Bail d'habitation : restitution des lieux et dégradations
Publié le :
30/05/2024
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En matière de bail d’habitation, la clé de répartition des obligations du bailleur et du preneur pose souvent difficulté en cours d’exécution du contrat mais aussi et surtout à la fin de la relation contractuelle. C'est notamment le cas s'agissant de l'entretien et des réparations du bien donné à bail. |
Que disent les textes sur le sujet ?
L’article 1754 du Code civil énumère de façon non limitative les réparations qui incombent au preneur (le locataire).Ce sont, en résumé, les réparations locatives et celles de menues entretiens.
L’article 1755 du même code prévoit que lorsque ces réparations relèvent de la vétusté ou de la force majeure, ces réparations n’incombent plus au preneur mais au bailleur.
L’on en déduit que les réparations qui n’incombent pas au preneur, incombent au bailleur.
Le droit commun du bail n’est donc pas suffisamment précis sur le sujet puisqu’aucun texte ne mentionne positivement les réparations qui sont à la charge du bailleur.
La pratique a la coutume de se référer à l’usufruit s’agissant de la répartition des réparations.
Rappelons-le, dans l’usufruit, le nu-propriétaire a à sa charge les grosses réparations prévues à l’article 606 du Code Civil.
Cependant dans le bail, il y a des réparations qui incombent au bailleur mais qui ne sont pas nécessairement des « grosses réparations ». Il appert que les grosses réparations en matière de bail sont celles qui ne sont pas d’usage courant. Ce sont donc celles qui intéressent la structure, la solidité, les éléments de la chose louée[1].
Les parties peuvent y déroger par le biais d’aménagements conventionnels dans le contrat de bail mais la limite se trouve dans l’obligation essentielle de délivrance qui pèse sur le bailleur en vertu des dispositions de l’article 1719 du Code civil et qui doit être maintenue.
En tout état de cause, les réparations, qu'elles soient locatives ou non locatives peuvent faire l'objet d'un litige, surtout à l’heure de la restitution du bien donné à bail, lorsque ce dernier est dégradé.
Qu’en est-il à la fin de la relation contractuelle, lorsque le bien s’est dégradé ?
Il ressort d'un récent arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cour de cassation, 3e chambre civile, 29 Février 2024 n° 22-23.082), s'agissant des dégradations causés à un bien donné à bail, en l'occurrence un appartement, que seuls les états des lieux d'entrée et de sortie établis contradictoirement font foi en matière de bail et notamment lorsqu'il s'agit de déterminer l'origine des dégradations d'un bien donné à bail, ladite origine pouvant être la vétusté ou l’usure normale du bien.S’en suivra ensuite la prise en charge des réparations par l’une ou l’autre des parties.
Quid des obligations du locataire ?
En complément de l’article 1754 précité, les dispositions de l'article 7, c) et d), de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989[2] prévoient que le preneur à bail doit répondre de l'entretien courant du logement donné à bail, des équipements mentionnés au contrat et des menues réparations ainsi que de l'ensemble des réparations locatives définies par décret, sauf si les dégradations sont occasionnées par la vétusté, des malfaçons, des vices de construction, un cas fortuit ou encore de force majeure.Pour plus de précisions, le décret n°87-712 du 26 août 1987 fixe une liste de réparations locatives, qui incombe au locataire durant le contrat de bail.
On y trouve, à titre d'exemples :
- les jardins privatifs avec l'entretien courant, notamment des allées, pelouses, massifs, bassins et piscines ; taille, élagage, échenillage des arbres et arbustes etc. ;
- les descentes d'eaux pluviales, chéneaux et gouttières avec l'obligation de dégorgement des conduits ;
- les vitrages avec, entre autres, le remplacement des vitres détériorées ;
- les intérieurs avec le maintien en état de propreté, les menus accords de peintures et tapisseries ; remise en place ou remplacement de quelques éléments des matériaux de revêtement tels que faïence, mosaïque, matière plastique etc.
Au cas d'espèce, pour condamner un locataire à indemniser son bailleur de dégradations caractérisées de « locatives », le Juge de première instance a motivé sa décision en retenant seulement que le montant du devis fourni par le bailleur lui-même, pour la réparation du bien dégradé lors de la restitution, n’était pas excessif.
Fort heureusement, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de première instance et a statué de la façon suivante :
« En se déterminant ainsi, sans procéder, comme il y était invité, à la comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie établis contradictoirement afin de rechercher si les dégradations alléguées n'étaient pas occasionnées par l'usure normale ou la vétusté, le tribunal judiciaire, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision. ».
Pour connaître la clé de répartition des réparations dues par le locataire ou celles qui incombent d'office au bailleur, propriétaire, dans l’hypothèse où le bien donné à bail serait dégradé au moment de la restitution, il convient donc de :
- Comparer l'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sorties ;
- Faire application des dispositions législatives en la matière : articles 1754, 1755 du Code civil et article 7, c) et d), de la loi n° 89-462 visant des décrets.
A noter : les états des lieux, bien qu'obligatoires, ont souvent tendance à être bâclés par les parties. Pour éviter cela et notamment tout litige entre bailleur et preneur, nous préconisons de recourir aux services de Commissaires de Justice[3] compétents pour dresser les constats locatifs[4] lesquels demeurent contradictoires et incontestables.
Cet article a été rédigé par Séphora BAUDIFFIER, Juriste au sein du cabinet DROUINEAU 1927. Il n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU 1927
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