Coronavirus et impact contrats commerciaux

Covid-19 : quels impacts sur les contrats commerciaux ?

Publié le : 01/04/2020 01 avril avr. 04 2020

La propagation du coronavirus « covid-19 » est à l’origine d’une crise sanitaire mondiale qui a conduit le gouvernement français à imposer un confinement général de la population. Nombreuses sont les interrogations des entreprises sur la continuation de leurs relations contractuelles et plus précisément sur la possibilité d’invoquer la force majeure pour se délier de leurs obligations contractuelles. 


Nous répondons à ces interrogations en nous intéressant :

 
  • A la possible qualification du coronavirus comme cas de force majeure ;
  • A l’importance des clauses contractuelles ;
  • A la possibilité d’imposer une révision du contrat pour imprévision ;
  • Aux nouvelles mesures gouvernementales d’aide aux entreprises.
 

Le coronavirus est-il un cas de force majeure ?

La force majeure telle que définie par l’article 1218 du Code civil renvoie aux événements imprévisibles à la date de la conclusion du contrat qui ne peuvent être prévenus par aucune mesure raisonnable et qui échappent au contrôle des parties au contrat.

En se référant à la jurisprudence rendue en matière d’épidémies[1], il apparaît que les juges rejettent systématiquement la qualification de force majeure ce qui laisse présager que le coronavirus « covid-19 » ne pourra probablement pas être qualifié de force majeure.

En revanche les mesures de confinement et la fermeture consécutive de 80% des établissements pendant plusieurs semaines pourraient éventuellement être qualifiées de force majeure.

Ceci est justifié par le fait que les conséquences de cette pandémie n’étaient pas prévisibles au moment de la conclusion du contrat, qu’elles étaient encore non imputables au débiteur et ne pouvaient être évitées même par des mesures appropriées.

A notre avis, la suspension et la résolution du contrat pourraient être justifiées en invoquant la force majeure. Toutefois il faut être prudent, il est difficile de prévoir dans quel sens tranchera le juge en cas de litige.
 
  • Illustration : L’intérêt pour un professionnel est de se fonder sur les mesures de confinement pour démontrer qu’elles ont un impact direct sur l’activité de l’entreprise qui n’enregistre par exemple plus de commandes et/ou qui n’a plus de trésorerie pour être en mesure de payer ses fournisseurs.
 
  • Notre conseil : Vérifiez le contenu de vos contrats : y sont généralement définis les types d’évènements constituant des cas de force majeure ou d’imprévisibilité. Vous devez également vérifier si vous pouvez bénéficier d’une couverture d’assurance dans ce type de situation (pour garantir les pertes d’exploitation liées à une pandémie ou une épidémie).
 

Autres domaines dans lesquels la force majeure peut conduire à la résolution du contrat

 
  • Dans les relations entre professionnels : ainsi l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce[2] offre la possibilité aux professionnels de résilier sans préavis une relation commerciale établie en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations en cas de force majeure.
 
  • Dans les relations avec des consommateurs : ainsi l’article L.221-15 alinéa 2 du Code de la consommation[3] prévoit que le professionnel peut s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du consommateur en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution de la prestation est le résultat de la force majeure.  
 
  • S’agissant de la formation à distance : L’article L.444-8 alinéa 2 du Code de l’éducation nationale[4] autorise l’élève qui suit une formation d’e-learning ou une formation à distance, à résilier son contrat pour cas de force majeure.
 

Si je n’obtiens pas gain de cause grâce à la force majeure, puis-je faire valoir la révision pour imprévision ?

Oui, la révision pour imprévision est aussi un bon moyen pour se prévaloir de changements de circonstances (tels que les mesures de confinement) qui déséquilibrent significativement le contrat entraînant des difficultés financières importantes pour l’une des parties.

La révision pour imprévision permet alors au cocontractant en difficulté financière de renégocier son contrat si celui-ci a été conclu après le 1er octobre 2016, et ce sur le fondement de l’article 1195 du Code civil.

Si les parties n’arrivent pas à trouver un accord, elles peuvent convenir de mettre fin au contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent. En dernier recours, l’une des parties peut saisir le juge pour qu’il procède à la révision du contrat ou y mette fin.

Cependant, s’agissant d’une notion qui a été récemment introduit dans le Code Civil, il existe très peu de jurisprudence en la matière. Ainsi, comme pour la force majeure, il convient d’être prudent.
 
 

Mesures gouvernementales d’aide aux entreprises faisant face à des difficultés financières

Les mesures barrières ordonnées par le Gouvernement (mesures d’hygiène, de santé et de distanciation sociale) qui ont dans certains cas entraîné la fermeture de secteurs économiques entiers (ex. les entreprises de restauration), causent des difficultés financières à de nombreuses entreprises. Le Gouvernement est alors intervenu dans les domaines suivants :
  • La Banque Publique d’Investissement (BPI) a été dotée de plusieurs milliards d’euros pour la mise en place d’une garantie d’Etat pour les prêts aux entreprises ;
  • Le soutien des médiateurs commerciaux de l’Etat ;
  • Le soutien par un Fonds de solidarité d’au moins un milliard d’euros destiné aux micro-entreprises, petites entreprises, indépendants ayant un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros. La création de ce fonds a été annoncé mardi 17 mars 2020 par le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire ;
  • La suspension des cotisations sociales et des impôts pouvant être prélevés à une date ultérieure ;
  • La suspension des loyers et factures d’énergie pour les petites entreprises les plus vulnérables[5].
 
Cet article n'engage que son auteur.
 
 
[1] Voir pour le SRAS : TI Paris, 4 mai 2004, n° 11-03-000869 ; pour la grippe H1N1 : CA Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229 ; pour le virus du chikungunya : CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739
[5] Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19. Disponible sur :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755842&dateTexte=20200327 

Auteur

ADAM-CAUMEIL Judith
Avocat Associé
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
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