPP relatif à l’enquête préliminaire :
« S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées.
Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60 sont applicables ».
Article 60 CPP relatif à l’enquête de flagrance :
« S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l’OPJ a recours à toutes personnes qualifiées.
Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l'article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.
Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux dispositions des articles 163 et 166. Elles peuvent communiquer oralement leurs conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence.
Sur instructions du procureur de la République, l'officier de police judiciaire donne connaissance des résultats des examens techniques et scientifiques aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi qu'aux victimes. »
Articles 151 et 152 CPP relatif aux instructions :
« Le juge d'instruction peut requérir par commission rogatoire […] tout OPJ, qui en avise dans ce cas le procureur de la République, de procéder aux actes d'information qu'il estime nécessaires dans les lieux où chacun d'eux est territorialement compétent.
La commission rogatoire indique la nature de l'infraction, objet des poursuites. Elle est datée et signée par le magistrat qui la délivre et revêtue de son sceau.
Elle ne peut prescrire que des actes d'instruction se rattachant directement à la répression de l'infraction visée aux poursuites […] »
« Les OPJ commis pour l'exécution exercent, dans les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d'instruction ».
Le principe :
Aucune dérogation n’est permise dans le Code pénal ou le Code de procédure pénal et le personnel médical est tenu de prêter son concours à la manifestation de la vérité.
Il n’existe qu’une exception fixée par l'article 106 du code de Déontologie qui dicte : « lorsqu'il est investi d'une mission, le médecin doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu'elles l'exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent Code ».
Le déroulement :
Que le médecin soit requis en enquête de flagrance, en enquête préliminaire ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, s’il n’est pas déjà expert auprès de la Cour d’appel du ressort, il devra prêter le serment des experts.
Sa mission peut consister en l’examen corporel ou psychologique ou psychiatrique d’une victime d’infraction, la détermination de l’état alcoolique ou de la consommation de drogues, l’examen d’aptitude à la garde à vue, l’examen psychologique ou psychiatrique d’un mis en examen ou prévenu, la détermination de l’âge réel d’un sujet, l’examen de cadavre…
Le praticien devra se présenter à la personne qu'il doit examiner (à moins qu’elle ne lui soit présentée) et lui communiquera l'objet de la mission (article 107 du Code de Déontologie). L'examen doit être fait en respectant les règles de confidentialité et de déontologie. Exécutant sa mission, il est autorisé au médecin, le bris des scellés judiciaires.
En urgence, les conclusions du médecin peuvent être communiquées oralement à la personne qui l’a requis, ce qui ne le dispensera pas de l’établissement d’un rapport circonstancié avec en préambule les termes de la mission puis le cœur du rapport qui établira la réalisation de l'acte et les données cliniques constatées.
LES REQUISITIONS AUX FINS DE COMMUNICATION DE DOCUMENTS :
Les textes :
Article 77-1-1 CPP relatif à l’enquête préliminaire :
« Le procureur de la République ou sur autorisation de celui-ci l’OPJ, peut par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque la réquisition concerne des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 (avocat, journaliste, médecin), la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord […] ».
Article 60-1 CPP relatif à l’enquête de flagrance :
« Le procureur de la République ou l’OPJ, peut par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposé, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque la réquisition concerne des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 (avocat, journaliste, médecin), la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord […] ».
Article 99-3 du Code de procédure pénale :
« Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord. »
Application dérogatoire pour les médecins :
S’il est requis par voie judiciaire, c’est pour qu’il y soit apporté une suite favorable. C’est ce pourquoi les textes précisent qu’il ne peut être fait opposition à une réquisition judiciaire « sauf motif légitime », très strictement apprécié par la jurisprudence.
Toutefois, les articles de référence rappellent au cœur de leur 1er alinéa respectif que pour les médecins, « la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord ».
Il est tiré toute conséquence de cette exception dans les 2ème alinéas respectifs des articles 60-1 (enquête de flagrance) et 77-1-1 CPP (enquête préliminaire), quant à la sanction d’un éventuel refus.
Si en principe, « le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 euros », il est prévu une exception spécifique pour les personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 CPP (dont les médecins dans le dernier article cité) qui ne peuvent être sanctionnés.
