Six mois : délai impératif pour dépôt de la déclaration de succession et règlement des droits
Publié le :
04/07/2023
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juillet
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07
2023
Sur la décision du conseil constitutionnel, 1er juin 2023, N° 2023-1051 QPC
1- Les faits :
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023 :Le tribunal judiciaire de Paris (9e chambre, 2e section) a transmis à la Cour de cassation, par ordonnance rendue le 11 janvier 2023, une question prioritaire de constitutionnalité.
L’INSTANCE :
Le décès du de cujus remontait à 2012.La déclaration de succession et le paiement des droits ont été effectués en 2017….5 ans après !
L’Administration fiscale n’a pas attendu longtemps avant de réagir pour réclamer intérêts de retard et une majoration de 10 % !
Faits et procédure :
[R] [M] est décédé le [Date décès 4] 2012, en laissant pour lui succéder Mme [P] [M], son épouse, M. [G] [M], son fils né de son union avec Mme [P] [M], et Mmes [C] et [N] [M], ses filles issues d'une première union.
Par testament du 30 juillet 1986, [R] [M] avait institué Mme [P] [M] sa légataire universelle.
Le 25 janvier 2017, Mme [P] [M], Mmes [C] et [N] et M. [G] [M] ont signé un protocole transactionnel fixant l'actif net de la succession, ainsi que les indemnités de réduction dues par Mme [P] [M] à Mmes [C] et [N] [M] et à M. [G] [M].
Le 31 janvier 2017, Mmes [C] et [N] [M] se sont acquittées des droits de succession correspondants à leurs indemnités de réduction et ont souscrit la déclaration de succession correspondante le 15 février 2017. Le 6 mars 2017, Mme [P] [M] et M. [G] [M] ont déposé une déclaration de succession et ce dernier a payé les droits de succession correspondant à son indemnité de réduction.
Le 4 avril 2017, l'administration fiscale a notifié à Mmes [C] et [N] [M] ainsi qu'à M. [G] [M] une proposition de rectification sur le fondement des articles 1840 E et 1709 du code général des impôts, qui instaurent des intérêts de retard et une majoration de 10 % sanctionnant le dépôt hors délai d'une déclaration de succession.
Le 16 août 2017, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement des sommes correspondantes, que Mmes [C] et [N] [M] et M. [G] [M] ont contesté. L'administration fiscale a implicitement rejeté cette réclamation.
Le 4 mars 2019, M. [G] [M] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir le dégrèvement des droits de succession dont il s'était acquitté ou, à défaut, des pénalités. Le 29 septembre 2021, il a assigné Mmes [C] et [N] [M] en intervention forcée.
La question prioritaire de constitutionalité :
Par ordonnance du 11 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, posée par Mmes [C] et [N] [M], ainsi rédigée :« Les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 724 du code civil combinées à celles des articles 641 et 1701 du code général des impôts, en ce qu'elles imposent le règlement des droits de succession avant l'enregistrement de la déclaration de succession, soit dans un délai de six mois à compter du décès, et conduisent à ce qu'en présence d'un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d'héritier, les héritiers réservataires soient tenus de verser des droits de succession au titre de biens qui ne leur sont pas transmis et dont ils n'auraient pas reçu la contre-valeur imposable, indépendamment de leur volonté, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les dispositions de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lesquelles chaque citoyen contribue aux charges publiques à raison de ses facultés ? »Examen de la question prioritaire de constitutionnalité :
Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne la contestation, par les demanderesses, des pénalités infligées par l'administration fiscale aux héritiers réservataires de la succession de [R] [M], qui avait institué son épouse, également héritière réservataire, légataire universelle.Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
La question posée présente un caractère sérieux au regard de l'exigence de prise en compte des facultés contributives telle qu'elle résulte de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En effet, cette exigence, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource.
Or, il résulte de la combinaison des dispositions des articles 724, alinéa 1er, et 924 du code civil, 641, 800 et 1701 du code général des impôts qu'en présence d'un légataire universel cumulant cette qualité avec celle d'héritier et, partant, saisi de plein droit de l'ensemble de la succession, l'héritier réservataire, qui ne dispose d'aucun droit réel sur les biens du défunt qui ne lui sont pas transmis, mais seulement d'une créance à l'égard du légataire universel, consistant en une indemnité de réduction égale à la fraction du legs portant atteinte à sa réserve, est cependant tenu de déposer une déclaration de succession dans les six mois suivant le décès et de s'acquitter des droits de mutation à titre gratuit, de sorte qu'il est assujetti au paiement de droits sur des sommes qu'il peut ne pas avoir perçues, et ce, pour des raisons indépendantes de sa volonté.
En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
La réponse
Les textes :
- 1er alinéa de l'article 724 du code civil :
- L’article 641 du code général des impôts :
- L’article 1701 du même code
Nul ne peut en atténuer ni différer le paiement sous le prétexte de contestation sur la quotité, ni pour quelque autre motif que ce soit, sauf à se pourvoir en restitution s'il y a lieu.
