Caractère manifestement excessif des pénalités et groupement solidaire
Publié le :
29/06/2023
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1- On sait que le juge administratif dispose d’un pouvoir de modulation des pénalités contractuelles appliquées par le pouvoir adjudicateur lorsqu’elles apparaissent manifestement excessives ou dérisoire au vu notamment du montant du marché public[1].
Les décisions faisant application de ce pouvoir de modulation sont toutefois rares, et celles apportant des éclairages sur sa mise en œuvre pratique le sont encore plus.
C’est le cas de cet arrêt en date du 12 avril 2023, par lequel le Conseil d’Etat encadre l’appréciation à laquelle le Juge doit se livrer en cas de groupement solidaire[2].
L’hypothèse est la suivante. Le mandataire d’un groupement solidaire de maîtrise d’œuvre a commis un certain nombre de manquements dans le cadre de ses missions. Le maître d’ouvrage a tout d’abord procédé à l’application de pénalités de retard avant de prononcer la résiliation pour faute et aux frais et risques de la seule part du marché qui lui était confiée.
Les prestations restant à réaliser ont été confiées à ses anciens cotraitants par voie d’avenant.
Le mandataire conteste cette décision et sollicite, à titre principal, la reprise des relations contractuelles, et à titre subsidiaire la fixation judiciaire du décompte de liquidation. Il conteste notamment le montant des pénalités qui lui ont été appliquées, qu’il estime manifestement excessives.
2- Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord (la solution est désormais classique[3]) que le pouvoir de conclure un marché de substitution, sans résiliation, pour pallier un défaut d’exécution du marché, tout comme celui de résilier pour faute un marché lorsque les fautes commises sont d’une gravité suffisante, existent même sans texte et sans clause contractuelle.
Le fait que le CCAG Prestations Intellectuelles dans sa version 2009 auquel renvoyait le marché, ne prévoyait aucune de ces hypothèses est donc sur ce point inopérant.
Rappelons que cette question ne devrait plus se poser pour les marchés conclus sous l’empire des nouveaux CCAG version 2021, puisqu’ils prévoient tous désormais expressément cette faculté.
En l’espèce, le Conseil d’Etat confirme que les divers manquements du mandataire, notamment dans le cadre de sa mission de direction de l’exécution des travaux justifiaient la résiliation du marché à ses frais et risques.
3- C’est sur la question des pénalités de retard que le Conseil d’Etat innove. Il constate tout d’abord que le groupement de maîtrise d’œuvre est solidaire et que la répartition des prestations entre les cotraitants a été contractualisée avec le maître d’ouvrage, via une annexe à l’acte d’engagement.
Dans une telle hypothèse, il considère que le caractère excessif ou non des pénalités appliquées doit être apprécié au vu non pas du montant du marché pris dans sa globalité, mais du montant des seules prestations confiées au membre du groupement concerné par les pénalités :
« Lorsqu’une convention, à laquelle le maître d’ouvrage est partie, fixe la part qui revient à chaque membre d’un groupement solidaire dans l’exécution d’une prestation, et lorsque le juge est saisi par l’un de ces membres de conclusions tendant à ce que soient modérées les pénalités mises à sa charge en raison des retards dans l’exécution de la part des prestations dont il avait la charge, il appartient au juge, pour apprécier leur caractère manifestement excessif eu égard au montant du marché, de prendre en compte la seule part de ce marché qui lui est attribuée en application de cette convention. »
La solution fait sens. Dès lors que le périmètre des prestations à réaliser par le membre concerné par les pénalités est connu et contractualisé, rien ne justifie qu’il soit fait référence au marché dans sa globalité pour apprécier si ces pénalités sont excessives au vu du chiffre d’affaires attendu dudit marché.
A l’inverse, si le marché ne précise pas cette répartition, le maître d’ouvrage n’y est pas tenu et la répartition entre les membres du groupement ne lui est pas opposable. Il ne dispose donc pas d’autre référentiel contractuel que le montant du marché pris dans sa globalité.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
Pierre JAKOB
Avocat Associé
CORNET VINCENT SEGUREL LYON
LYON (69)
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