En cas d’accord pour exécuter la réquisition :
Le médecin tâchera d’être vigilant aux consignes suivantes :
- S’assurer que la réquisition est écrite
- S’assurer qu’elle est présentée par un OPJ ou le Procureur
- S’assurer qu’elle reproduit bien les dispositions légales précitées
- S’assurer qu’elle est bien adressée à un médecin en particulier. Si elle n’est pas nominative, il y a lieu de considérer que la réquisition est opérée auprès du service et donc traitée dans le cadre du service. Et il y a lieu de considérer que même en cas de réquisition nominative, celle-ci porte sur des documents détenus par la clinique ou l’hôpital et la communication de ceux-ci engage la responsabilité de l’établissement.
- Ne répondre que par la transmission de données écrites (support papier ou numérique)
- Ne répondre qu’à la réquisition, sans autre commentaire oral ou écrit (la loi fait obligation de communiquer, dans le cadre d’une réquisition, des documents ce qui est à différencier d’informations orales)
- Compte tenu des suites possibles de la procédure, conserver la trace ou la copie des informations communiquées.
- Ne jamais faire part de cette réquisition au patient concerné ou à toute autre personne éventuellement intéressée. En effet, il est interdit de communiquer à qui que ce soit, une information susceptible de compromettre une enquête pénale.
LES PERQUISTIONS ET SAISIES
Dans le cas où le médecin refuse de faire droit à la réquisition judiciaire et ne fournit pas le dossier médical du patient, le Procureur de la République ou l’OPJ devra procéder par la voie d’une saisie lors d’une perquisition. Les perquisitions sont soumises à un régime différent selon les types d’enquêtes.
Les textes :
Article 56 CPP relatif à l’enquête de flagrance :
« Si la nature du crime est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie des papiers, documents, données informatiques ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés, l’OPJ se transporte sans désemparer au domicile de ces derniers pour y procéder à une perquisition dont il dresse procès-verbal.
[…]
Il a seul, avec les personnes désignées à l’article 57du présent code et celles auxquelles il a éventuellement recours en application de l’article 60, le droit de prendre connaissance des papiers, documents ou données informatiques avant de procéder à leur saisie.
Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense.
[…] »
Article 76 CPP relatif à l’enquête préliminaire :
« Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu.
Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.
Les dispositions prévues par les articles 56 et 59 (premier alinéa) du présent code sont applicables.
Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l' article 131-21 du code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. […] »
Articles 94 et 96 CPP relatif aux instructions :
« Les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité, […] ».
« Si la perquisition a lieu dans un domicile autre que celui de la personne mise en examen, la personne chez laquelle elle doit s'effectuer est invitée à y assister. Si cette personne est absente ou refuse d'y assister, la perquisition a lieu en présence de deux de ses parents ou alliés présents sur les lieux, ou à défaut, en présence de deux témoins.
Le juge d'instruction doit se conformer aux dispositions des articles 57 (alinéa 2) et 59.
Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense.
Les dispositions des articles 56 et 56-1 à 56-4 sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d'instruction. »
Le principe :
Il n’y a pas de moyen sérieux de faire obstacle à une perquisition et à la saisie d’un dossier médical.
Seule pourrait être demandée la nullité de cet acte de procédure, s’il a été réalisé hors le respect des dispositions légales.
En définitive, il résulte de la combinaison de ces textes que la perquisition est conforme à la Loi si elle est réalisée :
- Avec l’accord du médecin (ou l’autorisation du Juge des libertés et de la détention en cas de refus) pour les enquêtes préliminaires. L’accord du médecin n’est pas nécessaire pour les enquêtes de flagrance et les instructions.
- En présence du médecin concerné ou à défaut d’un représentant qu’il aura désigné ou à défaut de deux témoins ne relevant pas de l’autorité de l’OPJ (article 57 alinéa 2 CPP)
- Sauf exceptions, pas avant 6 heures du matin ni après 21 heures (article 59 CPP)
- Par le magistrat lui-même
- En présence de la personne responsable de l’Ordre des médecins.
Anne-Sophie ARBELLOT DE ROUFFIGNAC
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © James Steidl - Fotolia.com
Auteur
DROUINEAU 1927
Cabinet(s)
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