A défaut de paiement préalable de la taxe de publicité foncière, le dépôt est refusé.
Le reproche : méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques
Les enfants issus de la 1ère union héritiers réservataires reprochent à ces dispositions de les obliger en tant qu’héritiers réservataires à s'acquitter de droits de succession alors même qu'ils n'auraient pas encore perçu les sommes imposables, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.ATTENTION : il s’agit du cas où le légataire universel du défunt a également la qualité d'héritier légal et est ainsi tenu de verser aux héritiers réservataires une indemnité correspondant à la portion du legs excédant leur réserve, en l’espèce il s’agissait de la deuxième épouse du de cujus.
La réponse :
Les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques.Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Les leçons à en tirer
Le délai de 6 mois est strict
Le délai fixé par la loi est le même pour tous. Il s'applique même aux héritiers ou légataires mineurs.Ce délai court du jour du décès, sans que l'administration ait à prouver l'acceptation des héritiers, donataires ou légataires.
Le principe est applicable même lorsque les successibles contestent la validité du testament laissé par le défunt.
Ainsi, en principe, tout héritier apparent doit déclarer la succession dans le délai légal, même s'il n'a pas encore obtenu la délivrance de son legs ou si la dévolution héréditaire est contestée.
Les exceptions au délai
Dès lors que ses droits successoraux sont contestés judiciairement dans les six mois de l'ouverture de la succession et qu'il a été dessaisi par la désignation d'un mandataire de justice, un héritier (ou légataire) n'est pas en mesure, jusqu'à ce que ses droits soient définitivement reconnus, de déposer la déclaration de succession (Cass. com., arrêt du 5 mars 1991, n° 89-18298).Se rangeant à cette jurisprudence, l'administration admet qu'une contestation des droits successoraux peut donner lieu à un report du délai visé à l'article 641 du CGI si elle présente les quatre caractéristiques suivantes :
- être une contestation judiciaire ;
- porter sur la dévolution successorale ;
- avoir été introduite dans les six mois du décès ;
- et avoir entraîné une dépossession.
Remarque : La condition de dépossession ayant été supprimée par la jurisprudence récente (cf. I-C-2 § 60), cette condition n'est plus exigée par la doctrine administrative.
Le point de départ du délai de l'article 641 du CGI est dès lors reporté à la date de la décision tranchant la contestation de manière définitive, les parties au litige en étant informées par le service.
(Pour information, un pourvoi n’’est pas suspensif : c’est donc à la date de l’arrêt de la CA qu’il convient de déposer la déclaration de succession.)
Parallèlement, le service demande au ministère public de lui communiquer, le moment venu, la décision judiciaire mettant fin au litige civil (Cass. com., arrêt du 5 mars 1991, n° 89-18298).
Enfin, conformément à l'article 2234 du code civil (C. civ.), la prescription de l'action de l'administration est suspendue pendant la durée de l'instance, c'est-à-dire jusqu'à la date de la décision, passée en force de chose jugée (code de procédure civile, art. 500), ayant statué sur la contestation.
Sage nécessité de mettre en place une contestation judiciaire pour suspendre les délais : recours a un avocat
Apparemment en l’espèce soumise à la QPC, les parties semblent avoir engagé des négociations pour fixer l’actif net de la succession, ainsi que les indemnités de réduction dues par Mme [P] [M] à Mmes [C] et [N] [M] et à M. [G] [M].Il était sans doute nécessaire de liquider avant règlement de la succession le régime matrimonial des époux pour fixer l’actif successoral.
D’où des délais incontournables qui dépassent la plupart du temps les 6 mois.
Les négociations ont abouti à la signature d’un protocole transactionnel 5 ans après le décès.
La mise en place d’une action en réduction contre la seconde épouse par les enfants issus du 1er lit n’aurait pas empêché les négociations mais elle aurait pu suspendre les délais de déclaration.
Six mois, c’est très court.
Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord dans des délais raisonnables devant le Notaire, il semble plus qu’essentiel qu’elles consultent un avocat, dont on peut penser qu’il aura en tête la suspension des délais induite par la mise en place d’une procédure.
Ironie des textes :
La veuve étant exonérée de droits de succession au visa de l’article 796-0 bis du CGI, elle n’aura donc aucun impact dû au retard dans le dépôt de la déclaration de succession :
Exonération de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un PACS.
Ainsi, la part successorale reçue par le conjoint survivant ou le partenaire lié au défunt par un PACS est exonérée de tous droits de succession.
Morale :
Un grand sentiment d’injustice dans cette espèce (courante) puisqu’il est souvent nécessaire pour les ayants droits de percevoir des fonds de la succession pour être en mesure de régler les droits.
Les honoraires d’un Avocat sont sans doute moins onéreux…
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
VINCENT-ALQUIE Marie-Christine
Avocate
ALQUIE - membre du GIE AVA , Membres du conseil d'administration, Invités permanents : anciens présidents
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