Conditions générales de vente

Conditions catégorielles de vente : Quelles obligations face à un commissionnaire à l’achat ?

Publié le : 01/12/2022 01 décembre déc. 12 2022

Par un arrêt du 28 septembre 2022 (Cass. com., 28 septembre 2022, n°19-19.768), la Cour de cassation a mis fin à la saga judiciaire qui oppose, depuis de nombreuses années[1], la société de regroupement à l’achat Pyxis Pharma au laboratoire pharmaceutique Cooper.
Ainsi que le permet l’article L. 441-1, II du code de commerce (anciennement L. 441-6, I), la société Cooper a souhaité différencier ses conditions générales de vente selon la catégorie d’acheteurs à laquelle elle s’adresse.

Elle distinguait ainsi trois catégories de clients : les officines indépendantes, les officines groupées et les grossistes.

La société Pyxis Pharma, société de regroupement à l’achat agissant au nom et pour le compte de ses membres, prétendait bénéficier des conditions réservées aux officines indépendantes alors que la société Cooper considérait que Pyxis Pharma relevait de la catégorie des grossistes. La Cour de cassation a finalement donné raison à la société Pyxis Pharma.

Rappel des règles applicables en matière de conditions catégorielles de vente

L’article L. 441-1 du code de commerce prévoit que :

« (…) II.- Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s'effectue par tout moyen constituant un support durable.

Ces conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de prestations de services. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au premier alinéa du présent II porte uniquement sur les conditions générales de vente applicables à une même catégorie d'acheteurs. (…)
IV.- Tout manquement au II est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale ».

Sur ce point, la Cour de cassation rappelle que le fournisseur définit librement les différentes catégories d’acheteurs auxquelles sont applicables ses conditions générales de vente, sous réserve que les critères définissant ces catégories soient objectifs et ne créent ni un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ni une entente anticoncurrentielle ni un abus de position dominante.

En l’espèce, la société Cooper justifiait l’octroi de conditions plus avantageuses aux officines indépendantes qu’aux clients relevant des autres catégories au regard notamment de la relation directe que les officines entretiennent avec le consommateur final (qu’elles conseillent) et des contraintes de stockage qui leur sont imposées.

Toutefois, ce ne sont pas tant ces critères en tant que tels qui étaient critiqués dans l’arrêt commenté que la façon dont ils étaient appliqués par la société Cooper.

Le commissionnaire à l’achat n’est pas assimilable à un grossiste

Dans cette affaire, toute la difficulté était de savoir de quelle catégorie relevaient les sociétés de regroupement à l’achat (SRA).

La société Cooper distinguait les SRA agissant comme « référenceurs », d’une part, et celles agissant comme commissionnaires à l’achat, d’autre part.

Dans le cas des SRA agissant comme « référenceurs » ou centrales de référencement, un contrat de référencement est conclu entre la SRA et la société Cooper, un contrat d’affiliation lie la SRA à chacune des officines et les contrats de vente sont conclus directement entre la société Cooper et les officines membres de la SRA. La livraison et la facturation étant faite individuellement par la société Cooper auprès de chaque officine adhérente ou membre de la SRA, ces dernières pouvaient bénéficier des conditions de vente de la catégorie des officines indépendantes.

Dans le cas des SRA agissant comme commissionnaires à l’achat, la SRA centralise et négocie les commandes de ses membres qu’elle transmet en son nom à la société Cooper. Cette dernière émet alors des factures au nom de la SRA qui les règle pour le compte de ses membres et refacture ensuite les produits commandés à ces derniers. Coexistent alors deux contrats : un contrat conclu entre la société Cooper et la SRA et un contrat de commission à l’achat entre la SRA et chacun de ses adhérents. L’entité facturée n’étant pas, dans ce cas de figure, une officine mais un opérateur intermédiaire entre la société Cooper et les officines, la société Cooper s’estimait légitime à considérer les SRA commissionnaires à l’achat comme des grossistes[2].

Procédant à une exacte analyse des relations entre les parties dans leur ensemble, la Cour de cassation retient toutefois que, même si l’entité facturée est la SRA, celle-ci agit toujours pour le compte de ses membres, de sorte qu’il existe bien une relation directe entre la société Cooper et les officines membres de la SRA, que ces dernières passent commande directement auprès de la société Cooper ou qu’elles passent leurs commandes par l’intermédiaire de la SRA.

Elle ajoute qu’en présence d’une SRA agissant comme commissionnaire à l’achat, le transfert de propriété se fait dans le patrimoine de l’officine commettante et non dans celui de la SRA, ce qui implique que les officines passant leurs commandes par l’intermédiaire d’une SRA supportent, comme les officines passant commande directement auprès de la société Cooper, des charges de stockage.

La différence de traitement entre les officines membres d’une SRA agissant comme centrale de référencement et celles membres d’une SRA agissant comme commissionnaire à l’achat n’était donc pas justifiée, raison pour laquelle la Cour de cassation conclut que Pyxis Pharma, en sa qualité de commissionnaire à l’achat, était fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente de la société Cooper accordées aux officines indépendantes.

En refusant de lui communiquer lesdites conditions, la société Cooper a donc violé les dispositions de l’article L. 442-1, II susvisé.


Cet arrêt est ainsi l’occasion de revenir sur la nature très particulière du commissionnaire à l’achat qui, sur le plan purement comptable, est bien un acheteur-revendeur alors que, sur le plan juridique, il est totalement transparent.

En l’occurrence, lorsqu’il s’agit de définir les conditions catégorielles de vente qui doivent lui être appliquées, c’est bien l’approche juridique qui doit être retenue et non l’approche comptable.

Aussi, les commissionnaires à l’achat relèveront-ils toujours de la même catégorie que celle de leur commettant, sauf à ce qu’une catégorie spécifique soit créée pour les commissionnaires à l’achat, catégorie dont il faudrait alors pouvoir justifier la pertinence.


Cet article n'engage que son auteur.

Index: 
[1]     Cette affaire a en effet déjà donné lieu à un premier arrêt de cassation le 29 mars 2017 (pourvoi n°15-27.811).
[2]     Pour mémoire, l’article L. 441-4, II du code de commerce définit en effet le grossiste comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d'autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s'approvisionne pour les besoins de son activité ».

Auteur

Caroline BELLONE-CLOSSET
Avocate Collaboratrice
CORNET VINCENT SEGUREL LILLE
LILLE (59)
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