Modification contrat de travail

Contrat de travail : ​​​​​dans quelle mesure l’employeur peut-il imposer des changements à un salarié ? Distinguer modification du contrat de travail et modification des conditions de travail

Publié le : 28/10/2022 28 octobre oct. 10 2022

Modifier le contrat de travail ou les conditions de travail : pourquoi et comment faire la distinction ? Dans quels cas l’accord du salarié est-il nécessaire ? Quelle est la marge de manœuvre de l’employeur lorsqu’il envisage de modifier la rémunération, le temps de travail, le lieu de travail, ou encore les fonctions d’un salarié ? Quand l’accord du salarié est-il nécessaire ? Son refus constitue-t-il un motif valable de licenciement ? Autant de questions qui reposent sur une distinction fondamentale en droit du travail : modification du contrat de travail et modification des conditions de travail.

Le principe est le suivant : l’employeur est libre de modifier les conditions de travail d’un salarié, alors qu’il est tenu d’obtenir son accord préalable lorsque le changement porte sur un élément du contrat de travail, tel que la rémunération, fixe ou variable.

Si cette règle parait simple dans son énoncé, sa mise en œuvre pratique pose de nombreuses interrogations, en fonction des éléments qui sont modifiés.

L’accord du salarié est ainsi nécessaire lorsque l’employeur entend augmenter ou diminuer la durée du travail, mais pas lorsqu’il décide de changer ses horaires, sauf si ce changement d’horaires entraine un bouleversement important dans l’organisation du salarié (passage d’un horaire fixe à un horaire variable[1], d’un horaire de jour à un horaire de nuit[2], suppression du repos dominical[3], etc…), une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale[4], lorsque les horaires ont été contractualisés[5], ou quand cela concerne les salariés à temps partiel[6].

Le lieu de travail peut quant à lui être librement modifié par l’employeur, à condition que le nouveau site se situe dans le même secteur géographique que le précédent, toute la difficulté étant de définir les contours de ce secteur : distance, temps de trajet, facilités de transport, etc[7]… Une clause de mobilité correctement rédigée permet néanmoins de passer outre l’accord du salarié, quel que soit l’éloignement géographique[8].

Dernier exemple, qui pose très souvent difficulté : l’employeur peut-il modifier unilatéralement les missions et les fonctions d’un salarié ? La réponse est oui, à condition que l’évolution des tâches corresponde à sa qualification et n’entraine aucune modification de ses responsabilités, de sa rémunération, ou de tout autre élément constitutif du contrat de travail[9].

Les conséquences du refus du salarié sont différentes selon qu’il s’agisse d’une modification du contrat de travail ou des conditions de travail.

Dans le premier cas, tout licenciement fondé sur le refus serait abusif, sauf si la proposition initiale est motivée par un motif économique et que l’employeur respecte une certaine procédure[10]. A l’inverse, un salarié peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire voire d’un licenciement s’il refuse une modification de ses conditions de travail, le plus souvent pour faute simple[11].

Une nuance est toutefois à apporter pour les salariés protégés (membres du CSE, délégués syndicaux, etc…), qui ne peuvent se voir imposer ni modification du contrat de travail, ni modification des conditions de travail : un simple changement d’horaires d’un salarié protégé nécessite ainsi son accord préalable[12].

L’écueil dans lequel ne doit pas tomber l’employeur serait de croire que seul un avenant permet de modifier le contrat de travail d’un salarié : l’octroi d’un avantage particulier sur le long terme peut s’incorporer directement dans le contrat. C’est bien sûr le cas d’une augmentation de salaire, mais pas seulement. Une entreprise ne peut par exemple pas mettre fin au télétravail sans l’accord du salarié[13], sauf à ce qu’il ait mis en place une Charte sur le télétravail incluant une clause de réversibilité en cas de manquement aux obligations du télétravailleur.


Cet article n'engage que ses auteurs.


[1] Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mai 2014, n°13-10.619
[2] Cour de cassation, Chambre sociale, 25 juin 2014, n°13-16.392
[3] Cour de cassation, Chambre sociale, 5 juin 2013, n°12-12.953
[4] Cour de cassation, Chambre sociale, 3 novembre 2011, n°10-14.702
[5] Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juillet 2001, n°99-42.710
[6] Article L3123-6 du Code du travail
[7] Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 1998, n°96-40.227
[8] Cour de cassation, Chambre sociale, 29 octobre 2014, n°13-21.192 ; 30 mai 2013, n°12-16.949
[9] Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mars 2011, n°09-71.824
[10] Article L1222-6 du Code du travail
[11] Cour de cassation, Chambre sociale, 3 mai 2012, n°10-27.152
[12] Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2019, n°18-14.762
[13] Cour d’appel d’Orléans, 7 décembre 2021, n°19/01258 ; Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2014, n°12-23.051

Auteurs

Kevin HILLAIRET
Avocat
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
Anne-Sophie LE FUR
Avocate Associée
CORNET, VINCENT, SEGUREL NANTES
NANTES (44)
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