Contrat de travail : dans quelle mesure l’employeur peut-il imposer des changements à un salarié ? Distinguer modification du contrat de travail et modification des conditions de travail
Modifier le contrat de travail ou les conditions de travail : pourquoi et comment faire la distinction ? Dans quels cas l’accord du salarié est-il nécessaire ? Quelle est la marge de manœuvre de l’employeur lorsqu’il envisage de modifier la rémunération, le temps de travail, le lieu de travail, ou encore les fonctions d’un salarié ? Quand l’accord du salarié est-il nécessaire ? Son refus constitue-t-il un motif valable de licenciement ? Autant de questions qui reposent sur une distinction fondamentale en droit du travail : modification du contrat de travail et modification des conditions de travail.
Le principe est le suivant : l’employeur est libre de modifier les conditions de travail d’un salarié, alors qu’il est tenu d’obtenir son accord préalable lorsque le changement porte sur un élément du contrat de travail, tel que la rémunération, fixe ou variable.
Si cette règle parait simple dans son énoncé, sa mise en œuvre pratique pose de nombreuses interrogations, en fonction des éléments qui sont modifiés.
L’accord du salarié est ainsi nécessaire lorsque l’employeur entend augmenter ou diminuer la durée du travail, mais pas lorsqu’il décide de changer ses horaires, sauf si ce changement d’horaires entraine un bouleversement important dans l’organisation du salarié (passage d’un horaire fixe à un horaire variable[1], d’un horaire de jour à un horaire de nuit[2], suppression du repos dominical[3], etc…), une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale[4], lorsque les horaires ont été contractualisés[5], ou quand cela concerne les salariés à temps partiel[6].
Le lieu de travail peut quant à lui être librement modifié par l’employeur, à condition que le nouveau site se situe dans le même secteur géographique que le précédent, toute la difficulté étant de définir les contours de ce secteur : distance, temps de trajet, facilités de transport, etc[7]… Une clause de mobilité correctement rédigée permet néanmoins de passer outre l’accord du salarié, quel que soit l’éloignement géographique[8].
Dernier exemple, qui pose très souvent difficulté : l’employeur peut-il modifier unilatéralement les missions et les fonctions d’un salarié ? La réponse est oui, à condition que l’évolution des tâches corresponde à sa qualification et n’entraine aucune modification de ses responsabilités, de sa rémunération, ou de tout autre élément constitutif du contrat de travail[9].
Les conséquences du refus du salarié sont différentes selon qu’il s’agisse d’une modification du contrat de travail ou des conditions de travail.
Dans le premier cas, tout licenciement fondé sur le refus serait abusif, sauf si la proposition initiale est motivée par un motif économique et que l’employeur respecte une certaine procédure[10]. A l’inverse, un salarié peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire voire d’un licenciement s’il refuse une modification de ses conditions de travail, le plus souvent pour faute simple[11].
Une nuance est toutefois à apporter pour les salariés protégés (membres du CSE, délégués syndicaux, etc…), qui ne peuvent se voir imposer ni modification du contrat de travail, ni modification des conditions de travail : un simple changement d’horaires d’un salarié protégé nécessite ainsi son accord préalable[12].
L’écueil dans lequel ne doit pas tomber l’employeur serait de croire que seul un avenant permet de modifier le contrat de travail d’un salarié : l’octroi d’un avantage particulier sur le long terme peut s’incorporer directement dans le contrat. C’est bien sûr le cas d’une augmentation de salaire, mais pas seulement. Une entreprise ne peut par exemple pas mettre fin au télétravail sans l’accord du salarié[13], sauf à ce qu’il ait mis en place une Charte sur le télétravail incluant une clause de réversibilité en cas de manquement aux obligations du télétravailleur.
Cet article n'engage que ses auteurs.
Auteurs
Kevin HILLAIRET
Anne-Sophie LE FUR
Historique
-
Licenciement économique : les recherches de reclassement ne peuvent être limitées en fonction de la volonté exprimée du salarié
Publié le : 03/02/2023 03 février févr. 02 2023Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementDans un arrêt rendu le 7 décembre dernier (Cass. soc., 7 déc. 2022, n° 21-16.000), la Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que l’acceptation pa...
-
Faute grave : l'employeur n'a ni forcément à se presser d'agir, ni à mettre à pied le salarié
Publié le : 31/01/2023 31 janvier janv. 01 2023Entreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementUn employeur peut-il licencier pour faute grave un salarié alors qu’il a mis près d’un mois pour le convoquer à un entretien préalable et ne l’a pas mis à...
-
Le temps de trajet domicile / travail des salariés itinérants peut constituer un temps de travail effectif
Publié le : 30/01/2023 30 janvier janv. 01 2023Particuliers / Emploi / Contrat de travailEntreprises / Ressources humaines / Temps de travailPar un arrêt en date du 23 novembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence concernant le trajet domicile/travail...
-
La preuve des heures supplémentaires ne doit pas peser sur le seul salarié
Publié le : 23/12/2022 23 décembre déc. 12 2022Particuliers / Emploi / Contrat de travailEntreprises / Ressources humaines / Temps de travailDans un arrêt en date du 19 octobre 2022 (Cass. soc. 19 octobre 2022, n° 21-18093), la Chambre Sociale de la Cour de cassation a de nouveau assoupli la pre...
-
Apparence physique du salarié et discrimination : ce qui est autorisé aux femmes ne peut être interdit aux hommes
Publié le : 21/12/2022 21 décembre déc. 12 2022Particuliers / Emploi / Contrat de travailEntreprises / Ressources humaines / Contrat de travailLe 23 novembre 2022 (arrêt n°21-14.060), la Cour de cassation a eu à se prononcer sur une question relative à la coiffure arborée par les hôtesses et stewa...
-
Licenciement économique : les difficultés ne se cantonnent pas à une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires
Publié le : 29/11/2022 29 novembre nov. 11 2022Particuliers / Emploi / Licenciements / DémissionEntreprises / Ressources humaines / Discipline et licenciementLa loi n°2016-1088 du 8 août 2016 a modifié l'article L.1233-3 du Code du travail qui prévoit désormais une série d’indicateurs et de critères, permettant...
-
Contrat de travail : dans quelle mesure l’employeur peut-il imposer des changements à un salarié ? Distinguer modification du contrat de travail et modification des conditions de travail
Publié le : 28/10/2022 28 octobre oct. 10 2022Entreprises / Ressources humaines / Contrat de travailModifier le contrat de travail ou les conditions de travail : pourquoi et comment faire la distinction ? Dans quels cas l’accord du salarié est-il nécessai...