Garantie légale de conformité : exclusion des animaux domestiques
Publié le :
12/10/2021
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L’Ordonnance du 29 septembre 2021[1] vient d’exclure formellement l’application de la garantie de conformité pour les ventes d’animaux domestiques.
Sophie Beucher présente cette nouvelle exclusion et précise les conséquences particulières en matière de vente de chevaux.
1- Les animaux sont des meubles
Le Code civil depuis son origine napoléonienne ne connaît que deux catégories de sujets de droit : les personnes et les biens.Le législateur a donc toujours considéré que les animaux devaient être traités comme des biens, les assimilant à une machine à laver ou un canapé !
Pourtant sous la pression des organismes défendant la cause animale, la Loi du 16 février 2015 a créé l’article 515-14 du Code civil qui énonce que "les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ".
Mais le législateur s’est arrêté en chemin, ajoutant " sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens."
C’est ainsi qu’en matière de vente, on a continué à traiter les animaux comme des meubles et donc à leur appliquer la garantie légale de conformité prévue pour les meubles par les articles L217-4 et suivants du Code de la consommation.
Ainsi, dans un délai de 2 ans après la vente, le consommateur pouvait invoquer les dispositions d’ordre public du Code de la consommation pour remettre en cause la vente en prétendant que l’animal était atteint d’un défaut de conformité.
Pourtant une Loi du 13 octobre 2014[2] avait modifié le texte initial en disposant que la présomption d’antériorité du défaut de conformité ne pouvait plus être invoquée pour les ventes ou échanges d’animaux domestiques.
C’était déjà la prise de conscience que l’animal domestique, et notamment le cheval, en tant qu’être vivant évolue en permanence, de sorte qu’il pouvait ne plus correspondre aux attentes de l’acquéreur 6 mois après la vente pour bien d’autres causes qu’un défaut antérieur à la vente !
2- La Directive européenne
Puis, la Directive européenne 2019/771 du 20 mai 2019, qui a prévu de nombreuses dispositions en matière de ventes de biens de consommation notamment de produits numériques, a précisé " les États membres peuvent exclure du champ d’application de la présente directive les contrats relatifs à la vente d’animaux domestiques."C’est en application de cette Directive que l’Etat français a choisi, par une Ordonnance du 29 septembre 2021, de supprimer la garantie légale de conformité du Code de la consommation pour les ventes d’animaux domestiques.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, le consommateur ne pourra plus remettre en cause l’achat d’un animal domestique sur le fondement de la garantie légale de conformité du Code de consommation.
Il est rappelé qu’un animal domestique est un animal appartenant à une espèce ayant subi des modifications, par sélection, de la part de l'homme. C'est un animal qui, élevé de génération en génération sous la surveillance de l'Homme, a évolué de façon à constituer une espèce, ou une race, différente de la forme sauvage primitive dont il est issu. (ex : chien, chat, chevaux, ânes, dromadaires, furet, porc …cf Arrêté du 11 août 2006 fixant la liste des espèces, races ou variétés d'animaux domestiques).
3- Particularité des ventes de chevaux
Il faut rester vigilant pour que soit respecté l’équilibre indispensable évoqué précédemment relatif aux droits des acquéreurs de chevaux et aux intérêts des vendeurs.Or, il n’est pas sûr que ce soit le cas avec cette suppression qui risque de laisser bien démunis les acquéreurs malheureux !
Certes, le rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance du 29 septembre dernier invoque que : "Les contrats de vente d’animaux domestiques restent couverts par les dispositions spécifiques du code rural renvoyant sous certaines conditions à la garantie des vices cachés du code civil."
Mais il est aujourd’hui admis par tous que la garantie des vices rédhibitoires prévue par les articles L213-1 et suivants du Code rural est totalement inadaptée et inapplicable aux ventes de chevaux.
En effet, la liste des 7 vices rédhibitoires est absolument obsolète et les délais d’action de 10 ou 30 jours pratiquement impossibles à respecter.
Quant à la garantie des vices cachés du Code civil, si elle constitue une garantie intéressante pour l’acquéreur qui peut agir dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice caché à condition de démontrer l’antériorité du vice à la vente, elle reste très incertaine dans son application !
En effet l’article L213-1 du Code rural précise que, sauf conventions contraires, l’action est régie par la seule garantie des vices rédhibitoires.
Or depuis des arrêts de 2001[3] et 2002[4], la Cour de Cassation a jugé que c’est à l’acquéreur de démontrer, qu’au moment de la vente, il a été convenu d’appliquer la garantie des vices cachés.
Certes, depuis ces arrêts, la Cour de cassation a assoupli sa position en admettant que les parties pouvaient avoir convenu tacitement d’appliquer la garantie des vices cachés notamment en fonction de l’usage attendu du cheval acheté.
Mais cette application paraît trop aléatoire et il existe actuellement trop d’insécurité juridique.
Sans doute serait-il judicieux pour éviter trop de distorsion dans les droits des acquéreurs selon qu’ils ont acquis un cheval aux enchères, à réclamer ou de gré à gré, d’inverser la disposition du Code rural et d’admettre que la garantie des vices cachés du Code civil s’applique systématiquement sauf convention contraire.
Ainsi seraient préservés les droits des acquéreurs, ce qui est essentiel sur le plan tant moral qu’économique.
Mais en l’état, ce n’est pas …garanti !
En conclusion, la seule solution pour l’acquéreur prudent est tout simplement de signer un contrat de vente prévoyant que le vendeur garantit les vices cachés.
Auteur
BEUCHER Sophie
Avocate
LEXCAP ANGERS
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Historique
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