Fonds de commerce et domaine public
Publié le :
13/11/2014
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2014
La jurisprudence tant administrative que judiciaire s’est toujours accordée à considérer qu’il ne pouvait y avoir de bail commercial ni de fonds de commerce sur le domaine public (DP). Un tel bail est nul, avec toutes conséquences de droit.1. La jurisprudence tant administrative que judiciaire s’est toujours accordée à considérer qu’il ne pouvait y avoir de bail commercial ni de fonds de commerce sur le domaine public (DP).
Un tel bail est nul, avec toutes conséquences de droit (1).
Si la solution s’imposait sans concession pour le Conseil d’Etat – qui voit dans la protection du domaine public un moyen d’ordre public – le juge judiciaire avait toutefois déjà admis l’existence d’un fonds de commerce dans le cas où l’occupant justifiait d’une clientèle « propre ». Mais cette solution ne valait que dans les rapports de droit privé, par exemple entre un bailleur et un locataire gérant (2).
2. La loi 2014-626 du 18 juin 2014 a notamment inséré dans le CGPPP les articles L 2124-32-1 à L2124-35 relatifs à « l’utilisation du DP dans le cadre de l’exploitation de certaines activités commerciales ».
Il résulte du nouvel article L 2124-32-1 qu’un fonds de commerce peut désormais être exploité sur le DP – et cette fois la solution s’impose à la personne publique propriétaire dudit domaine -, sous réserve de l’existence d’une clientèle propre.
Certains commentateurs ont déjà pointé la difficulté relative à la preuve de la clientèle propre (3).
Il n’est pas sûr en outre que la notion de « clientèle propre », telle qu’elle est définie par la chambre commerciale de la Cour de Cassation trouve un écho devant le juge administratif.
3. L’article L 2124-33 prévoit quant à lui que le candidat à l’acquisition du fonds de commerce pourra solliciter « par anticipation » une autorisation temporaire d’occuper le domaine public (AOT).
En effet, une telle autorisation non constitutive de droits réels est par nature personnelle et ne peut être cédée avec le fonds.
Ainsi, en cas de location gérance du fonds, l’AOT consentie au bailleur ne peut profiter au locataire gérant, qui se trouve donc occupant sans titre du domaine public (4). De même, l’AOT consentie au gérant d’une société ne peut bénéficier à la société (5).
4. En cas de décès du bénéficiaire d’une AOT, le nouvel article L 2124-34 permet à ses ayants droits de solliciter une AOT en vue de poursuivre l’exploitation du fonds mais seulement pour une durée de trois mois ; ils peuvent aussi dans les six mois du décès présenter à l’autorité publique un successeur qui pourra être subrogé dans les droits et obligations de l’ancien titulaire de l’AOT.
Ces deux délais semblent toutefois bien courts pour permettre aux ayants droit de se retourner et de maintenir l’exploitation.
Le texte précise que toute décision de refus sera motivée, il n’est donc pas dérogé au régime général de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
Cependant, si toute décision administrative refusant une autorisation doit en principe être motivée, le respect de cette obligation relève de la légalité externe, l’absence de motivation ou la motivation insuffisante conduisant à son annulation.
Dans le cas des demandes d’occupation du domaine public, il importe de rappeler qu’il n’existe pas de « droit à » l’occupation privative ni, a fortiori, de droit au renouvellement d’une précédente autorisation. Le refus, qui ne peut donc être considéré comme une sanction (sauf s’il est motivé par une faute de l’occupant) ne relève pas de la procédure contradictoire préalable. (6)
Le contrôle du juge s’exercera sur la nature et la proportionnalité du motif, mais le moyen tiré d’une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie est inopérant. En revanche, l’atteinte éventuelle aux règles de la concurrence doit être prise en compte (7).
5. Aux termes de l’article L 2124-35, les nouvelles dispositions ne sont pas applicables au domaine public naturel, ce qui relativise tout de même leur intérêt, particulièrement en ce qui concerne le domaine maritime.
6. Reste enfin la question de l’applicabilité des nouvelles dispositions aux AOT en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi. En l’absence de dispositions transitoires et si l’occupation résulte d’une simple AOT, la loi nouvelle devrait s’appliquer aux autorisations en cours. La solution est moins évidente dans le cas d’une convention (8).
7. Sans remettre fondamentalement en cause le caractère précaire et révocable de l’AOT, l’admission du fonds de commerce sur le domaine public devrait néanmoins permettre à la personne publique propriétaire de revaloriser la redevance d’occupation perçue du commerçant occupant. Parallèlement, le retrait de l’autorisation avant son terme devrait, sauf bien sûr s’il est motivé par la faute de l’occupant, générer indemnité à son profit.
Index:
(1) Cass. Civ. 3ème 18.12.2012 n° 11-28251
(2) Cass. Com. 28.05.2013 n° 12-14049
(3) C. Chamard-Heim, Philippe Yolka AJDA 2014 p. 1641
(4) CAA Marseille 16.09.2003 N° 01MA01008
(5) CAA NANTES 23.12.2008 n° 08NT00619
(6) CAA NANTES 17.01.2014 n° 12NT01618
(7) Ph. Grimaud AJDA 2010 p. 2502
(8) Elodie Saillant AJDA 2014 p. 509
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © hamadesign_1019 - Fotolia.com
Auteur
CHARLES-NEVEU Brigitte
Avocate Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
Historique
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