Le harcèlement scolaire devient un délit avec la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire
Publié le :
13/05/2022
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Chaque année, le harcèlement scolaire toucherait entre 700 000 et 800 000 enfants et adolescents, soit environ 6% des jeunes scolarisés. Les associations estiment quant à elles que le phénomène toucherait un élève sur 10.Une récente loi, adoptée le 26 juillet 2019 (Loi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance), avait déjà commencé à traiter le problème du harcèlement scolaire, notamment en affirmant le droit à une scolarité sans harcèlement entre élèves (ancien article L. 511-3-1 C. éduc.).
Si son intention était louable, cette loi était cependant affectée de plusieurs faiblesses qui rendaient nécessaire une nouvelle intervention du législateur afin de parvenir à limiter au plus la commission de ce type de faits et à les traiter de façon adaptée le cas échéant.
La loi du 2 mars 2022 (Loi n°2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire) tend justement à accroître les moyens destinés à lutter contre ce phénomène, non seulement en complétant la définition du harcèlement de sorte qu’elle vise un plus grand nombre de situations, mais également en précisant et renforçant les dispositifs destinés à le prévenir et à le réprimer.
I – Le renforcement du volet préventif
À l’instar de la loi de 2019, la loi du 2 mars 2022 a ajouté, au sein du Code de l’éducation, un article énonçant un principe général énonçant qu’aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement (art. L. 111-6 C. éduc.).Ce nouveau texte, qui occupe, contrairement à l’ancienne disposition, une place privilégiée au sein du Code de l’éduction, proclame toutefois ce principe avec plus de force.
Surtout, il élargit le périmètre de ce phénomène en précisant que les victimes potentielles peuvent être non plus seulement des élèves mais aussi des étudiants et que les auteurs ne se limitent plus aux autres élèves, admettant implicitement qu’il puisse également s’agir du personnel travaillant dans l’établissement, quel que soit son poste.
Par ailleurs, contrairement à l’ancien texte, celui-ci a vocation à s’appliquer indistinctement aux établissements publics et aux établissements d’enseignement privés sous contrat (art. L. 442-20 C. éduc.).
Le législateur a apporté, par cette loi, plusieurs innovations destinées à renforcer la prévention et la détection des faits de harcèlement en impliquant davantage les établissements d’enseignement, leur personnel et certains intervenants extérieurs :
- Inclusion dans le projet d’école ou d’établissement de lignes directrices et de procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement de faits constitutifs de harcèlement scolaire (art. L. 401-1 et L. 543-1 C. éduc.) ;
- Prise en compte de la prévention contre toute forme de harcèlement scolaire dans le cadre du contrôle de l’Etat sur les établissements d’enseignement privés non liés par des contrats (art. L. 442-2 C. éduc.) ;
- Ajout de l’existence de dispositifs visant à lutter contre le harcèlement comme critère d’homologation des établissements de l’enseignement français à l’étranger alors qu’avant seul était pris en compte le respect des principes de l’école inclusive (art. L. 452-3-1 C. éduc.) ;
- Ajout de la prévention et de la détection des cas d’enfants victimes de harcèlement scolaire parmi les objectifs des visites médicales effectuées en application de l’article L. 2112-2 du Code de la santé publique et de l’article 541-1 du Code de l’éducation (auparavant limités à la prévention et détection des enfants maltraités) (art. L. 542-2 C. éduc.) ;
- Etc.
La loi du 2 mars 2022 prévoit en outre qu’une formation continue relative à la prévention, la détection et la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire est proposée à toute une série de professionnels pouvant être confrontés à ce type de situations (personnels médicaux et paramédicaux, travailleurs sociaux, personnels de l’éducation nationale, personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, magistrats, personnels de la police ou de la gendarmerie nationale, personnels des polices municipales, etc.) (art. 5 L. n°2022-299 du 2 mars 2022).
Toujours dans un objectif de sensibilisation, elle prévoit de surcroît qu’une information sur les risques liés au harcèlement scolaire, notamment au cyberharcèlement, est délivrée chaque année aux élèves ainsi qu’aux parents d’élèves (art. L. 111-6 al. 3 C. éduc.).
Elle mobilise également les plateformes et fournisseurs d’accès à internet qui doivent concourir à la lutte contre la diffusion de faits constitutifs de harcèlement scolaire (art. 6, 7° L. n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique).
II – Les apports de la loi sur le traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire ou universitaire
Un des apports essentiels de la loi du 2 mars 2022 sur le volet répressif est la création d’un délit autonome de harcèlement scolaire, prévu à l’article 222-33-2-3 du Code pénal.Ce nouveau texte d’incrimination renvoie globalement à l’incrimination générale de harcèlement moral s’agissant des éléments constitutifs du délit, tout en précisant qu’il s’agit de faits commis à l’encontre d’un élève par tout personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement.
Le législateur a tenu à préciser que cette disposition est applicable y compris lorsque de tels faits se poursuivent alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement.
Il n’est nul besoin de démontrer que ces faits ont entraîné une quelconque ITT pour réprimer ce type de comportement qui peut être puni jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € en cas d’infraction commise sans circonstance aggravante.
Le législateur n’en tient pas moins compte de l’importance des répercussions du harcèlement sur la victime et de ses conséquences potentiellement dramatiques ; c’est pourquoi la peine encourue sera aggravée lorsque ces faits auront entraîné une ITT supérieure à 8 jours, et plus encore lorsqu’ils auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider, la peine pouvant dans un tel cas atteindre 10 ans d’emprisonnement et 150.000 € d’amende.
En parallèle, la loi a prévu d’autres mécanismes ayant vocation à lutter contre ce phénomène, comme par exemple la saisie des outils informatiques ayant permis de commettre de tels faits (art. 131-21 C. pén.) ou la possibilité de prononcer, contre les mineurs condamnés pour de tels faits, l’obligation de suivre des stages comportant un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire, l’objectif poursuivi étant de limiter les risques de récidive ou de réitération.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Capucine VARRON CHARRIER
Avocate Associée
CLAMENCE AVOCATS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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