Rupture du contrat d’agent commercial au cours de la période d’essai
Publié le :
02/07/2018
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2018
RAPPEL
En France, le statut des agents commerciaux est encadré par les articles L134-1 et suivants et R134-1 et suivants du Code de commerce.Ces textes sont la transposition française d’une directive européenne : la directive 86/653/CEE du conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.
Cette directive vise essentiellement à la protection de l’agent commercial. L’expression la plus remarquable de cet objectif de protection est sans nul doute le principe d’indemnisation de l’agent en cas de cessation de son contrat, fixé à l’article 17 de la Directive. Ce principe est repris à l’article L134-12 de notre Code de commerce.
Le droit à cette indemnité légale de rupture est d’ordre public et n’est exclu que dans trois cas limitativement énumérés par l’article L134-13 du Code de commerce. Parmi ceux-ci, la faute grave de l’agent commercial à l’origine du plus important contentieux en matière d’agents commerciaux.
Mais outre ces trois cas d’exclusions de l’indemnité légale, la Cour de cassation a envisagé – de manière subtile – d’autres échappatoires, qui se trouvent aujourd’hui sérieusement remises en cause par l’arrêt commenté de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 19 avril 2018
CE QU’IL FAUT RETENIR
Par son arrêt du 19 avril dernier (CJUE, 19 avr. 2018, n° C‑645/16, Conseils et mise en relations (CMR) c/ Demeures terre et tradition), la Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé que l’article 17 de la directive 86/653/CEE doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation qu’il prévoit en cas de cessation du contrat d’agence commerciale sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que le contrat stipule.Cet arrêt, qui a été rendu à la suite d’une question préjudicielle posée par la Cour de cassation française, marque un coup d’arrêt à une jurisprudence « libérale » de la Haute juridiction dont il ressort que :
- le contrat d’agent commercial peut prévoir une période d’essai ;
- en cas de rupture du contrat pendant la période d’essai l’agent commercial, ne peut prétendre à l’indemnité légale de rupture.
Bien que critiquée par certains au nom de l’orthodoxie juridique – la loi ne distinguant pas, la Cour de cassation ne peut faire de distinction selon que la rupture intervient ou pas dans le cadre d’une période d’essai – cette jurisprudence avait néanmoins le mérite du pragmatisme et d’une certaine cohérence ; si l’on raisonne par analogie avec le droit du travail.
ET POUR ALLER PLUS LOIN
Au lendemain de l’arrêt de la CJUE du 19 avril 2018, la question de l’intérêt de prévoir une période d’essai dans un contrat d’agent commercial peut être posée.Quel intérêt en effet il y aurait-il à prévoir une période d’essai si, durant cette période, la réglementation des agents commerciaux s’appliquent dans toute sa rigueur ?
En définitive, aujourd’hui, le cadre de la période d’essai des salariés est bien plus souple que celui des agents commerciaux.
A la rigueur, on pourrait encore trouver un intérêt dans la stipulation d’une période d’essai lorsque le contrat d’agent commercial est conclu pour une durée déterminée. La période d’essai permettrait au mandant de mettre librement un terme au contrat avant le terme ; sous réserve bien sûr de le faire durant la période d’essai. Certes, même dans ce cas, le mandant ne sera pas dispensé de l’indemnité légale de rupture mais au moins n’aura-il pas, en plus de celle-ci, à verser une indemnité pour résiliation du contrat avant le terme.
Se pose alors la question de la durée de la période d’essai. Sur ce point ni la loi ni les tribunaux de donnent d’indication. Par prudence, il convient d’éviter des durées trop longues. A titre de repère, le praticien pourra s’inspirer des règles fixées par le droit du travail en matière de durée de période d’essai.
Outre la question de l’intérêt de la période d’essai, on peut légitiment se demander si l’arrêt de la CJUE du 19 avril 2018 n’annonce pas de nouvelles remises en causes de certaines des positions adoptées par la Cour de cassation relativement au droit à l’indemnité légale de rupture et spécialement celles selon lesquelles :
- le contrat excluant toute faculté de négociation pour l’agent ne relève pas du statut des agents commerciaux ; dès lors « l’agent » concerné ne peut prétendre à l’indemnité de rupture prévue par l’article L134-12 du Code de commerce[3] ;
- la clause du contrat d’agent commercial reportant les effets du contrat à la date d’immatriculation de l’agent au registre spécial des agents commerciaux est valide et, de ce fait, l’agent est privé du droit à l’indemnité légale, si la cessation du contrat intervient avant cette immatriculation[4].
Autant de risques d’évolution qui doivent amener les praticiens à la plus grande prudence et réserve dans le cadre de la rédaction des contrats d’agence commerciale.
Auteur
Fatiha NOURI
Historique
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