Résiliation pour motif d’intérêt général et indemnisation du cocontractant du marché public

Résiliation pour motif d’intérêt général et indemnisation du cocontractant du marché public

Publié le : 04/12/2013 04 décembre déc. 12 2013

La possibilité de laisser aux personnes publiques, dans le cadre des contrats administratifs qu’elles passent, de procéder à une résiliation unilatérale constitue l’une des prérogatives de puissances publiques qui détermine cette nature administrative.

L’indemnisation du cocontractant d’un marché public de fournitures courantes et services suite à une résiliation pour motif d’intérêt généralLe déséquilibre que peut engendrer les prérogatives de puissances publiques dans le cadre d’un contrat peut fort heureusement être diminué, notamment via le principe tiré de l’équilibre financier du contrat.

Cet équilibre se traduit tout particulièrement dans le cadre de la résiliation pour motif d’intérêt général qui peut être initié par le pouvoir adjudicateur dans le cadre d’un marché public.

En effet, cette résiliation n’étant pas une sanction et aucune faute n’étant imputable en principe au cocontractant, ce dernier doit pouvoir être intégralement indemnisé du préjudice occasionné par cette rupture.

Pour faciliter ce travail de réparation intégrale, les cahiers des clauses administratives générales viennent au secours du cocontractant puisque lorsque ces derniers sont applicables et qu’il n’est pas prévu d’y déroger dans le cadre d’autres dispositions contractuelles, les éléments à prendre en considération pour cette réparation intégrale sont relativement largement évoqués.

Tel est notamment le cas en ce qui concerne le CCAG fournitures courantes et services (CCAG FCS).

L’article 29 du CCAG rappelle que le pouvoir adjudicateur peut mettre fin à tout moment à l’exécution des prestations de ce co-contractant pour un motif d’intérêt général.

Il est ajouté que dans cette hypothèse le titulaire du contrat a le droit d’être indemnisé du préjudice subi du fait de cette décision.

Les modalités en sont fixées à l’article 33 du CCAG FCS.

L’article 33 est relativement précis puisqu’il rappelle qu’en cas de résiliation pour motif d’intérêt général, le titulaire aura droit à une indemnité de résiliation obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminuée du montant hors taxes non révisé des prestations qui ont été admises, un pourcentage fixé soit par les documents particuliers du marché, soit fixé à 5%.

Il est en outre ajouté que le cocontractant de l’Administration doit pouvoir être indemnisé des frais et investissements engagés pour le marché et nécessaire à son exécution si ces frais et investissements n’ont pas été pris en compte dans le montant des prestations payées.

Naturellement, le cocontractant doit être en mesure d’apporter tous les justificatifs nécessaires à ses demandes.

Faisant preuve d’encore plus de précisions, c’est l’article 34.2 qui liste les différents postes devant être contenus dans le décompte de résiliation.

Il convient d’attirer l’attention des cocontractants sur le fait que les postes compris dans ce décompte de résiliation divergent suivant le type de résiliation mis en œuvre.

Le contenu du décompte de résiliation est ainsi différent dans le cadre d’une résiliation pour motif d’intérêt général que dans celui d’une résiliation formulée à la demande du titulaire.

L’attention du cocontractant doit également être portée sur la procédure stricte qui doit être suivie pour l’établissement de ce décompte afin qu’une indemnisation pleine et entière puisse effectivement intervenir lorsque le CCAG fournitures courantes et services est applicable.

Ainsi comme il en est coutume, contrairement à l’absence stricte de formalisme existant dans le cadre des marchés de droit privé, les marchés publics sont soumis à un formalisme extrêmement précis.

A défaut, les demandes risquent d’être considérées comme irrecevables.

Pour tenter de résumer ce premier formalisme uniquement lié à la prise en compte dans le décompte liquidatif de l’entière indemnisation du cocontractant, il convient d’avoir une lecture combinée des articles 30, 33 et 34 du CCAG FCS.

Il en résulte qu’en cas de résiliation pour motif d’intérêt général, le pouvoir adjudicateur doit, dans un délai de deux mois à compter de la date d’effet de la résiliation, adresser à son cocontractant un décompte de résiliation.

S’agissant d’une résiliation pour motif d’intérêt général, le cocontractant doit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de résiliation apporter l’ensemble des justificatifs des indemnités qu’il sollicite.

C’est par suite dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation, que le pouvoir adjudicateur établira le décompte liquidatif en prenant, en principe, en considération ces demandes indemnitaires.

Le délai imparti entre celui de la résiliation et de la production des justificatifs d’indemnisation au profit du cocontractant est donc extrêmement bref puisqu’il n’est que de quinze jours.

En cas de contestations, c’est naturellement la voie traditionnelle de l’article 37 du CCAG FCS qui s’appliquera.

Pour mémoire, l’article 37.2 rappelle que tout différent entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant le cas échéant le montant des sommes réclamées.

Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois courant à compter du jour où le différent est apparu sous peine de forclusion.

A réception de ce mémoire en réclamation, le pouvoir adjudicateur disposera d’un délai de deux mois pour notifier sa décision, l’absence de décision expresse valant rejet de la réclamation.

Rappelons également que le formalisme attendu du mémoire en réclamation n’est pas négligeable puisque pour être considéré comme tel et en conséquence interrompre les délais ou faire partir ceux de la réponse du pouvoir adjudicateur, ce mémoire en réclamation doit comporter l’énoncé du différend et exposer de manière précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

Pour un rappel, voir Conseil d’Etat 3 octobre 2012 n°349281 Société VALTERRA c/ COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION REIMS METROPOLE rappelant ainsi le contenu impératif du mémoire en réclamation en application de l’ancien article 34 du CCAG FCS portant désormais la numérotation 37.

Enfin, il n’apparait pas inutile de rappeler la solution dégagée par les Juridictions Administratives s’agissant de la situation de blocage dans laquelle le cocontractant peut se retrouver en cas de carence de la collectivité.

En effet, on peut s’interroger sur le formalisme à tenir lorsque la collectivité se refuse à établir ce décompte liquidatif à la suite de la résiliation pour motif d’intérêt général.

Dans plusieurs arrêts, désormais le Conseil d’Etat a pu rappeler que le titulaire du marché public devait adresser un mémoire en réclamation au pouvoir adjudicataire afin de voir établir le décompte de résiliation et ce préalablement avant de saisir le Juge.

C’est donc au cocontractant qu’il appartient en définitive de provoquer la rédaction d’un décompte par la présentation d’un mémoire en réclamation ayant cette fin.

Pour un exemple, voir Conseil d’Etat 4 mai 2011 n°322337 Société COVED.

Ces différents formalismes quelque peu pointilleux doivent impérativement être respectés sous peine pour le cocontractant de voir considérer ses demandes indemnitaires, pourtant justifiées, comme irrecevables.

Les contrats administratifs gardent en définitive leur spécificité et le « déséquilibre » qui leur est inhérent puisqu’à titre d’exemple, si la mise en œuvre du pouvoir de résiliation unilatérale n’a pas besoin de faire l’objet d’une clause écrite, le cocontractant doit faire preuve d’une grande vigilance et d’une certaine rigueur afin de préserver l’équilibre financier de son intervention à travers les outils que les CCAG mettent à sa disposition.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © laurent hamels - Fotolia.com

Auteur

LE LAIN Marion
Avocate
DROUINEAU 1927 - Poitiers, DROUINEAU 1927 - La-Roche-Sur-Yon
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