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Vente en l’état futur d’achèvement et retard de livraison
Publié le :
05/04/2019
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Dans le domaine du secteur protégé, l’acte de vente en l’état futur d’achèvement doit comporter la mention d’un délai de livraison[i] selon les dispositions de l’article L. 261-11 du Code de la Construction et de l’Habitation.
La loi ne prévoit cependant aucune sanction spécifique en cas de dépassement par le vendeur dudit délai, l’acquéreur pouvant alors solliciter l’indemnisation de son préjudice sous réserve qu’il puisse démontrer la réalité de celui-ci ainsi que son quantum.
Dès lors, les parties intègrent le plus souvent une clause de pénalités de retard aux fins de prévoir à l’avance les conséquences d’un dépassement du délai stipulé.
Les possibilités pour le vendeur d’échapper à l’application de celle-ci résultent essentiellement dans l’invocation des causes légitimes de retard que sont la force majeure, et lorsqu’elles sont prévues par le contrat, les circonstances d’intempéries, de grève…
Réciproquement, l'acheteur est tenu de payer le prix au vendeur et des pénalités sont également prévues en cas de retard de paiement.
La question posée à la Cour de cassation dans l’arrêt présentement commenté du 14 février 2019[ii] est double : d’une part il s’agissait de savoir si le vendeur peut également opposer, en pareille hypothèse de dépassement d’un délai de livraison, l’exception d’inexécution du fait des retards de paiement imputables à l’acquéreur et d’autre part, si ces retards de paiement sont susceptibles, en sus de cette exception d’inexécution, de justifier le paiement de pénalités contractuellement convenues.
Les faits de cette affaire sont simples : dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, l’acquéreur se plaignant d’un retard de livraison avait assigné le promoteur-vendeur en indemnisation.
Celui-ci avait sollicité reconventionnellement le paiement d’indemnités contractuelles du fait du retard de paiement de la part de l’acheteur ainsi que le bénéfice de l’exception d’inexécution.
La Cour d’appel de Dijon avait retenu la responsabilité du vendeur en l’état futur d’achèvement et l’avait condamné à indemniser le retard de livraison subi par son acquéreur, refusant toute possibilité d’opposer l’exception d’inexécution en dépit des retards de paiement de l’acquéreur.
Elle estimait que les retards de règlement étant déjà sanctionnés par le biais des pénalités contractuellement prévues, elles ne pouvaient en sus justifier une suspension de son exécution par le vendeur.
La Haute Juridiction censure cependant la juridiction d’appel et pose le principe, au visa de l’article 1184 pris dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016, selon lequel :
« la stipulation de sanctions à l’inexécution du contrat n’exclut pas la mise en œuvre des solutions issues du droit commun des obligations ».
Ce faisant, elle retient donc la faculté d’exciper d’un cumul de sanctions en présence d’une inexécution contractuelle :
- celle contractuellement prévue (la stipulation des intérêts de retard),
- et celle résultant du droit général des contrats (l’exception d’inexécution dégagée par la jurisprudence sur le fondement notamment de l'article 1184 du code civil)
Ainsi, la Cour de cassation a régulièrement rappelé la possibilité pour un cocontractant de se prévaloir à la fois d’une sanction spécifiquement prévue, telle qu’une clause pénale, avec un mécanisme de droit commun[iii].
Une telle pratique est d’ailleurs désormais consacrée dans le Code civil à l’article 1217 issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 qui liste les différentes possibilités de sanction en cas d’inexécution du contrat et qui dispose, en son dernier alinéa :
« Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».
Il convient de noter également que la réforme du droit des contrats introduit de même deux articles qui traitent de l’exception d’inexécution et qui codifient donc le régime juridique de ce principe jurisprudentiel [iv].
Reste que ce principe de cumul ne semble pas d’ordre public et que le moyen du pourvoi prenait précisément la précaution d’ajouter que la stipulation de sanctions à l’inexécution du contrat n’excluait pas la mise en œuvre des remèdes issues du droit commun des obligations « sauf renonciation expresse ou non équivoque ».
En revanche, la Cour de cassation fait abstraction de cette précision qui aurait été bienvenue dès lors que l’omission de cette mention, de même que l’attendu très général de l’arrêt, laisse planer un doute quant à sa portée et aux possibilités d’y déroger.
Il appartiendra donc à la Haute Juridiction d’apporter quelques éclaircissements sur ce point et, dans l’intervalle, les clauses aménageant la mise en œuvre des sanctions en présence d’inexécution contractuelle pourront toujours être envisagées dans l’hypothèse d’une négociation sur le contenu du contrat entre les parties.
Cet article a été rédigé par Me Marie LETOURMY. Il n'engage que son auteur.
[i] Mention d’un délai : une période suffit
[iii] Cass. 3ème civ., 22 fév.1978, Bull. civ. III, n°99 : « la stipulation d’une clause pénale à défaut d’exécution d’une convention n’emporte pas de plein droit renonciation du créancier à poursuivre la résolution de cette convention ».
[iv] articles 1219 et 1220 du Code civil
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