Forfait jours : la convention collective du notariat sanctionnée

Forfait jours : la convention collective du notariat sanctionnée

Publié le : 29/12/2014 29 décembre déc. 12 2014

Un arrêt du 13 novembre complète la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de forfait annuel en jours, et aggrave l'insécurité juridique dans laquelle se trouve les employeurs vis à vis de ce mode d'organisation du temps de travail.Aux termes d'un arrêt du 13 novembre 2014 (n°13-14.206), la Chambre Sociale Cour de Cassation a jugé que les dispositions relatives au forfait annuel en jours de la Convention Collective du notariat du 8 juin 2001 n'étaient pas de nature à garantir "que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié".

En l'espèce, un notaire assistant, relevant de la Convention Collective du notariat, ayant conclu un forfait de 215 jours de travail annuel a sollicité une indemnité au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur, des congés payés et du travail dissimulé.

La Cour d'Appel de Paris a débouté ce salarié aux termes d'un arrêt du 15 janvier 2013 estimant que les éléments produits aux débats ne caractérisent nullement un dépassement par le salarié, de son forfait-jours contractuel et que le fait que les temps de repos ne soient pas mentionnés dans les documents produits n'implique pas qu'il travaillait constamment pendant toute la durée de l'amplitude invoquée.

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a cassé cet arrêt au motif que "les dispositions de l'article 8. 4. 2 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001, qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que l'amplitude de la journée d'activité ne doit pas dépasser 10 heures sauf surcharge exceptionnelle de travail, en second lieu que chaque trimestre, chaque salarié concerné effectue un bilan de son temps de travail qu'il communique à l'employeur et sur lequel il précise, le cas échéant, ses heures habituelles d'entrée et de sortie afin de pouvoir apprécier l'amplitude habituelle de ses journées de travail et de remédier aux éventuels excès, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié."

Ce nouvel arrêt qui complète la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de forfait annuel en jours (1), ne fait qu'aggraver l'insécurité juridique dans laquelle se trouve les employeurs vis à vis de ce mode d'organisation du temps de travail (2).

1. Un arrêt s'inscrivant dans la jurisprudence récente mais néanmoins constante de la Cour de Cassation
Il importe de rappeler que le forfait annuel en jours, qui est un mode de décompte du temps de travail essentiellement réservé aux salariés disposant du statut cadre ou bénéficiant d'une large autonomie dans l'organisation de leur travail, existe depuis les lois 35 heures de 2000 (communément appelée loi AUBRY 2).

Cette mesure novatrice pour l'époque permettait de déroger à la durée légale hebdomadaire de 35 heures et ainsi d'éviter le paiement d'heures supplémentaires à des cadres ne pouvant, au regard de leur fonction, respecter cette durée du travail.

Après des années d'utilisation "intensive" de ce mode d'organisation du temps de travail, la Cour de Cassation a décidé d'opérer un contrôle strict des dispositions conventionnelles relatives au forfait annuel en jours afin de vérifier leur compatibilité avec les exigences constitutionnelles de droit à la santé et au repos des salariés (alinéa 11 du préambule de la constitution de 1946).

C'est ainsi que depuis 2011, la Cour de Cassation a successivement retoqué les dispositions relatives au forfait jours présentes dans les Conventions Collectives, et notamment :

  • la Convention Collective SYNTEC (Cass. Soc. 24 avril 2013, n°11-28.398),
  • la Convention Collective du BTP (Cass. Soc. 11 juin 2014 n° 11-20.985),
  • la Convention Collective des Experts comptables (Cass. Soc. 14 mai 2014, n°12-35.033),
  • ...
Il est intéressant d'observer que depuis l'émergence de cette politique jurisprudentielle seule la Convention Collective de la Métallurgie a passé avec succès l'examen de la Cour de Cassation (Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71.107).

Cette jurisprudence, si elle permet effectivement d'éviter certains abus sur le temps de travail des salariés est une source d'insécurité juridique pour les employeurs eu égard notamment à la gravité des condamnations prononcées.


2. Une évolution jurisprudentielle source d'insécurité juridique pour l'employeur
Les employeurs, ayant nécessairement besoin de flexibilité en matière de durée du temps travail pour certains salariés, ont massivement mis en place le dispositif de forfait annuel en jours en application des lois et conventions collectives en vigueurs.

La Cour de Cassation, désirant encadrer ce dispositif, a dans un premier temps jugé que le non-respect d'une convention de forfait jours ouvrait droit au salarié de réclamer des dommages et intérêts sans remettre en cause la validité même du forfait jours (Cass. Soc. 13 janvier 2010, n°08-43.201).

Force est de constater que la Cour de Cassation va désormais beaucoup plus loin puisqu'en cas de non-respect des dispositions relatives à la santé et au repos des salariés, elle invalide et prive d'effet la convention de forfait jours avec pour conséquence l'application du droit commun en matière de durée du travail.

En vertu de cette jurisprudence, les condamnations financières sont extrêmement lourdes pour les entreprises dans la mesure où elles portent sur le paiement :

  • des heures supplémentaires au-delà de la durée légale du travail, à savoir 35 heures, et des congés payés afférents,
  • d'une indemnité au titre du repos compensateur,
  • d'une indemnité au titre du travail dissimulé (Cass. Soc. 12 mars 2014, n° 12-29.141).
Par ailleurs, il est extrêmement complexe de se mettre en conformité avec cette nouvelle jurisprudence car l'employeur, en augmentant les moyens de contrôle du temps de travail des salariés, encourt le risque d'attirer l'attention desdits salariés sur les irrégularités existantes et donc d'entrainer l'émergence de contentieux.

En réalité, cette jurisprudence a pour conséquence de vider de son sens le dispositif même du forfait annuel en jours dans la mesure où elle impose un contrôle des horaires de travail des salariés disposant en principe d'une forte autonomie dans la gestion de leur temps de travail.

En pratique, pour éviter tout risque de condamnation, l'employeur ne semble avoir d'autre choix que de soumettre les salariés bénéficiant d'un forfait annuel en jours à un système de pointage ...

L'ouverture qui pourrait exister pour les employeurs dans le cadre des contentieux en matière de forfait jours serait de solliciter le remboursement des jours RTT qui sont octroyés aux salariés en contrepartie du forfait et des heures effectivement réalisées dans le cadre de celui-ci.

En effet, si l'invalidation d'une convention de forfait jours a pour effet de priver le forfait d'effet et d'appliquer le droit commun, alors il ne serait pas cohérent de permettre au salarié de conserver les sommes versées au titre des jours RTT.

Si cette problématique n'a, en l'état de nos connaissances, pas été tranchée, les premières décisions des Conseil de Prud'hommes semblent encourageantes ...



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © granata68 - Fotolia.com

Auteur

HOCDÉ Elise

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