
Contentieux disciplinaire des médecins : la qualification juridique du certificat de complaisance
Publié le :
01/04/2021
01
avril
avr.
04
2021
L’article R. 4127-28 du code de la santé publique, dispose que : « La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite ».
Puis l’article R. 4127-76 du même code, dispose quant à lui que :
« L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires ».
Il résulte de ces dispositions combinées, qu’un praticien, à l’occasion de l’établissement d’un certificat, d’une attestation ou de tout autre document médical, doit se borner aux constatations médicales qu’il a effectuées sur le patient demandeur.
Cette analyse de principe est notamment rappelée par la décision n° 14076 du 27 octobre 2020 de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins.
Le praticien ne peut ainsi que rapporter les dires du patient en précisant clairement cette circonstance. S’il n’est pas à même de s’assurer de la véracité de ces propos, il ne doit que les imputer au patient, sans utiliser aucune tournure sémantique qui pourrait le faire regarder comme s’étant approprié les dires du patient.
À ce titre, ces pièces médicales doivent être précédées de la mention « selon les dires du patient » et être rédigées au conditionnel, pour les éléments faisant état des propos du patient.
De plus, dans de nombreuses situations notamment professionnelles ou personnelles, il peut être particulièrement délicat de constater la véracité des propos du patient, sauf à ce que ses dires, soient par exemple établis par une expertise médicale contradictoire, le concernant.
Également, la qualification de certificat de complaisance résultant des dispositions précitées, s’apprécie à tous documents délivrés par le praticien, qui ne peut se réfugier derrière la qualité extrinsèque qu’il a voulu donner à ce document, en ne le nommant pas attestation ou certificat, mais seulement, par exemple « observations ».
En effet, la qualité de certificat, ou de tout autre document de complaisance, s’analyse dans son contenu et non pas dans sa forme.
Dans ces conditions, un certificat ou tout autre document rédigé en ces termes « Je soussigné, Dr x, docteur en médecine, certifie que les problèmes de couple de Mme M.B ont généré un stress important avec un retentissement sur son état psychologique ainsi que sur celui de ses enfants. Leur état de santé a donc nécessité une mise à distance médicale. Pour faire valoir ce que de droit », apparaît problématique selon l’appréciation de la chambre disciplinaire nationale, dans sa décision précitée n° 14076.
Le praticien faisait valoir qu’il suivait régulièrement l’ensemble de la famille et que le mal-être des enfants et l’état de Mme B nécessitaient des prescriptions médicales appropriées. Il soutenait également que l’attestation qu’il avait rédigée pour Madame B se bornait à retracer des faits médicalement constatés et ne prenait pas parti sur l’imputabilité de ces faits à Monsieur B.
La chambre disciplinaire nationale a considéré, même s’il était constant que ce certificat n’imputait aucun fait, ni aucune circonstance Monsieur B, que par la rédaction utilisée, le praticien était regardé comme s’étant approprié les propos de la patiente, sans être en mesure d’en apprécier la véracité, quand bien même il assurait le suivi médical de l’ensemble de la famille.
En d’autres termes, un praticien qui peut avoir une connaissance globale de circonstances particulières par le suivi de plusieurs patients, ne doit pas traduire dans un certificat établi à la demande de l’un d’entre eux, les situations qu’il a pu médicalement constater chez les autres patients.
Ainsi lorsqu’il s’agit de traduire la situation de tiers dans un certificat médical, le praticien doit se contenter de rapporter les seuls dires du patient demandeur, en ne pouvant tirer des conclusions médicales de sa connaissance de situations d’autres patients liés à ces mêmes circonstances, ou issus d’une même famille.
Ainsi en établissant un certificat médical, le praticien doit se borner aux constatations médicales qu’il est en mesure d’effectuer sur le patient demandeur et il ne peut conclure à la véracité des propos, par connaissance d’éléments issu de situations de tiers.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, 1927 AVOCATS - La-Roche-Sur-Yon, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
POITIERS (86)
Historique
-
De quelle manière un médecin conseil doit-il déterminer la rémunération de ses prestations ?
Publié le : 25/05/2021 25 mai mai 05 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article R. 4127-35 du code de la santé publique, dispose que : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une inform...
-
Contentieux disciplinaire des praticiens de santé : un employeur est-il recevable à déposer une plainte disciplinaire à l'encontre d'un praticien pour certificat de complaisance au profit d'un de ses salariés ?
Publié le : 21/05/2021 21 mai mai 05 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleEntreprises / Ressources humaines / Contrat de travailDans ce cas d’espèce, une association a déposé une plainte disciplinaire auprès d’un conseil départemental de l’ordre, à l’encontre d’un praticien, soutena...
-
Contentieux disciplinaire des praticiens de santé : la juridiction disciplinaire ne peut pas tenir compte de circonstances de fait ou d'éléments de droit, seulement exposés oralement à l'audience
Publié le : 20/05/2021 20 mai mai 05 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article R. 4126-12 du code de la santé publique, dispose que : « Sauf s'il est fait application des dispositions de l'article R. 4126-5, la plainte ou l...
-
Contentieux disciplinaire des praticiens de santé : la chambre disciplinaire peut enjoindre à un praticien de suivre une formation spécifique
Publié le : 16/04/2021 16 avril avr. 04 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article L. 4124-6-1 du code de la santé publique, dispose que : « Lorsque les faits reprochés à un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ont...
-
Contentieux disciplinaire des médecins : un praticien ne peut pas se prévaloir de difficultés particulières dans la transmission d'un dossier médical
Publié le : 09/04/2021 09 avril avr. 04 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article L. 1111-7 du code de la santé publique, dispose que : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelq...
-
Contentieux disciplinaire des médecins : la qualification juridique du certificat de complaisance
Publié le : 01/04/2021 01 avril avr. 04 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article R. 4127-28 du code de la santé publique, dispose que : « La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite...
-
Contentieux disciplinaire des médecins: l'information appropriée aux soins proposés peut-être seulement orale
Publié le : 23/03/2021 23 mars mars 03 2021Particuliers / Santé / Responsabilité médicaleL’article L. 1111-2 du code de la santé publique, dispose que : « I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information...