Bail de centre commercial : haro sur la clause d’adhésion forcée à une association de commerçants
Publié le :
04/12/2017
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La clause statutaire imposant l’adhésion à une association est nulle car contraire à liberté d’association. La seule méconnaissance de cette liberté ouvre droit à des dommages et intérêts.
L’attractivité des centres commerciaux a un prix pour les commerçants qui y louent un emplacement : celui du coût de leur bail commercial.
Outre le loyer (souvent variable en fonction du chiffre d’affaires du commerçant), des usuelles provisions sur charges (forcément élevées puisque correspondant à une quote-part des charges globales du centre), le commerçant locataire se voit imposé des contributions financières diverses liées au bon fonctionnement du centre (participation aux frais de gardiennage, au budget communication, etc.).
A noter : et encore, il ne s’agit là que des coûts « visibles ». Il ne faut pas négliger les conséquences financières de certaines clauses : durée du bail souvent fixée à 10 ans ; (permettant ainsi un déplafonnement du loyer du bail renouvelé) ; obligations élevées d’entretien et de travaux…
Longtemps, l’une des clauses les plus souvent stipulées dans ce type de bail était celle imposant l’adhésion du locataire à l’association des commerçants du centre et le maintien de cette adhésion pendant toute la durée du bail.
Mais, par un fameux arrêt du 12 juin 2003[1], la Cour de cassation a jugé qu’une telle clause était entachée de nullité absolue car contraire aux dispositions de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations (« tout membre d’une association peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire ») et de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme (« toute personne a droit (…) à la liberté d’association »).
Dans un arrêt du 27 septembre dernier, la Cour de cassation précise qu’est tout aussi nulle – et pour les mêmes raisons –la clause « miroir » des statuts de l’association de commerçants imposant au locataire du centre d’y adhérer, sans possibilité de démissionner.
Les faits à l’origine de cet arrêt étaient les suivants : en 1998, une société prend à bail des locaux dans un centre commercial. Le contrat de bail commercial contient une clause stipulant comme condition essentielle l’adhésion du locataire à l’association de commerçants du centre.
Et les statuts de l’association imposent également cette adhésion.
Seize ans plus tard, la société locataire notifie à l’association son retrait pour le 1er janvier 2012 et cesse à compter de cette date de payer ses cotisations.
L’association poursuit alors le locataire en paiement des cotisations à échoir jusqu’au terme de son bail.
Sous le visa de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour de cassation déclare qu’une telle clause est nulle et que l’adhésion du locataire à l’association devait être annulée.
La Cour ajoute qu’à défaut de bulletin d’adhésion produit par l’association, le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne pouvait constituer l’expression d’une volonté libre d’adhérer.
Conséquence de l’annulation de l’adhésion : les parties doivent être replacées dans leur état initial ; ce qui implique des restitutions réciproques.
L’association devait donc rembourser au locataire l’intégralité des cotisations versées depuis le début ; ce qui représentait pas moins de 224 778 euros.
Et, réciproquement, le locataire devait restituer en valeur les services fournis par l’association[2]. En l’espèce, ces services (campagne de communication du centre, etc.) se chiffraient à 80 000 euros.
Après compensation, c’est donc près de 145 000 euros que l’association s’est vue condamnée à verser au locataire.
Une somme insuffisante pour ce dernier, qui réclamait, en plus, 100 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil (devenu 1240 du Code civil).
Et là est le principal apport de l’arrêt du 27 septembre 2017.
Alors que la Cour d’appel avait initialement rejeté cette demande indemnitaire au motif que le locataire ne rapportait pas la preuve d’un préjudice spécifique, la Cour de cassation, censurant sur ce point l’arrêt d’appel, affirme que la seule méconnaissance par l’association de la liberté fondamentale du locataire de ne pas adhérer constitue une faute civile ouvrant droit à dommages et intérêts.
Il appartiendra donc à la Cour d’appel de renvoi d’apprécier dans son quantum la demande indemnitaire du locataire.
Les praticiens attendront avec intérêt l’arrêt d’appel à intervenir.
Mais attention : si cette jurisprudence ouvre d’intéressantes perspectives indemnitaires pour les locataires concernés elle ne doit pas faire oublier les règles de prescription en matière de nullité et de responsabilité civile. Les actions en nullité et/ou en indemnisation devront donc être engagées dans les temps !
Auteur
Fatiha NOURI
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