Contrôle de l’Assurance Maladie des infirmiers : comment un mauvais codage NGAP peut coûter très cher
Publié le :
24/11/2025
24
novembre
nov.
11
2025
La facturation des soins infirmiers dans le cadre de l’exercice libéral repose sur un dispositif réglementaire particulièrement exigeant, dont le non-respect expose le professionnel à des sanctions financières significatives.L’article 11b de la NGAP (Nomenclature Générale des Actes Professionnels) pose le principe central du non-cumul des actes infirmiers : lorsque plusieurs actes sont réalisés lors d’une même séance sur un même patient, l’acte le plus important est coté à taux plein, le second subit une décote de 50 %, et les actes suivants ne peuvent faire l’objet d’aucune facturation supplémentaire.
Dans ce contexte, deux catégories particulières de cotation revêtent une importance essentielle : les AIS (actes infirmiers de soins) et le dispositif BSI (Bilan de soins infirmiers).
- Les AIS, correspondant à des séances de soins infirmiers globales, rémunèrent une prise en charge clinique générale du patient incluant observation, assistance et actions de nature non spécifiquement technique. Leur particularité juridique majeure réside dans le fait qu’ils échappent à la règle de décote prévue par l’article 11b : un AIS est toujours coté à taux plein, y compris en présence d’autres actes infirmiers techniques réalisés lors de la même séance.
- Le BSI, destiné à encadrer la prise en charge des patients dépendants, fonctionne selon un mécanisme forfaitaire associé au niveau de dépendance (BSA / BSB / BSC, ces sigles désignent les forfaits de prise en charge de patients dépendants, BSA correspond au forfait pour un patient à charge en soins légère, BSB pour une charge intermédiaire et BSC pour une charge lourde). Là encore, les forfaits du BSI ne sont pas soumis à décote, même lorsque d’autres actes coexistent lors de la même intervention. Le modèle BSI s’impose progressivement comme système de référence moderne structurant la tarification des soins chez les patients dépendants, succédant et se substituant progressivement au modèle AIS.
Le respect de ces règles n’est pas facultatif. Il s’agit d’obligations légales. Toute facturation ne respectant pas le mécanisme impératif de l’article 11b ou les règles spécifiques d’utilisation des AIS et BSI peut être qualifiée d’indu. L’Assurance Maladie dispose d’un pouvoir de contrôle étendu permettant d’analyser l’historique de facturation, d’examiner la cohérence clinique des cotations, de vérifier la pertinence du recours à un AIS ou au BSI, et de déceler des anomalies statistiques ou systématiques.
Lorsque des irrégularités sont constatées, le professionnel peut être tenu de rembourser l’intégralité des sommes indûment perçues. Au-delà de ce remboursement automatique, le Code de la sécurité sociale prévoit une sanction financière indépendante en cas de fausse déclaration, omission ou facturation non conforme. En vertu de l’article L.114-17-1 du Code de la Sécurité Sociale, des pénalités pouvant atteindre 70 % du montant des sommes indûment facturées peuvent être appliquées. Si une dimension frauduleuse est caractérisée — par exemple via un usage abusif d’AIS en lieu et place d’un BSI obligatoire, une facturation répétée d’actes cumulés à taux plein ou la validation de soins jamais réalisés — les sanctions peuvent être aggravées et s’accompagner d’un signalement ordinal, voire d’une procédure pénale pour fraude sociale.
Afin de se prémunir de tels risques, les infirmiers libéraux doivent mettre en place une gestion rigoureuse de la nomenclature, sécuriser leurs transmissions, archiver l’ensemble des justificatifs cliniques et administratifs, et adopter une pratique prudente dans l’utilisation des AIS et BSI.
La maîtrise de ces dispositifs n’est pas seulement une compétence administrative mais une composante essentielle du devoir de probité et de responsabilité professionnelle. La conformité structure la relation entre l’infirmier, l’Assurance Maladie et le patient — et sa violation peut mettre en péril la viabilité financière d’un cabinet, la crédibilité professionnelle de l’intervenant, ainsi que la confiance institutionnelle qui fonde l’accès direct à la facturation.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Christophe Delahousse
Avocat
Cabinet Chuffart Delahousse, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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