La responsabilité de l’entraîneur ayant la garde d'un cheval : l’assureur douché !

La responsabilité de l’entraîneur ayant la garde d'un cheval : l’assureur douché !

Publié le : 13/06/2018 13 juin juin 06 2018

Les règles de la responsabilité civile de l’entraineur ou du pré-entraîneur ayant la garde d’un cheval confié sont parfaitement fixées.

En effet, la Cour de Cassation, par l’arrêt de principe « classic crown » en date du 03 juillet 2001, a fait application d’un principe de qualification distributive, distinguant la partie entraînement et la partie hébergement.

La règle est la suivante :

 
  • Si le cheval se blesse dans son box, c'est-à-dire pendant la phase d’hébergement, s’appliquent les dispositions des articles 1927 et 1928 du code civil, relatives au dépôt salarié.
Pèse alors sur les épaules de l’entraîneur une obligation de moyens renforcée qui l’oblige à démontrer soit un cas de force majeure, c’est à dire un évènement imprévisible et irrésistible, soit qu’il n’a pas commis de faute, à défaut de quoi il sera jugé responsable de l’accident.
 
  • Si le cheval se blesse pendant la phase d’entraînement, il appartient alors au propriétaire de prouver la faute de l’entraîneur car ce sont les règles du contrat d’entreprise prévues par l’article 1780 du code civil qui s’appliquent.
Autrement dit, la situation du professionnel est alors plus confortable puisque ce n’est pas à lui de prouver qu’il n’a pas commis de faute, mais bien au propriétaire du cheval accidenté de démontrer sa faute.

Si les règles sont bien fixées, il reste des cas atypiques ou le cheval ne se blesse ni au box ni au travail et il appartient alors au juge de déterminer si l’accident est intervenu dans le cadre des suites du contrat d’hébergement ou des suites du contrat d’entrainement.


C’est précisément dans ce cadre qu’a été rendu l’arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse en date du 27 février 2017.

Les faits étaient les suivants : un jeune trotteur né le 24 mai 2008 est confié à un pré-entraîneur en juillet 2010.

Le propriétaire de ce cheval considère que celui-ci a un avenir prometteur puisqu’il l’assure pour 100.000 euros.

Or, après une séance de travail à la piste, le cheval est mis quelques instants au paddock pour récupérer, puis emmené à la douche.

Soudain le jeune cheval prend peur, se cabre, casse la longe élastique à laquelle il était attaché.

Le poulain tombe à renverse, il présentera ensuite une ataxie grave entrainant son euthanasie en urgence.

Le propriétaire agit alors contre son assureur qui refusait de lui verser l’indemnité de 100.000 euros au prétexte qu’il devait être interrogé sur l’opportunité d’une autopsie avant euthanasie.

La Cour rejette ce moyen au motif que l’expert vétérinaire mandaté par l’assureur n’avait pas jugé nécessaire de solliciter une autopsie.
 
De son coté, l’assureur agit également contre le pré-entraineur qu’il estime responsable de l’accident sur le fondement d’un contrat de dépôt.

La question qui se posait était donc de savoir si le cheval à la douche se trouvait être dans le cadre du contrat d’hébergement ou dans le cadre du contrat d’entrainement. 


L’enjeu était bien entendu très important puisque les règles de responsabilité ne sont pas les mêmes.

La cour a estimé que l’accident était survenu lors d’une phase de soins et a appliqué les règles du contrat d’entreprise. La responsabilité du pré-entraîneur n’est pas engagée, faute de prouver une faute quelconque de sa part.

Cette décision est intéressante car il n’était pas évident de juger que le cheval attaché dans la salle de douche était en phase de soins.

En outre, même en admettant l’application des règles du contrat d’entreprise, il existait un risque certain pour le pré-entraîneur que le juge le considère comme fautif en raison d’un défaut de sécurité caractérisé par des installations désuètes, l’utilisation de l’eau froide au mois d’octobre, et l’usage d’une longe élastique.

Ceci étant, la Cour ne retient aucune faute estimant après expertise judiciaire qu’il n’existe aucune norme précise en matière d’installation de salle de douche et « qu’il s’agit d’un accident inévitable à mettre sur le compte des réactions violentes et imprévisibles caractéristiques d’un jeune cheval à fort influx nerveux » (SIC).

On peut rapprocher cette décision de l’arrêt de la CA de Paris du 26 septembre 2014 qui a admis qu’un cheval qui se blesse sur un parking avant son embarquement est également en phase de soin.

Au contraire, la Cour d’appel d’Orléans, dans son arrêt du 17 octobre 2016, a considéré que l’accident, se déroulant au paddock ne s’était pas produit pendant une séance de travail mais bien dans le cadre du contrat d’hébergement.

En l’espèce, l’accident consistait en une éventration survenue dans des conditions indéterminées.

Le dépositaire soutenait que l’éventration était liée à une hernie mais sans le prouver. 

L’hypothèse d’un empalement ne pouvait être exclue, le dépositaire ayant déclaré à son assureur que la jument était revenue du pré le ventre ouvert.

La Cour applique en conséquence les règles de dépôt salarié, et le dépositaire qui ne démontre pas son absence de faute puisque les circonstances de la blessure étaient indéterminées, est jugé responsable.

Dans l’hypothèse d’un accident dont les causes sont indéterminées, l’entraineur aura bien entendu tout intérêt à ce que les règles du contrat d’entreprise liées au contrat d’entraînement soient appliquées.

Il reste qu’en cas d’accident, pour se préserver d’une action en responsabilité, il peut être utile de faire faire une autopsie après avoir obtenu l’autorisation du propriétaire et le cas échéant de l’assureur.

Si d’aventure le propriétaire refuse l’autopsie il s’agira alors d’un argument fort pour l’entraîneur souhaitant contester sa responsabilité.

En tout cas, l’arrêt de la Cour de Toulouse constitue une décision favorable et intéressante pour les entraîneurs et pré-entraîneurs, et tant pis si l’assureur, comme le cheval, a dû être douché !


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Walter Luger - Fotolia.com

 

Auteur

BEUCHER Sophie
Avocate
LEXCAP ANGERS
ANGERS (49)
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