Bail d'habitation : locations AIRBNB illégales et amendes civiles
Publié le :
24/10/2023
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Après de nombreuses années de libertés, le régime des locations saisonnières a été encadré par la loi laquelle attribue un pouvoir de contrôle aux communes françaises. Dans ce cadre, les manquements des loueurs peuvent être sanctionnés par des amendes civiles, sous certaines conditions.La plateforme AIRBNB, très connue du grand public et notamment des voyageurs, permet aux propriétaires de déposer leurs annonces de locations meublées très facilement sans nécessité de connaissance techniques ou de markéting.
Plus précisément, l’article 145 de la loi ELAN n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique précise que le meublé de tourisme peut être « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. ».
Les propriétaires peuvent ainsi mettre à la location leur résidence principale ou leurs résidences secondaires.
Ce système de locations touristiques, très en vogue, est néanmoins encadré par la loi.
C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit de la résidence principale[1] du loueur. Le propriétaire-loueur fautif peut être condamné à payer des amendes civiles en cas de non-respect de la réglementation en la matière.
Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 septembre dernier, (Cass., Civ 3, 7 septembre 2023, n°22-18.101) est venu préciser :
- Que l’amende civile de 50.000 € n’était pas due en l’absence de preuve que le logement loué de façon saisonnière était une résidence principale (après le 1er janvier 1970).
- Que l’amende civile de 10.000 € des locations illégales était une sanction revêtant le caractère d’une punition applicable seulement aux personnes ayant déclaré le logement loué comme étant leur résidence principale.
Au cas en l’espèce, une commune avait assigné une habitante, propriétaire d’un appartement pour obtenir son retour au logement, qui, selon la commune était déclaré comme étant la résidence principale de la défenderesse, et sa condamnation au paiement de plusieurs amendes civiles.
La commune sollicitait la condamnation de la défenderesse au paiement d’une amende civile pour avoir changé l’usage de son bien en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile sans respecter les dispositions de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’habitation lequel prévoit une obligation d’autorisation préalable au changement d’usage des locaux destinés à l’habitation dans certaines communes.
Elle sollicitait, en outre, sa condamnation à une amende civile pour ne pas lui avoir transmis dans le mois suivant sa demande, le nombre de jours durant lesquels son bien avait été loué, arguant sur une violation des dispositions de l’article L.324-1-1, du Code du tourisme.
1- Sur la destination d’habitation
Les dispositions de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’habitation soumettent à autorisation préalable le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.En somme, il s’agit d’une autorisation administrative pour le changement d’usage des locaux.
En cas de non-respect de cette obligation, une amende civile est encourue.
L’arrêt susvisé est venu confirmer que l’amende civile encourue pour omission de déclaration du changement de destination d’une location de courte durée n’est pas due lorsque la location ne constitue pas la résidence principale.
En effet, en l’espèce, la commune ne rapportait pas la preuve de l’occupation du local par son propriétaire.
La Cour exposait alors que la seule mention sur une déclaration remplie après le 1er janvier 1970 d’une occupation d’un local par son propriétaire ne permettait pas d’établir l’usage de ce dernier (résidence principale ou résidence secondaire), ni de le présumer à cette date de sorte que la seule preuve de la commune était rejetée.
La date du 1er janvier 1970 visé au quatrième alinéa de l’article L.631-7 du Code de la Construction et de l’habitation s’apprécie alors comme étant la date de référence, sauf en cas de changement de destination et d’usage postérieur.
2- Une durée de location limitée à 120 jours
Il résulte des dispositions de l’article L.324-1-1, IV du Code du tourisme que toutes personnes qui met à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme étant sa résidence principale ne peut le faire au-delà de 120 jours au cours d’une même année civile sauf en cas d’obligation professionnelle, de raison de santé ou encore de force majeure.Cette obligation s’applique dans les communes[2] ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable prévue au III de l’article précité.
L’article L.324-1-1, IV, alinéa 2 du Code du tourisme précise encore que la commune peut effectuer un contrôle.
En effet, elle peut, « jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. ».
Enfin, l’article L. 324-1-1, V alinéa du même code précise que « Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 €. ».
Ainsi l’amende civile n’est encourue qu’en cas d’absence de déclaration du nombre de jours occupés de la résidence principale du loueur.
L’arrêt de la Cour de cassation en date du 7 septembre 2023 rappelle que cette sanction revêt le caractère d’une punition[3] de sorte que son champ d’application est, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, d’interprétation stricte.
Ayant donc constaté que le logement mis en location par la défenderesse n’était pas sa résidence principale, la Cour de cassation confirmait l’arrêt de la Cour d’appel[4] laquelle ne sanctionnait pas la propriétaire.
Conclusion :
Il est patent que le cadre juridique des meublées de tourisme de type AIRBNB est complexe puisqu’il existe des déclarations spécifiques à faire, des autorisations administratives à obtenir etc.À ce titre d’ailleurs le Ministère de la transition écologique a diffusé un guide afin d’aiguiller les communes et/ou les propriétaires.
Pour aller plus loin :
Au niveau européen, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 22 septembre 2020 « Cali Apartments SCI et HX contre Procureur général près la cour d'appel de Paris et Ville de Paris. », n°C-724/18 et HX n° C-727/18, affaires jointes, est venu préciser que le régime d’autorisation de la location de locaux meublés à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées pouvait être imposé afin de « garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables ».
Cet article a été rédigé par Séphora BAUDIFFIER, Juriste au sein du cabinet DROUINEAU 1927. Il n'engage que son auteur.
[1] Logement occupé au moins huit mois de l’année (Loi ALUR de 2014, n°2014-366 du 24 mars 2014)
[2] Communes de plus de 200 000 habitants et aux communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne de soumettre à autorisation préalable le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation – Article L.631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation.
[3] Cass, Civ 3e, 26 janvier 2022, QPC, n°21-40.026
[4] CA PARIS, 12 mai 2022
Auteur
DROUINEAU 1927
Cabinet(s)
POITIERS (86)
Historique
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