
Permis de construire : l'intérêt à agir du voisin immédiat
Publié le :
09/06/2016
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Dans un contexte de sévérité législative et jurisprudentielle confinant les auteurs de recours dirigés contre les autorisations d'urbanisme à la dissuasion, le Conseil d'Etat apporte un rééquilibrage attendu en faveur du voisin immédiat.Dans un arrêt du 13 avril 2016, n° 389798, le Conseil d'Etat vient en effet préciser sa jurisprudence relative à l'intérêt à agir en accordant au voisin immédiat du projet attaqué un régime dérogatoire favorable assimilable à une forme de "présomption d'intérêt à agir". (CE., 13 avril 2016, n° 389798, Ville de Marseille)
Rappelons que depuis l'introduction de l'article L 600-1-2 dans le Code de l'urbanisme en juillet 2013, l'auteur d'un recours dirigé contre une autorisation d'urbanisme doit désormais et avant toute chose justifier son intérêt à agir de façon circonstanciée.
L'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme prévoit en effet :
"Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. "
Rappelons également qu'appliquant pour la première fois cette disposition, le Conseil d'Etat avait annoncé, avec somme toute une certaine pédagogie, l'importance de cette condition de recevabilité en laissant poindre la sévérité de sa jurisprudence :
"Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu'il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci."
(CE. 10 juin 2015, n° 386121)
Il appartient donc aux requérants d'apporter dans leur requête une très grande attention quant à la motivation de leur intérêt à agir faute de quoi celle-ci pourra être déclarée irrecevable par une simple ordonnance rendu sans audience par le président du Tribunal.
Dans la décision commentée du 13 avril 2016 cette sévérité est aujourd'hui nuancée s'agissant du voisin immédiat.
Censurant l'appréciation rigoureuse du Tribunal administratif de Marseille, le conseil d'Etat dresse au profit du voisin immédiat un régime dérogatoire en posant comme principe :
"qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction".
Ainsi, le voisin immédiat n'aura pas à établir de façon aussi circonstanciée et argumentée qu'un autre requérant l'impact du projet litigieux sur les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien.
Il devra néanmoins exposer des éléments relatifs à la nature du projet, son l'importance ou sa localisation.
En pratique et par exemple, le voisin immédiat d'un projet de construction de grande envergure pourra motiver la recevabilité de sa requête en argumentant sur les proportions, la taille et la localisation du projet par rapport à sa villa sans avoir à étayer de façon aussi circonstanciée qu'un voisin plus éloigné en quoi l'envergure du projet et sa proximité affecteront directement les conditions d'utilisation de jouissance ou d'occupation de sa villa.
Un voisin plus éloigné, devra en revanche démontrer avec précision en quoi le projet affectera les conditions d'utilisation, de jouissance ou d'occupation de sa villa, ce qui l'expose évidement au débat que ne manquera pas de susciter le bénéficiaire du permis de construire.
La décision rendue par le Conseil d'Etat le 13 avril 2016 restitue ainsi un certain équilibre dans le contentieux de la légalité des autorisations d'urbanisme en reconnaissant au voisin immédiat, qui n'est pas un requérant comme les autres, un régime de recevabilité de sa requête plus souple, en tout cas sur l'intérêt à agir.
CE QU'IL FAUT EN RETENIR :
Pour justifier son intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme, tel qu'un permis de construire, il faut et il suffit au voisin immédiat du projet litigieux qu'il justifie d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : ©Baillou - Fotolia.com
Auteur
ROUSSE Christian
Historique
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